Méthodes de recherche d’un déficit en dihydropyrimidine deshydrogénase visant à prévenir certaines toxicités sévères associées aux traitements incluant une fluoropyrimidine (5-fluorouracile ou capécitabine)
Objectif
L’objectif était de déterminer le ou les examens à réaliser en pratique et à large échelle pour identifier parmi les environ 80.000 patients/an traités par une chimiothérapie intégrant une fluoropyrimidine, dans le cadre de différents cancers (principalement cancers digestifs, du sein et ORL), ceux présentant un déficit d’activité de la dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD), principale enzyme permettant l’élimination de ces médicaments. En effet, chez ces patients déficitaires, la prise de ces traitements anticancéreux peut entraîner une toxicité sévère, voire létale.
Méthode
L’évaluation a été réalisée conjointement par la HAS et l’Institut national du cancer (INCa). Ses conclusions reposent sur l’analyse critique des données disponibles de la littérature et le recueil de la position argumentée d’un panel pluridisciplinaire de dix-neuf experts (cliniciens, biologistes, pharmaciens, pharmacologues, oncogénéticiens) réunis au sein d’un groupe de travail. Le contenu et les conclusions du rapport ont par ailleurs fait l’objet d’une relecture nationale par quinze experts de spécialités concernées et n’ayant pas participé au groupe de travail.
Conclusions
Sur la base de l’évaluation ainsi réalisée, l’examen le plus à même de répondre à l’heure actuelle à l’objectif fixé, apparaît être la mesure de l’uracilémie [mesure de la concentration plasmatique de l’uracile]. Cet examen doit être réalisé lorsqu’un traitement par fluoropyrimidine est envisagé et dans les conditions de mise en œuvre suivantes :
- conditions pré-analytiques : utilisation de tubes sans gel séparateur et avec anticoagulant pour réaliser le prélèvement, délai maximal entre prélèvement et centrifugation de 1 heure si le prélèvement est conservé à température ambiante et de 4h s’il est placé à + 4°C, centrifugation de préférence à + 4°C puis congélation immédiate du plasma obtenu, transport devant respecter la chaîne du froid ;
- technique de dosage : par chromatographie en phase liquide à haute ou ultra-haute performance (plusieurs modes de détection possibles) ;
- interprétation et rendu des résultats :
- une valeur d’uracilémie ≥ 150 ng/ml est évocatrice d’un déficit complet en DPD,
- une valeur d’uracilémie ≥ 16 ng/ml et < 150 ng/ml est évocatrice d’un déficit partiel en DPD,
- l’interprétation des résultats sur la base de ces valeurs seuils doit impérativement prendre en compte le fait que l’uracilémie est une variable continue et que le risque de toxicité sévère augmente donc a priori lorsque l’uracilémie augmente,
- le délai de rendu de résultats, de la prescription du test à la réception du résultat par le clinicien, doit être idéalement de sept jours, au maximum de dix jours,
- les décisions d’ajustement thérapeutique associées à un diagnostic de déficit en DPD doivent reposer sur un dialogue clinico-biologique.
A noter que quel que soit l’examen réalisé pour rechercher un déficit en DPD, toutes les toxicités sévères, parfois létales, ne pourront être évitées par cette recherche. En effet, toutes les toxicités sévères survenant sous fluoropyrimidine ne sont pas causées par un déficit en DPD, ni nécessairement attribuable à la fluoropyrimidine dans le cadre d’une combinaison de médicaments anticancéreux pouvant tous entraîner des toxicités sévères.
Les deux documents ci-dessous sont d’une part, le rapport d’évaluation de la HAS et de l’INCa de décembre 2018 et d’autre part, une fiche d’information à destination des patients, éditée en avril 2019 par la HAS, l’INCa et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).