Comprendre l'évaluation économique des produits de santé
Pour garantir la pérennité du système de santé, fondé en majeure partie sur une prise en charge financière collective des soins de santé, des choix en matière d’allocation des ressources doivent être faits. Deux outils peuvent être utilisés :
- L’évaluation de l’efficience dont l’objectif est de hiérarchiser les différentes options envisageables en fonction de leur capacité à produire les meilleurs résultats possibles à partir des ressources à mobiliser, en vue d’une allocation optimale des ressources.
- L’analyse d’impact budgétaire dont l’objectif est d’estimer les conséquences financières de l’introduction d’un produit de santé sur le budget de l’assurance maladie à court ou moyen terme, afin d’anticiper les besoins de financement du système de santé et d’assurer un accès des patients aux traitements.
Missions de la HAS
La HAS évalue l’efficience et l’impact budgétaire des produits et technologies de santé présumés innovants et susceptibles d’avoir un impact significatif sur les dépenses de l’Assurance maladie (article R161-71-3 du Code de la sécurité sociale).
L’obligation de déposer une analyse de l’efficience auprès de la CEESP est détaillée par la décision du Collège de la HAS n°2022.0212/DC/SED/SEM du 23 juin 2022 « relative à l’impact significatif sur les dépenses de l’assurance maladie déclenchant l’évaluation médico-économique des produits revendiquant une ASMR ou une ASA de niveaux I, II ou III ». Les services de la DEAI se prononcent sur l’éligibilité pour chaque produit de santé revendiquant une amélioration du service médical rendu (ASMR) ou une amélioration du service attendu (ASA) de niveau I, II ou III.
L’obligation de déposer une analyse d’impact budgétaire est quant à elle prévue à l’article 12.d. de l’accord-cadre du 05/03/2021 entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et les Entreprises du médicament (LEEM).
L’article R161-71-3 du Code de la sécurité sociale dispose qu’une évaluation économique est requise, dans le cadre d'une procédure d'inscription (primo-inscription ou extension d’indication) ou de renouvellement d'inscription au remboursement pour les produits de santé pour lesquels le déposant revendique :
- une ASA/ASMR de niveau I, II ou III, et ;
- un « impact significatif sur les dépenses de l’Assurance maladie compte tenu de son incidence sur l’organisation des soins, les pratiques professionnelles ou les modes de prise en charge des malades, et le cas échéant de son prix ».
S'agissant des médicaments, la décision du collège de la HAS n°2022.0212/DC/SED/SEM du 23 juin 2022 prévoit qu’une évaluation économique est requise lors d’une procédure d’inscription, et précise la notion d’impact significatif :
- dès lors que le produit concerné est un médicament de thérapie innovante (MTI), compte tenu de l’incidence que ce type de médicament est susceptible d’avoir sur l'organisation des soins, les pratiques professionnelles ou les conditions de prise en charge des malades, ou ;
- dès lors que le chiffre d'affaires hors taxes prévisionnel de la 2e année de commercialisation dans l’indication est supérieur ou égal à 20 millions d'euros annuels, ou ;
- dès lors que l’entreprise revendique une incidence sur l’organisation des soins, les pratiques professionnelles ou les conditions de prise en charge des malades.
S'agissant des dispositifs médicaux, la décision du collège de la HAS n°2022.0212/DC/SED/SEM du 23 juin 2022 précise la notion d’impact significatif, et prévoit qu’une évaluation économique est requise dès lors que le chiffre d'affaires hors taxes prévisionnel de la 2e année de commercialisation dans l’indication est supérieur ou égal à 20 millions d'euros annuels en cas de procédure d’inscription, ou dès lors que le chiffre d'affaires hors taxes constaté au cours des 12 mois précédant la demande de renouvellement d’inscription dans l’indication est supérieur à 20 millions d'euros annuels.
S'agissant des médicaments, la décision du Collège de 2022 définit des critères d’exemption de l’évaluation économique :
- lorsque le médicament n’est protégé par aucun brevet, ni aucun certificat complémentaire de protection ;
- lorsque la demande concerne une extension d’indication pédiatrique pour laquelle l’indication chez les adultes est déjà prise en charge par la solidarité nationale ;
- lorsque la demande concerne une extension d’indication qui engendre une hausse de la population rejointe par le produit, de moins de 5% à 2 ans.
S’agissant des dispositifs médicaux, la décision du Collège de 2022 définit par exception qu’une évaluation économique n’est pas requise lorsque la demande concerne une extension d’indication pédiatrique pour laquelle l’indication chez les adultes est déjà prise en charge par la solidarité nationale.
S’agissant du médicament, le dépôt d’une analyse d’impact budgétaire s’inscrit quant à elle dans l’accord-cadre entre le CEPS et le LEEM du 5 mars 2021 (article 12.d) :
- le dépôt d’une analyse d’impact budgétaire est requis en complément de l’analyse de l’efficience, pour les produits dont le chiffre d’affaires prévisionnel en 2ème année de commercialisation est supérieur à 50 millions d’euros hors taxes ;
- l’industriel peut déposer une analyse d’impact budgétaire en complément de l’analyse de l’efficience si une économie globale dans la prise en charge est revendiquée.
En dehors de cet accord, le dépôt d’une analyse d’impact budgétaire, par une entreprise du médicament ou un fabricant de dispositif médical, demeure optionnel mais est encouragé.
Rôle de la CEESP
La commission d’évaluation économique et de santé publique (CEESP) a pour mission de rendre un avis économique, sur le fondement de l’analyse critique que réalise les services concernés de de la Direction de l’Evaluation et de l’Accès à l’Innovation (DEAI) et à partir du dossier déposé par l’industriel. Par cet avis, la CEESP contribue à ce que la mesure de l’intérêt pour la société d’une stratégie de soins ou d’un produit de santé soit prise en compte par les pouvoirs publics.
L'avis économique est transmis au Comité économique des produits de santé, dans un objectif d’aide à la négociation du prix des produits concernés.
Dans sa doctrine , la CEESP explicite sa démarche présidant à la rédaction des avis rendus et de donner les clés d’interprétation de la lecture des avis. Elle fixe le cadre général explicitant la gradation des réserves méthodologiques, les prises de position de la commission quant aux éléments de conclusion, les messages clés qu’elle souhaite transmettre au décideur public.
L’avis économique est émis en parallèle de l’avis rendu par la commission de la transparence (CT) ou par la commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDiMTS).
La CEESP est composée d’économistes, cliniciens, épidémiologistes, spécialistes en santé publique, en sciences humaines et sociales ainsi que de membres choisis parmi les adhérents d’associations de malades et d’usagers du système de santé. Tous les membres doivent communiquer leur déclaration publique d’intérêts (DPI).
La commission est indépendante des décideurs, des payeurs et des industriels.
Pour en savoir plus sur les missions non réglementaires, la composition, le règlement et l’agenda de la CEESP.
Critères d’évaluation
L’évaluation de l’efficience se traduit par l’estimation d’un ratio différentiel coût-résultat (RDCR) qui permet d’identifier quels sont les produits les plus efficients, c’est-à-dire ceux qui permettent de maximiser les gains de santé pour une quantité de ressources donnée.
L’estimation du RDCR dépend de plusieurs facteurs dont la documentation permet d’apprécier l’incertitude attachée aux résultats et donc le degré de confiance accordé à l’analyse de l’efficience soumise, considérant les choix méthodologiques du demandeur.
En complémentarité, l’analyse d’impact budgétaire se traduit par une mesure de l’impact financier pour l’Assurance Maladie de l’introduction d’un produit de santé en se fondant sur une estimation de la population susceptible de bénéficier de ce produit.
Ces analyses constituent un outil d’aide à décision de financement des produits de santé.
En savoir plus, consulter les guides méthodologiques :
- Choix méthodologiques pour l’évaluation économique à la HAS
- Choix méthodologiques pour l’analyse d’impact budgétaire à la HAS .
Étapes d’élaboration d’un avis économique
L’élaboration d’un avis économique mobilise plusieurs acteurs et instances :
- les services de la DEAI actent l'éligibilité ou la non-éligibilité du produit à une évaluation économique dans l’indication pour laquelle l’industriel fait la demande d’inscription au remboursement ;
- les services de la DEAI sont chargés de la validation administrative, du suivi du dossier et de l’analyse critique de l’évaluation économique proposée par l’industriel, de la rencontre précoce ou pré-dépôt à la publication de l’avis économique. Les services de la DEAI rédigent une proposition d’avis économique et assurent la présentation du dossier en CEESP ;
- le groupe technique économique (GTE), optionnel, composé d’experts de la CEESP, est chargé de valider l’analyse proposée des éléments techniques de l’évaluation, de discuter les sources d’incertitude et les points clefs de conclusion à proposer à la CEESP ;
- l’industriel peut être amené à répondre à un échange technique avec les services de la DEAI, à présenter ses réponses au GTE et demander une audition auprès de la CEESP ;
- la CEESP est chargée d’examiner le dossier et de valider l’avis économique à l’issue de la phase contradictoire.
Pour en savoir plus, consulter les étapes d’élaboration d’un avis économique .
Publication des avis économiques
Après validation finale de la CEESP, l’avis économique est transmis aux décideurs publics : le Comité économique des produits de santé (CEPS) qui négocie le prix du produit de santé (médicament ou dispositif médical) avec l’industriel déposant la demande d’évaluation. Il est aussi communiqué à ce dernier.
L’avis économique fait l’objet d’une mise en ligne sur le site de la HAS, après masquage des données qui relèvent du secret industriel et commercial. La synthèse de l’avis traduite en anglais est publiée.
Place des associations de patients et d’usagers dans l’évaluation
Les associations de patients et d’usagers peuvent contribuer à l’évaluation des produits de santé. La HAS publie chaque semaine sur son site la liste des médicaments et des dispositifs médicaux, accompagnée d’un questionnaire type qui permet aux associations de s’exprimer sur la pathologie et sur les attentes par rapport aux traitements. La HAS peut également solliciter, en tant que partie prenante, des associations qu’elle identifie comme pouvant apporter des éléments utiles à l’évaluation. Ces contributions sont transmises aux membres de la CEESP lors de l’évaluation et sont prises en compte dans l’évaluation du dossier.
En savoir plus sur la contribution des associations à l’évaluation du médicament et des dispositifs.
Nous contacter
Pour toute information relative à l'évaluation économique des produits de santé :
avis_efficience@has-sante.fr.
Documents
- Décision n°2022.0212/DC/SED/SEM du 23 juin 2022 du collège de la Haute Autorité de santé relative à l’impact significatif sur les dépenses de l’assurance maladie déclenchant l’évaluation médico-économique des produits de santé revendiquant une ASMR ou une ASA de niveaux I, II ou III
- Etapes d'élaboration d'un avis économique
- Doctrine de la CEESP
- Guide méthodologique - Études en vie réelle pour l’évaluation des médicaments et dispositifs médicaux