Stratégie de vaccination contre la Covid-19 - Place d’un rappel par le vaccin à ARNm COMIRNATY®
La recommandation vaccinale intitulée « Stratégie de vaccination contre la Covid-19 - Place d’un rappel par le vaccin à ARNm Cominarty » et sa synthèse remplacent celles adoptées par la décision du 5 octobre 2021
Le vaccin Comirnaty® a obtenu une le 4 octobre 2021 une variation à l’autorisation de mise sur le marché (AMM) conditionnelle en Europe (procédure centralisée) et peut être administré en tant que dose de rappel (3ème dose), injectée par voie intramusculaire au moins 6 mois après la seconde dose, chez les personnes âgées de 18 ans et plus.
A qui s’adresse ces recommandations ?
Elles s’adressent aux pouvoirs publics.
Quels sont les objectifs de cette recommandation ?
Dans la continuité des travaux déjà menés sur la stratégie de vaccination contre le SARS-CoV-2 et à la demande du Ministère chargé de la santé, la HAS, en s’appuyant sur la Commission technique des vaccinations, détermine la place d’un rappel (3ème dose) par le vaccin Comirnaty® dans la stratégie vaccinale actuelle contre la Covid-19, au vu des données épidémiologiques, immunologiques, d’efficacité vaccinale en vie réelle et de tolérance en population générale.
Principales conclusions de la recommandation
La HAS a pris en compte des considérations sur la place d’un rappel dans la stratégie de vaccination contre le SARS-CoV-2, notamment :
- La situation sanitaire française actuelle, marquée par une amélioration de l’ensemble des indicateurs épidémiologiques dans les régions métropolitaines.
- Les études les plus récentes confirment une baisse au cours du temps de l’efficacité vaccinale observée en vie réelle contre les infections liées au variant Delta (de 30 à 70 %) avec toutefois une efficacité contre les formes graves qui reste à un niveau élevé (supérieur à 80-90 %) durant la période où le variant Delta est devenu prédominant, et ce quel que soit le vaccin administré. Bien que cette baisse progressive de la protection au cours des 6 mois suivant la primo-vaccination soit essentiellement observée chez les plus âgés, certaines études rapportent qu’elle est constatée dans tous les groupes d’âge (plus de 18 ans). En l’état des données disponibles, il est probable que cette baisse de la protection relève de la conjonction d’une moindre efficacité des vaccins vis-à-vis du variant Delta et de la diminution progressive de l’efficacité vaccinale à distance du schéma avec 2 doses de vaccin.
- L’existence depuis le début de l’épidémie en France, d’infections nosocomiales[1] pour lesquelles la part des professionnels de santé parmi les cas signalés est non négligeable (39 %),
- Les données israéliennes d’efficacité observée en vie réelle concernant une dose de rappel du vaccin Comirnaty, approuvée le 30 juillet quant à l’administration tout d’abord chez les personnes de 60 ans ou plus complètement vaccinées au moins cinq mois auparavant (plus de 2,8 millions de doses de rappel ont été effectuées à la date du 13 septembre), montrent un impact assez rapide en termes de diminution du taux de reproduction, de diminution des cas d’infections confirmés et des cas sévères chez les sujets de plus de 60 ans.
- Les données israéliennes de tolérance observées en vie réelle, quant à l’administration d’une dose de rappel, quoiqu’encore limitées en termes de recul et du nombre de doses injectées semblent montrer au 17 septembre un profil de tolérance global de la dose de rappel généralement comparable à celui observé après l’administration de la seconde dose de vaccin.
- Des données complémentaires sur la cinétique virale du variant Delta chez des personnes primovaccinées.
- Les données limitées d’une étude rétrospective israélienne (avec seulement 245 infections survenues chez des personnes ayant reçu une dose de rappel en Israël), montrent que l’administration d’une dose de rappel est associée à une diminution statistiquement significative de la charge virale en comparaison à celle des personnes primovaccinées qui n’avaient pas reçu leur dose de rappel, suggérant ainsi que l’administration d’un rappel diminuerait la charge virale et de fait, probablement la contagiosité des personnes développant une infection par le SARS-CoV-2 (variant Delta).
La HAS a pris en compte des considérations sur la place spécifique du vaccin Comirnaty dans la campagne de rappel, au regard de la demande des laboratoires Pfizer/BioNTech, notamment :
- La délivrance par l’EMA d’une variation à l’autorisation de mise sur le marché conditionnelle quant à « l’administration d’une dose de rappel (3ème dose) de Comirnaty, injectée par voie intramusculaire au moins 6 mois après la seconde dose, chez les personnes âgées de 18 ans et plus ».
- La tendance à la baisse progressive de l'efficacité du vaccin Comirnaty sur les formes symptomatiques (baisse d’environ 6 % en moyenne tous les 2 mois) rapportée dans l’étude de Thomas et al [2] quant au suivi de l’essai de phase 3 initial portant sur plus de 40 000 participants.
- Les données d’immunobridging d’une dose de rappel par le vaccin Comirnaty qui, administré à une dose de 30 µg environ 6 mois (entre 4,8 et 8 mois) après un schéma avec 2 doses de vaccin, chez des sujets âgés de 18 à 55 ans sans antécédent d’infection, induit une réponse humorale (anticorps neutralisants anti-SARS-CoV-2) un mois après la 3ème injection, non inférieure à celle observée chez ces mêmes sujets un mois après leur 2nde dose.
Les données de tolérance obtenues dans la sous-étude de phase 3 chez 306 adultes âgés de 18 ans à 55 ans ayant reçu une dose de rappel, et suivis sur une période médiane de 2,6 mois (intervalle 1,1 à 2,8 mois), montrant un profil de tolérance du vaccin Comirnaty globalement satisfaisant, généralement similaire à celui observé après l’administration de la 2nde dose.
- Les données françaises de pharmacovigilance à date (au 23/09/21) relatives à la primovaccination par Comirnaty en post-utilisation, avec notamment des myocardites/péricardites survenus principalement chez des adolescents et de jeunes adultes (qui font désormais partie intégrante des effets indésirables listés dans le RCP du vaccin Comirnaty), plus souvent chez les hommes que chez les femmes, plus souvent après la 2ème dose du vaccin Comirnaty, et en moyenne dans les 8 jours après la vaccination toute dose confondue. Les données françaises et internationales indiquent que les myocardites sont, pour la grande majorité, résolutives et non sévères.
L’analyse de l’Advisory Committee on Immunization Practices (ACIP) mise à jour à la fin du mois d’août pour la population âgée de 16 à 29 ans confirme que les bénéfices d’une primovaccination par Comirnaty l’emportent sur les risques dans toutes les tranches d’âge et pour les 2 sexes, même si ce rapport est meilleur pour la population plus âgée et pour les femmes.
L’analyse de l’ACIP concernant la balance bénéfice/risque pour la dose de rappel pour les sujets âgés de 18 ans et plus, qui est plus favorable pour les sujets âgés de 65 ans et plus comparativement aux sujets plus jeunes
Recommandations relatives à la stratégie de rappel contre le SARS-CoV-2 – place du vaccin Comirnaty
Ces recommandations concernent le cas de l’administration d’une dose de rappel au moins 6 mois après la dernière dose de la primovaccination, qui est à distinguer de l’administration d’une dose supplémentaire administrée plus précocement, notamment dans des populations immunodéprimées et déjà préalablement recommandée par la HAS.
L’actualisation des données les plus récentes conforte les recommandations de la HAS du 23 août 2021[3], relatives à l’administration d’une dose de rappel pour les personnes de 65 ans et plus, ainsi que pour toutes les personnes présentant des comorbidités augmentant le risque de formes graves et de décès liés à la Covid-19.
La HAS note par ailleurs, bien que le nombre de doses injectées soit encore limité, que les données de tolérance observées en vie réelle suite à l’injection d’une dose de rappel chez les jeunes adultes sont rassurantes concernant notamment la survenue de myocardite, de péricardite et de myo-péricardite.
La situation sanitaire actuelle, dont les indicateurs s’améliorent, et les données encore limitées sur les conséquences d’un déclin de l’efficacité vaccinale au cours du temps chez les adultes jeunes sans comorbidité, ne permettent pas à ce stade de modifier les recommandations de la HAS quant à la pertinence d’un rappel en population générale. La HAS souligne toutefois que l’administration d’une dose de rappel deviendra probablement nécessaire au cours des mois qui viennent. La HAS sera donc amenée à revoir ses recommandations dès que des données nouvelles le justifieront.
En outre, des études évaluant différentes stratégies de rappel en population générale avec des schémas hétérologues, y compris avec d’autres vaccins ARN adaptés aux variants ou issus d’autres plateformes vaccinales que les ARNm ou les vecteurs viraux, sont en cours et viendront apporter de nouvelles données sans qu’il soit possible à ce stade d’en préciser le calendrier.
En revanche, compte tenu du risque accru d’exposition et d’infection au virus du SARS-CoV-2 par rapport à la population générale, la HAS recommande d’étendre l’administration d’une dose de rappel aux professionnels du secteur de la santé et du secteur médico-social, en contact avec les patients et chez les professionnels du transport sanitaire (quel que soit leur mode d’exercice, y compris bénévole, et quel que soit leur âge). En effet ces professionnels sont à la fois plus exposés et plus susceptibles de transmettre la maladie par leur contact direct avec les patients, aussi la dose de rappel a pour objectif de leur conférer la meilleure protection possible face au variant Delta, plus transmissible, et de contribuer, en limitant la propagation de la maladie, à la protection des personnes vulnérables qu’ils prennent en charge (certaines d’entre elles n’étant pas immunisées car non répondeuses ou encore non ou incomplètement vaccinées).
La HAS recommande également, dans le même objectif, de réaliser une dose de rappel chez les personnes de l’entourage des immunodéprimés (stratégie de cocooning) uniquement chez les adultes âgés de plus de 18 ans (conformément à la modification du RCP du vaccin Comirnaty).
La HAS rappelle qu’il est nécessaire de respecter un délai minimal de 6 mois entre la primovaccination complète et l’administration d’une dose de rappel qui doit se faire par un vaccin à ARNm, quels que soient les vaccins administrés en primovaccination.
La HAS recommande de n’utiliser que les vaccins pour lesquels l’AMM a permis de définir les conditions d’administration d’une dose de rappel.
Le vaccin Comirnaty étant le seul à disposer d’une extension d’AMM pour cette indication, la HAS recommande qu’il soit le seul à être utilisé dans le cadre de la campagne de rappel.
La posologie (dose entière et/ou demi-dose) et les publics cibles du rappel par le vaccin Spikevax seront définis dans le cadre de l’AMM que l’EMA va examiner dans les prochaines semaines.
La HAS souligne l’importance de la vaccination contre la grippe saisonnière (particulièrement au vu des premières données épidémiologiques disponibles sur la circulation des virus grippaux) et du rappel contre la Covid-19 afin de maintenir un niveau élevé de protection pendant la période hivernale des populations vulnérables (personnes de 65 ans et plus, et personnes présentant des comorbidités) et des professionnels du secteur de la santé et du secteur médico-social, surexposés et en contact régulier des plus vulnérables.
La HAS annonce que des recommandations ultérieures aborderont spécifiquement le cas particulier des sujets ayant été infectés puis vaccinés par une dose de vaccin contre la Covid-19, et des sujets infectés après primovaccination. De même, la démarche préventive globale des populations immunodéprimées sera spécifiquement abordée dans des recommandations ultérieures.
Enfin, la HAS réaffirme que la priorité est de tout mettre en œuvre pour augmenter la primovaccination de la population en particulier dans la classe d’âge des plus de 80 ans chez qui la couverture vaccinale complète est encore insuffisante (83,5% au 26/09/2021) malgré leur grande vulnérabilité face à la maladie. Il est important de rappeler qu'à ce stade, l'objectif de la vaccination reste de protéger contre les formes graves et d'éviter une surcharge du système hospitalier.
La HAS rappelle en outre, au-delà des considérations éthiques[4], l’intérêt épidémiologique à contrôler l’épidémie au niveau européen et au niveau mondial, y compris pour l’épidémiologie en France.
La HAS rappelle toutefois, l’existence de la liste de contre-indication mentionnées à l’annexe 2 du décret n°2021-1059 du 7 aout 2021[5] prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire.
La HAS souligne à nouveau qu’il est également indispensable de maintenir un haut niveau d’adhésion aux mesures barrières, y compris chez les personnes ayant reçu un schéma avec 2 doses de vaccin, une baisse d’efficacité étant observée vis-à-vis du variant Delta, en particulier contre l’infection et la transmission.
Par ailleurs, la HAS insiste sur le fait que l’essai de phase 3 devra être poursuivi afin de pouvoir disposer de données d’immunogénicité, d’efficacité et de tolérance à plus long terme et souhaite être informée des résultats des analyses en sous-groupes dans cet essai, ainsi que des études mises en place dans le cadre du Plan de Gestion des Risques (PGR). La HAS souhaiterait également disposer d’informations complémentaires sur l’acceptabilité de la vaccination, en particulier sur les motifs des refus de vaccination chez les professionnels du secteur de la santé et du médico-social.
Cet avis sera revu en fonction de l’évolution des connaissances, notamment au regard des données d’efficacité et de sécurité en conditions réelles d’utilisation sur un plus long terme (données israéliennes notamment), des résultats complets des essais de phase 3 chez l’adulte, ainsi que des données épidémiologiques et de pharmacovigilance.
[1] Données transmises par SPF
[2] Thomas SJ, Moreira ED, Kitchin N, Absalon J, Gurtman A, Lockhart S, et al. Safety and efficacy of the BNT162b2 mRNA Covid-19 vaccine through 6 months. N Engl J Med 2021.
[3] Avis relatif à la définition des populations à cibler par la campagne de rappel vaccinal chez les personnes ayant eu une primovaccination complète contre la Covid-19
[4] l’OMS a appelé début août à un moratoire sur les doses de rappel des vaccins anti-Covid pour pouvoir mettre ces doses à disposition des pays qui n’ont pu immuniser qu’une partie infime de leur population
[5] Décret no 2021-1059 du 7 août 2021 modifiant le décret no 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire