Adaptation du traitement antirétroviral en situation de succès virologique chez l’adulte vivant avec le VIH

RECOMMANDATION DE BONNE PRATIQUE - LABEL - Posted on Oct 11 2024
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À la demande du ministère chargé de la santé, le Conseil National du Sida et des hépatites virales (CNS) et l'Agence nationale de recherches sur le sida | Maladies infectieuses émergentes (ANRS | MIE) ont sollicité la Haute Autorité de santé (HAS) pour l’élaboration d’une actualisation des recommandations françaises de prise en charge des personnes vivant avec le VIH (PVVIH).

L’accompagnement de la HAS s’est inscrit dans le cadre de la labellisation par la HAS d’une recommandation élaborée par un organisme professionnel.

 

Quels sont les objectifs de cette recommandation ?

  • Actualiser les recommandations concernant l’adaptation d’un traitement anti rétroviral (ARV) en succès virologique chez les personnes adultes vivant avec le VIH.
  • Améliorer la prise en charge des adultes infectés par le VIH
  • Assurer une homogénéité de la prise en charge sur le territoire.
  • Ces recommandations ne concernent pas les femmes enceintes, les nouveau-nés et les enfants/adolescents.

 

A qui s'adresse cette recommandation ?

Professionnels de santé :  Tous les médecins en situation de suivre une personne adulte traitée par un traitement ARV. Tous les professionnels de santé impliqués dans la prise en charge des PVVIH.

Patients : Toutes les PVVIH-1 et/ou -2 adultes traitées par ARV en situation de succès virologique

 

Quelles sont les principales recommandations ?

  • Le contrôle de la réplication virale ou contrôle virologique est défini par un ARN VIH-1 ≤50 copies/mL (ou un ARN-VIH-2 ≤40 copies/mL) dans le plasma. Le succès virologique est défini par un contrôle de la réplication virale maintenu depuis au moins 6 mois sous traitement antirétroviral (ARV). Pour VIH-2, le contrôle virologique n’est souvent pas un critère d’efficacité suffisant, compte tenu de la fréquence élevée de PVVIH-2 ayant une charge virale spontanément indétectable. Le succès thérapeutique est au mieux défini par un critère composite associant réponse immunologique, contrôle virologique (et absence de progression clinique ou de décès
  • Une fois le succès virologique obtenu, une modification du traitement ARV peut s'avérer utile ou nécessaire dans des circonstances et avec des objectifs variables. D’une manière générale, il s'agit d'individualiser le traitement pour gagner en tolérance ou en simplicité d'administration tout en maintenant l'efficacité immunovirologique et sans compromettre l’efficacité d’un éventuel traitement ultérieur.
  • L’adaptation du traitement ARV en succès consiste le plus souvent en une simplification (diminution du nombre de prises quotidiennes d’ARV, du nombre de comprimés par prise, ou suppression de contraintes alimentaires, administration de traitement injectable à libération prolongée tous les deux mois) ou en un allégement (diminution du nombre d’ARV actifs, diminution du nombre de prises par semaine) permettant de réduire la quantité de médicaments prise par la PVVIH.
  • Le traitement ARV en cours doit faire l'objet d'une réévaluation annuelle, dans une démarche de conciliation médicamenteuse, idéalement au cours d’une RCP. Les différentes stratégies de simplification et d’allégement doivent être exposées aux personnes éligibles et le choix de la stratégie se fera conjointement entre la PVVIH et son médecin.
  • Avant de modifier un traitement ARV en succès thérapeutique, des principes et des règles doivent être respectés pour maintenir l’efficacité virologique et la tolérance du futur traitement : recherche et prise en compte d’une infection chronique par le VHB ou d’un contact antérieur avec le VHB, histoire clinique de la personne, histoire thérapeutique et caractéristiques immuno-virologiques (lymphocytes T CD4 actuels et nadir, tests de résistance génotypique cumulés sur ARN VIH plasmatique ou sur ADN VIH cellulaire, sous-type viral, antécédents de blips).
  • Le changement d’une molécule par une autre appartenant à la même classe thérapeutique ou à une autre classe peut être proposé pour corriger un effet indésirable, ou lors de la disponibilité d’une nouvelle molécule présentant des caractéristiques plus avantageuses : meilleur profil de résistance, barrière génétique à la résistance du VIH plus élevée pour cette molécule, caractéristiques pharmacologiques plus favorables ou réduction du nombre de prises ou d’unités de traitement. Lorsque le changement se fait pour des molécules pour lesquelles la barrière génétique à la résistance du VIH est plus basse, il est indispensable de vérifier l’absence de résistance aux molécules associées.
  • Les bithérapie orales 3TC/DTG et DTG/RPV, les bithérapies injectables à libération prolongée CAB-LP + RPV-LP, et les trithérapies intermittentes 4 ou 5 jours /7 constituent les principales options d’allègement de traitement de l’infection VIH-1.
  • Un allègement par bithérapie orale ou injectable à libération prolongée est envisageable après 6 mois de contrôle virologique et en l’absence d’antécédent d’échec ou de résistance aux INI (pour 3TC/DTG, DTG/RPV ou CAB-LP + RPV-LP) ou aux INNTI (pour DTG/RPV, CAB-LP + RPV-LP). Le délai de 6 mois peut être raccourci avec l’association 3TC/DTG (si les critères de traitement initial de cette association sont remplis).
  • Un allègement par trithérapie intermittente 4 ou 5 jours /7 est envisageable après 12 mois de contrôle de la réplication virale et avec un nadir de lymphocytes T CD4 >250/µL et sans antécédent d’échec ni de mutation de résistance au traitement en cours.
  • Lors de l’adaptation d’un traitement ARV en succès, notamment en cas d’allégement thérapeutique, il est nécessaire de tenir compte du risque d’échec virologique.
  • Un contrôle systématique de la charge virale ARN VIH plasmatique doit être réalisé à M1 et M3 après une modification thérapeutique pour s'assurer du maintien du succès virologique. Après passage à un traitement intermittent, un suivi clinico-biologique rapproché devra être proposé : 1 mois, 3 mois, 6 mois, 9 mois et 12 mois puis tous les 6 mois.
  • Aucune étude n’a évalué les stratégies thérapeutiques d’allégement thérapeutique dans l’infection à VIH-2, en particulier l’association DTG/3TC. L’association CAB-LP + RPV-LP ne peut être utilisée dans l’infection VIH-2 en raison de sa résistance naturelle aux INNTI.
  • Lors de la réflexion en vue du remplacement d’un traitement, il convient de favoriser la prescription des associations ARV les moins coûteuses, lorsqu’à l'issue d'un choix basé sur les critères d’efficacité, de tolérance et de facilité de prise, plusieurs options restent possibles.

 

Adaptation du traitement antirétroviral en situation de succès virologique chez l’adulte vivant avec le VIH - Fiche pratique

Indications et objectifs d’une modification de traitement en situation de succès virologique :

  • Améliorer et préserver la qualité de vie de la personne, par exemple en réduisant le nombre de prises ou d'unités de prises, ou en élevant la barrière génétique à la résistance vis-à-vis des molécules utilisées,
  • Corriger des effets indésirables, notamment sur le plan cardiovasculaire et métabolique, rénal, osseux, neuro/psychologiques, ou une prise excessive de poids,
  • Éviter ou corriger des interactions médicamenteuses, notamment à l'occasion de l'introduction d'un nouveau médicament,
  • Adapter le traitement à la survenue d’une grossesse ou d’un désir de grossesse (cf. chapitre « Grossesse et VIH : désir d’enfant, soins de la femme enceinte et prévention de la transmission mère-enfant »),
  • Réduire le coût du traitement.

 

Modification de traitement chez une personne coinfectée VIH et VHB :

  • Chez une personne ayant une infection évolutive par le VHB (présence de l'Ag HBs et/ou ADN VHB positif), ou ayant eu une infection résolutive le VHB (Ac anti-HBc positif), l’arrêt d’ARV actifs sur le VHB (TDF ou TAF, 3TC ou FTC) peut entraîner un rebond ou une réactivation du VHB qui peuvent se compliquer d’hépatite grave. C’est pourquoi il est recommandé de rechercher systématiquement une infection évolutive par le VHB ou une infection résolutive le VHB en pratiquant une sérologie VHB complète. Elle devra dater de moins de 6 mois, sauf en cas d’Ac anti-HBs >10 mUI/mL isolés, témoignant d’une vaccination efficace.
  • En cas d’infection évolutive par le VHB, il est recommandé de ne pas interrompre un traitement actif sur le VHB (TDF, TAF, 3TC ou FTC). Si le ténofovir (TDF ou TAF) doit être interrompu, il doit être remplacé par l’entécavir (à double dose en cas d’antécédent de réplication du VHB sous 3TC ou FTC). L’utilisation du 3TC ou du FTC comme unique molécule active contre le VHB n’est pas recommandée en raison du risque d’émergence rapide de résistance à ces molécules.
  • En cas d’infection résolutive par le VHB (Ac anti-HBc positifs isolés sans ADN VHB, ou avec Ac anti-HBs positifs), l’interruption d’un traitement actif sur le VHB expose également à un risque de rebond du VHB :
    • En cas d’immunodépression (en particulier traitement par anti-CD20, greffe de moelle osseuse), si le ténofovir doit être interrompu, il doit être remplacé par de l’entecavir, y compris en présence d’Ac anti-HBs et quel que soit leur taux.
    • En l’absence d’immunodépression, l’interruption d’un traitement actif sur le VHB doit également si possible être évitée. Même en cas de présence d’Ac anti-HBs, et quel que soit leur taux, un risque faible mais non nul de réactivation persiste. Si le ténofovir doit être interrompu, l’utilisation de la 3TC ou FTC comme seule molécule active sur le VHB est acceptable en prévention d’une réactivation. Si l’interruption de toute molécule active sur le VHB est néanmoins réalisée, il est recommandé de surveiller les ALAT +/- l’ADN VHB de façon mensuelle dans les 3 mois suivant l’interruption.
  • Chez les personnes n’ayant pas eu de contact antérieur avec le VHB et non immunisées contre ce virus (Ag HBs, Ac anti-HBs et Ac anti-HBc négatifs) il est recommandé de proposer une vaccination contre le VHB.

 

Utilisation des bithérapies en cas de résistance génotypique 

Les bithérapies orales ou injectables à libération prolongée comportant des INI ou des INNTI ne doivent pas être utilisées en cas de résistance actuelle ou antérieure, et/ou si antécédent d’échec virologique à ces traitements.

L’utilisation du 3TC dans le cadre d’une bithérapie 3TC/DTG ne peut pas être recommandée en présence d’une mutation M184V/I sur un génotype historique, en l’absence à ce jour d’étude contrôlée ayant inclus un nombre suffisant de personnes. Son utilisation peut néanmoins être discutée au cas par cas, idéalement en RCP, en prenant en compte la durée du contrôle virologique depuis la dernière détection de la M184V/I, la détection sur ARN ou sur ADN, la nature de la mutation M184V ou M184I, la présence concomitante de codons stop et/ou d’hypermutations, et le nadir des lymphocytes T CD4.

Utilisation pratique des bithérapies injectables à libération prolongée :

Les traitements injectables à libération prolongée (LP), permettent de se libérer de la contrainte de la prise régulière de comprimés ou d’éviter la stigmatisation liée au VIH et à la divulgation du statut associée à la prise de comprimés en présence d’un tiers. L’utilisation de la bithérapie CAB-LP + RPV-LP en traitement injectable peut être proposée comme traitement de relais chez les PVVIH-1 en succès thérapeutique (après 6 mois de traitement ARV stable et en situation de contrôle virologique <50 copies/mL), infectées par un sous-type excluant A1 et A6, sans preuve de résistance actuelle ou antérieure et sans antécédent d'échec virologique aux agents de la classe des INNTI (à l’exception de la mutation K103N) et des INI. La présence de mutations associées à la résistance à la RPV, le sous-type A6/A1 du VIH-1 et un IMC ≥30 kg/m2 ont été associés à un risque accru d’échec virologique confirmé.

Le schéma d’administration retenu est d’une injection de CAB-LP (600 mg) et RPV-LP (900 mg) tous les 2 mois après une dose de charge de deux injections à un mois d’intervalle. La première injection peut être précédée d’une phase de traitement oral de 4 semaines par CAB (30 mg) et RPV (25 mg). Cette phase orale initiale n’est pas obligatoire mais permet de s’assurer de la tolérance du traitement, en particulier pour les personnes non traitées au préalable par RPV ou DTG.

Les injections de CAB-LP et RPV-LP doivent être strictement intramusculaires (et non sous-cutanées). En cas d’obésité (IMC ≥30 mg/m2), des aiguilles plus longues doivent être utilisées.

CAB-LP et RPV-LP ne doivent pas être utilisés en cas de grossesse ou de désir de grossesse, ni en cas de co-infection par le VHB.

Après la dose de charge, l’intervalle acceptable entre deux injections est de 2 mois ± 7 jours. En cas d’impossibilité de pratiquer les injections dans un délai de 7 jours, un relais oral par CAB et RPV doit être immédiatement débuté.

Proposition de changement de traitement selon l’antirétroviral incriminé dans la survenue d’un effet indésirable 

Les effets indésirables sont listés par appareil et par ordre alphabétique.

Effets indésirables

Antirétroviral ou classe d’antirétroviraux responsables

Antirétroviral ou classe d’antirétroviraux de remplacement

Commentaires

Effets indésirables cardiovasculaires

Infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral ischémique

ABC

TDF ou TAF, bithérapie avec 3TC, association sans INTI

Un surrisque d’IDM a été retrouvé dans certaines études de cohorte, mais non confirmé par d’autres études

DRV/r

INI, DOR, RPV

L’utilisation des IP, dont le DRV/r, a été associée dans certaines études de cohortes à une augmentation du risque cardiovasculaire

Souvent associé à une dyslipidémie

Effets indésirables cardiovasculaires

Allongement de l’espace QT corrigé (QTc)

EFV, RPV, FTR   

 INI, DOR

A prendre en compte chez les personnes à risque d’allongement du QTc (traitements associés provoquant aussi un allongement de l’espace QTc ou en cas d’allongement de l’espace QTc préexistant)

En cas de FTR, s'il n'y a pas d'autre traitement ARV possible, envisager de changer le médicament associé qui allonge le QTc

Effets indésirables dermatologiques

Éruption cutanée

INNTI (en particulier EFV)

Associations sans INNTI

 

En cas d'éruption cutanée grave due à un INNTI, il est déconseillé d’utiliser d’autres antirétroviraux de cette classe

Les éruptions cutanées modérées peuvent guérir en poursuivant le traitement

DRV/r

Associations sans DRV/r

En cas d’éruption cutanée grave, le traitement doit être arrêté définitivement. Les éruptions cutanées modérées peuvent guérir en poursuivant le traitement

Effets indésirables musculo-squelettiques

Baisse de la densité minérale osseuse (DMO)

TDF

TAF, ABC, bithérapie avec 3TC ou association sans INTI

Une diminution de DMO a été observée au début de la plupart des traitements antirétroviraux. Elle est plus importante avec le TDF. Le remplacement du TDF par d'autres ARV augmente la DMO, mais la signification clinique de cette augmentation est incertaine

La toxicité osseuse accrue du TDF vs TAF est essentiellement retrouvée en cas de coadministration avec ritonavir ou cobicistat

Effets indésirables métaboliques

Dyslipidémie

DRV/r, EFV

TAF

INI, DOR ou RPV

TDF, ABC, bithérapie avec 3TC ou association sans INTI

L’utilisation du TDF est associée à une baisse des lipides, alors que l’utilisation du TAF est associée à leur augmentation

Effets indésirables métaboliques

Prise de poids

INI

TAF

DOR, RPV

TDF, ABC, bithérapie avec 3TC ou association sans INTI

La prise de poids sous traitement ARV est d’origine multifactorielle, mais peut être liée aux INI ou au TAF

Effets indésirables neuropsychiatriques

Vertiges, rêves anormaux, insomnie, anxiété, dépression, idées suicidaires

EFV, RPV, DOR

INI

DRV/r

 

INI si effet indésirable provoqué par un INNTI avec une surveillance rapprochée

 

DOR, ETR, RPV si effet indésirable provoqué par un INI avec une surveillance rapprochée

 

Chez la plupart des personnes, les effets sur le système nerveux central liés à l'EFV disparaissent dans les 4 semaines suivant le début du traitement. Des effets persistants doivent conduire à remplacer l'EFV ou à diminuer sa posologie à 400 mg/j

 

Des rêves anormaux, une insomnie, une anxiété, des dépressions et un risque suicidaire ont été décrits avec les INNTI et les INI, nécessitant une vigilance en cas de troubles psychiatriques préexistants et d’évoquer leur imputabilité en cas de dépression incidente. Le DTG est l’INI pour lequel le risque suicidaire semble le plus élevé

 

Effets indésirables rénaux

Tubulopathie proximale, insuffisance rénale.

 

TDF

ABC, TAF (pour les personnes dont le DFG est >30 ml/min/1,73m2, sauf en cas d'hémodialyse chronique).

Associations sans INTI ou bithérapie avec 3TC (posologie adaptée au DFG)

Le passage du TDF au TAF permet de réduire la protéinurie et d’améliorer la fonction rénale

 

Effets indésirables systémiques

Syndrome d'hypersensibilité

ABC

Associations sans ABC

Ne jamais réintroduire l'ABC après une suspicion de syndrome d’hypersensibilité, quel que soit le statut HLA B*5701 de la personne

EFV, ETR, RPV

Associations sans INNTI

Peut être associé à une cytolyse hépatique

BIC, DTG, RAL

Associations sans INI

Peut être associé à une cytolyse hépatique

MVC

Associations sans MVC

Peut être associé à une cytolyse hépatique

Deux autres recommandations sont également disponibles : 

Adaptation du traitement antirétroviral en situation d’échec virologique chez l’adulte vivant avec le VIH

Initiation d’un premier traitement antirétroviral chez l’adulte vivant avec le VIH