Cancer de la prostate : identification des facteurs de risque et pertinence d’un dépistage par dosage de l’antigène spécifique de la prostate (PSA) de populations d’hommes à haut risque ?
Évaluer la pertinence d’un dépistage du cancer de la prostate par dosage du PSA ciblé sur des populations d’ hommes considérés comme à « haut risque » de survenue de ce cancer.
La Haute Autorité de santé (HAS) publie, à la demande de la Direction Générale de la Santé (DGS), un rapport d’orientation sur la question de l’identification des facteurs de risque de survenue de cancer de la prostate et de la pertinence d’un dépistage par dosage de l’antigène spécifique prostatique (PSA) auprès de populations d’hommes considérées comme « à haut risque ». Après avoir recherché la littérature sur le sujet et examiné les rapports et recommandations des sociétés savantes et organismes d’évaluation en santé au niveau national et international, la HAS conclut qu’il n’y a pas de preuve suffisante pour justifier une telle stratégie de dépistage. La HAS souligne l’importance de poursuivre la recherche sur des tests performants, avec l’identification de marqueurs permettant de distinguer les formes agressives de ce cancer de celles dont la lente évolution n’aura pas d’impact sur la vie des patients, de mieux comprendre la situation épidémiologique aux Antilles par la poursuite des études en cours notamment et d’améliorer l’information des hommes souhaitant s’engager dans la démarche.
Synthèse
Le cancer de la prostate se situe au 1er rang des cancers incidents chez l’homme et représente la 3e cause de décès par tumeurs chez l’homme en France. Ainsi, 71 220 cas incidents (taux standardisé [monde] 125,7 pour 100 000) et 8 685 décès par cancer de la prostate (taux standardisé [monde] 10,8 pour 100 000) ont été estimés pour 2011 en France.
A ce jour, il n’y a pas de démonstration robuste du bénéfice d’un dépistage du cancer de la prostate par dosage de l’antigène spécifique prostatique (PSA) en population générale, que ce soit en termes de diminution de la mortalité ou d’amélioration de la qualité de vie. Ainsi, aucun programme de dépistage du cancer de la prostate n’est recommandé en population générale, en France comme aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande ou au Royaume-Uni.
Suite à l’avis de juin 2010 de la HAS sur le dépistage du cancer de la prostate, indiquant qu’aucun élément scientifique nouveau ne justifiait de remettre en cause la position actuelle de la France, comme des autres pays, de ne pas recommander la mise en place d’un dépistage organisé en population générale du cancer de la prostate par dosage du PSA, la Direction générale de la santé (DGS) a souhaité une analyse de la situation particulière posée par le cancer de la prostate chez les hommes présentant un risque aggravé (antécédents familiaux, origine ethnique, exposition à des agents cancérogènes parmi lesquels pourrait figurer le chlordécone) pour lesquels une stratégie particulière de dépistage pourrait présenter un intérêt. La DGS a souhaité, dans ce cadre précis, un avis complémentaire sur la pertinence d’une telle stratégie de dépistage en direction des hommes présentant un risque aggravé en termes de balance bénéfice/risque, d’efficience ainsi que sur les facteurs de risque à prendre en compte, la tranche d’âge qu’il conviendrait de cibler et les modalités éventuelles de ce dépistage. Il a été demandé de prêter une attention particulière à la situation des Antilles. Le contexte antillais est en effet spécifique, avec une sur-incidence et une surmortalité par cancer de la prostate par rapport aux autres régions françaises.
Le sujet s’inscrit dans le cadre du Plan cancer 2009-2013, piloté par l’INCa, en particulier la mesure 17, action 17.1 qui comporte trois sous-actions dont l'une se rapporte spécifiquement au dépistage des personnes à risque aggravé de cancer de la prostate, et dans le second plan interministériel chlordécone 2011-2013, axe surveillance de l’état de santé des populations.
Suite à l’examen du sujet par la commission évaluation économique et santé publique (CEESP), la HAS a considéré qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre le projet d’évaluation au-delà de la note de cadrage réalisée et a souhaité qu’à partir de ce document, la réponse au demandeur prenne la forme d’un avis et d’un rapport d’orientation intitulé « Cancer de la prostate : identification des facteurs de risque et pertinence d’un dépistage par dosage de l’antigène spécifique prostatique (PSA) de populations d’hommes à haut risque ? » Le rapport présente les éléments généraux de contexte du dépistage du cancer de la prostate en France, une analyse des rapports et recommandations des sociétés savantes et agences d’évaluation en santé ainsi qu’une analyse de la disponibilité d’études individuelles sur les axes d’évaluation envisagés.
L’avis suivant est formulé par la HAS.
Au vu :
- de l’existence de facteurs de risque génétiques et environnementaux de survenue de cancer de la prostate (et plus ou moins précisément établis dans la littérature) tels que des antécédents familiaux de ce cancer chez des parents du 1er degré, une origine africaine, une exposition à certains agents chimiques,
- des difficultés attendues à définir et à repérer des populations à plus haut risque de survenue de cancer de la prostate, en raison de la connaissance insuffisante des interactions entre ces facteurs de risque et donc de l’absence de modèles de risque fiables et validés,
- des incertitudes scientifiques sur l’évolution clinique des différentes formes d’atteinte tumorale de la prostate,
- des limites des examens de dépistage actuellement disponibles, dosage sanguin de l’antigène spécifique prostatique total couplé au toucher rectal,
- de l’absence à ce jour de marqueurs et d’examen de dépistage ou de diagnostic permettant d’identifier précocement les formes de cancer de la prostate qui ont un risque d’évoluer de manière défavorable et de les distinguer de celles dont la lente évolution n’aura pas d’impact sur la vie des patients,
- des positions récentes des agences d’évaluation étrangères ne préconisant pas de démarche particulière de détection précoce chez les hommes dits « à haut risque »,
- de l’insuffisance de données probantes pour évaluer la balance bénéfice/risque d’un dépistage des hommes plus à risque de développer un cancer de la prostate, par exemple ceux avec un antécédent familial de ce cancer,
- du fait que la prescription d’un dosage sanguin du PSA est souvent plus simple et plus rapide que l’explicitation des arguments pour ou contre un dépistage compte tenu du contexte de soins, de la norme sociale, des positions de certains professionnels de santé, de la demande de certains patients,
la HAS rappelle que, conformément à ses précédents avis, les connaissances actuelles ne permettent pas de recommander un dépistage systématique en population générale du cancer de la prostate par dosage du PSA.
Concernant les populations d’hommes à haut risque, la HAS indique :
- qu’en l’état actuel des connaissances, des difficultés sont identifiées pour définir et repérer des populations masculines à plus haut risque de développer un cancer de la prostate ;
- que l’identification des groupes d’hommes plus à risque de développer un cancer de la prostate ne suffit pas à elle seule à justifier un dépistage ;
- qu’il n’a pas été retrouvé d’éléments scientifiques permettant de justifier un dépistage du cancer de la prostate par dosage du PSA dans des populations masculines considérées comme plus à risque de cancer de la prostate.
Pour autant, la HAS souligne l’importance d’une analyse complémentaire de la situation épidémiologique aux Antilles à travers la poursuite des études en cours et la mise en place d’études portant sur les spécificités cliniques éventuelles et l’organisation de la prise en charge actuelle du cancer de la prostate. Il est rappelé que la préconisation d’un dépistage du cancer de la prostate dans une population donnée a pour objectif d’améliorer l’état de santé de cette population. En l’état actuel des connaissances, les bénéfices d’un dépistage du cancer de la prostate par dosage du PSA ne sont pas établis et des effets délétères ont été clairement identifiés.
La HAS souligne également l’importance de la recherche sur des tests de dépistage performants et sur des marqueurs permettant de distinguer les formes agressives des formes indolentes de cancer de la prostate.
La HAS souligne l’intérêt d’une réflexion sur les modalités de prise en charge en fonction du stade et de l’évolution de la maladie.
La HAS insiste enfin, dans ces conditions, sur l’importance de l’information à apporter aux hommes envisageant la réalisation d’un dépistage individuel du cancer de la prostate et rappelle l’existence d’un guide d’information publié par l’Anaes en 2004, dont la mise à jour fait l’objet d’un travail sous la coordination de l’INCa, en association avec la HAS.