Évaluation médico-économique des stratégies de prise en charge de l’insuffisance rénale chronique terminale en France - Volet : Analyse des possibilités de développement de la transplantation rénale en France

Recommandations en Santé publique
Recommandation en santé publique - Mis en ligne le 06 sept. 2012

Ce volet spécifique au développement de la transplantation rénale constitue la première partie d’un rapport actuellement en cours concernant l’évaluation médico-économique de l’ensemble des modalités de traitement des patients atteints d’insuffisance rénale chronique terminale.

La transplantation rénale apparaît comme une stratégie dominante dans la prise en charge de cette pathologie c'est-à-dire qu’elle est à la fois la moins coûteuse et la plus efficace.

L’objectif de ces recommandations est d’examiner les possibilités de développement de la transplantation rénale en France en tenant compte notamment des aspects organisationnels, économiques et éthiques.

Les recommandations s‘articulent autour de quatre thématiques :

  • les prélèvements sur donneurs décédés (3 recommandations) ;
  • les prélèvements sur donneurs vivants (6 recommandations) ;
  • l’accès à la transplantation (3 recommandations) ;
  • le suivi des transplantés (1 recommandation).

Concernant les prélèvements sur donneurs décédés, il est recommandé d’envisager les trois axes de développement de manière conjointe - améliorer le recensement, diminuer le taux de refus et élargir le pool de donneurs - et d’accorder une attention constante à l’amélioration de la qualité des greffes. Sont également précisées les modalités notamment organisationnelles qui doivent être mises en œuvre pour accompagner son développement.

Concernant la transplantation à partir de donneur vivant, son développement est recommandé. Parce qu’elle implique qu’une personne prenne un risque chirurgical au profit d’un tiers, le développement de la transplantation à partir de donneur vivant doit être assorti de précautions. Dans cette perspective, des recommandations visant à améliorer la prise en charge des donneurs vivants ont été élaborées. Par ailleurs, la HAS insiste sur le fait que les activités de transplantation à partir de donneurs vivants et décédés sont complémentaires. Les efforts pour développer les transplantations rénales à partir de donneurs vivants ne doivent pas se substituer à ceux visant à assurer le développement des prélèvements sur donneurs décédés.

Concernant l’accès à la transplantation, la mise en place d’une information structurée des patients insuffisants rénaux terminaux sur les différentes stratégies de prise en charge est recommandée pour améliorer l’équité d’accès sociale et géographique. L’appariement des donneurs et receveurs sont les principaux éléments pris en considération.

Une dernière recommandation concerne le suivi de la cohorte des patients transplantés. Bien que cette question ait été peu abordée dans la littérature, les aspects organisationnels du suivi à long terme de l’ensemble de cette cohorte, qui augmente chaque année, doivent être pris en considération.

Contexte

Demande et objectif

La Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés et la Direction Générale de l’Offre de Soins ont saisi la HAS afin de réaliser une évaluation médico-économique des traitements de l'insuffisance rénale chronique terminale tenant compte des différentes techniques et modalités de dialyse, possible selon le lieu de réalisation du traitement (centre, unité de dialyse médicalisée, autodialyse et à domicile) ainsi que de la transplantation.
Cette évaluation globale a pour but de comparer en termes d’efficience et de faisabilité différentes stratégies de prise en charge des patients traités pour insuffisance rénale chronique terminale en France. Elle est réalisée dans le cadre d’un partenariat entre la HAS et l’Agence de la Biomédecine.

Le champ de cette évaluation concerne l’analyse de toutes les techniques de traitement et les modalités de prise en charge. L’analyse des possibilités de développement de la transplantation rénale constitue un volet spécifique de l’évaluation globale qui se justifie au regard de trois raisons principales :

  • la transplantation rénale est une stratégie de prise en charge dominante dont le développement est limité par le manque de greffons rénaux disponibles ;
  • le développement de la transplantation rénale est une priorité dans le contexte actuel ;
  • la recherche d’une meilleure lisibilité des recommandations consacrées à cette problématique.

    La transplantation rénale est la stratégie la plus efficiente dans la prise en charge de l’IRCT. L’objectif de ces recommandations de santé publique est d’envisager les possibilités de développement de la transplantation rénale en France au regard d’aspects organisationnels, économiques et éthiques ainsi que d’autres aspects pouvant avoir un impact sur son développement. Cette analyse a principalement porté sur les deux possibilités de développement : les prélèvements sur donneurs décédés et les prélèvements sur donneurs vivants. Ces deux techniques doivent être envisagées comme deux stratégies complémentaires et en aucun cas substituables.

    L’analyse proposée relative aux différentes possibilités de développement de la transplantation rénale s’inscrit dans le respect de trois principes revendiqués en droit français, comme dans la plupart des pays développés : la gratuité du don, la lutte contre les discriminations et l’équité d’accès aux soins.

    Les recommandations en santé publique qui ont été élaborées dans le cadre de ce travail répondent à la problématique du développement. Aussi, l’ensemble des questions soulevées par l’activité transplantation rénale dont celles relatives à l’accès à la transplantation en général n’ont pas été traitées dans ce volet.

 

La politique nationale

En 2000, un plan greffe a été mis en place au niveau national articulé autour de 25 mesures. Le bilan de ce plan greffe est positif, d’un point de vue quantitatif, une croissance importante de l’activité entre 2000 et 2007 avec une hausse de près de 50 % du nombre de transplantations a été enregistrée. Cependant, les données relatives à l’activité de transplantation mettent en évidence une situation de pénurie structurelle :

  • une augmentation de 26% des nouveaux inscrits entre 2005 et 2010 ;
  • une stagnation, voire une diminution, du nombre de donneurs décédés prélevés semble s’être amorcée depuis 2008.

Par ailleurs, des besoins matériels et humains persistent et d’importantes disparités régionales en termes d’accès à la transplantation ont pu être constatées.

Le 23 mars 2012, le plan greffe 2012-2016 a été lancé, ses principaux objectifs sont les suivants :

  • développer une filière complète autour du parcours de soins ;
  • améliorer l’accès à la transplantation en réduisant notamment les inégalités d’accès à la liste d’attente ;
  • mettre l’accent sur la qualité du service médical rendu au patient ;
  • améliorer l’efficience du programme en optimisant l’offre de soins par rapport aux besoins et l’utilisation des ressources financières fléchées pour cette activité.

Au niveau régional, des objectifs cibles et des orientations ont été définis dans le cadre du programme de gestion du risque IRCT à destination des ARS.

Au total, le plan greffe concerne l’activité de transplantation quelque soit l’organe considéré tandis que le programme GDR-IRCT défini des orientations régionales concernant les traitements de suppléance dont la transplantation rénale. L’analyse proposée offre, quant à elle, des éclairages concernant les différents axes de développement de la transplantation rénale en France ainsi que sur les freins et leviers d’action associés à chacun de ces axes.


Cadre légal de l'activité de prélévements et de transplantations

En France, un cadre légal a été défini dans le but de protéger les donneurs, de garantir la sécurité et la qualité des transplantations. L’activité de prélèvement s’inscrit dans le cadre juridique de la loi n°2011-814 relative à la bioéthique du 7 juillet 2011 (Titre II organes et cellules).

Le prélèvement et la transplantation sont des missions de santé publique qui nécessitent une organisation continue 24 heures sur 24. Elles imposent une nécessaire coordination entre les acteurs dont le rôle a été précisé (arrêté du 27 février 1998).

La loi relative à la bioéthique de 2004 est à l’origine de la création de l’Agence de la Biomédecine (ABM) (article 7). Le rôle de l’ABM est précisé dans le code de la santé publique (art L.1418-1). Dans le domaine de la transplantation d’organes, cette agence sanitaire reprend les missions de l’Etablissement français des Greffes (crée en 1994) (Encadré 1).

Encadré 1 : les principales missions de l’ABM concernant l’activité de transplantation

  • gérer la liste nationale des malades en attente de transplantation ;
  • gérer le registre national des refus au prélèvement ;
  • élaborer des règles de répartition des organes ;
  • coordonner les prélèvements d’organes, répartir et attribuer les greffons en France et à l’international ;
  • évaluer les activités ;
  • donner son avis aux ARS concernant les autorisations de centre de prélèvement ;
  • organiser les comités d’experts autorisant le prélèvement sur donneur vivant ;
  • assurer le suivi du donneur vivant ;
  • développer l’information.

L’ABM est organisée en sept zones interrégionales de prélèvement et de répartition des greffons (ZIPR) et en quatre services de régulation et d’appui (SRA). Une Direction du Prélèvement et de la Greffe - Organes, Tissus (DPG OT) a récemment été mise en place. Concernant l’offre de soins, les CHU ont le monopole de l’activité de greffe.