Cancer du sein : quel dépistage selon vos facteurs de risque ? - questions / réponses
Quelques repères chiffrés :
- 48 800 nouveaux cas de cancer du sein chez la femme par an : cancer le plus fréquent et le plus meurtrier chez la femme (11 900 décès en 2012)
- 50% des cancers du sein diagnostiqués entre 50 et 69 ans, 28% des cancers du sein diagnostiqués après 69 ans
- âge > 50 ans : 1er facteur de risque de cancer du sein chez la femme
Dans le cadre de ces recommandations :
- 69 facteurs de risque de cancer du sein répertoriés et analysés dans le cadre de ces recommandations
- 7 facteurs de risque identifiés nécessitant un dépistage spécifique
Le cancer du sein est à la fois le plus fréquent et le plus meurtrier des cancers chez la femme. En 2012, on estimait le nombre de nouveaux cas de ce cancer en France à 48 800 et le nombre de décès à 11 900. En France, une femme sur 8 sera confrontée au cancer du sein au cours de sa vie.
Détecté à un stade précoce, le cancer du sein peut toutefois être guéri dans plus de 90 % des cas et soigné par des traitements moins agressifs. C’est pourquoi un programme national de dépistage organisé du cancer du sein (DO) a été mis en place par les pouvoirs publics en 1994 et généralisé sur toute la France depuis 2004[1]. Ce « dépistage organisé » s’adresse aux femmes de 50 à 74 ans, qui ne présentent pas de symptôme apparent mais qui, en raison de leur âge, sont les plus susceptibles de développer un cancer du sein.
Les recommandations publiées ce jour par la Haute Autorité de Santé (HAS) s’intéressent aux femmes considérées comme à « haut risque », c’est-à-dire celles qui présentent d’autres facteurs de risque de survenue de cancer du sein que leur seul âge. La HAS a ainsi identifié les femmes pour lesquelles la mise en œuvre de stratégies de dépistage spécifiques, autres que le programme national de dépistage organisé (DO), est nécessaire.
La situation particulière des femmes qui ont une mutation des gènes BRCA 1 ou 2 (risque très élevé) n’a pas été évaluée dans les recommandations de la HAS. Ce point fait en effet l’objet de recommandations de l’Institut National du Cancer (INCa) datant de 2009 et en cours d’actualisation.
Pourquoi la HAS a-t-elle travaillé sur la question du dépistage des femmes à haut risque ?
Un programme national de dépistage organisé du cancer du sein a été mis en place, en France, en 1994, par la Direction générale de la santé (DGS) et a été généralisé à tout le territoire au début de l’année 2004. Le « dépistage organisé » du cancer du sein s'adresse aux femmes âgées de 50 à 74 ans qui ne présentent ni symptôme apparent, ni facteur de risque particulier autre que leur âge. En effet, c'est après 50 ans que l'on a le plus de risque de développer une tumeur mammaire (près de 80% des cancers du sein surviennent après cet âge), et que le dépistage se révèle le plus efficace. Les femmes sont invitées à rencontrer tous les 2 ans, gratuitement et sans avance de frais, un professionnel de santé afin de réaliser :
- une mammographie avec double lecture
- un examen clinique des seins (palpation)
Jusqu’à aujourd’hui, seules les femmes avec un risque génétique élevé faisaient l’objet d’un repérage et d’une prise en charge spécifique - repérage par l’analyse des antécédents familiaux et prise en charge spécialisée à l’issue d’une consultation d’oncogénétique - décrites dans les recommandations de 2009 émises par l’Institut National du Cancer (INCa) et en cours d’actualisation.
Les femmes présentant d’autres facteurs de risque supposés faisaient l’objet de pratiques de dépistage hétérogènes et parfois inadaptées.
L’enjeu des présents travaux et de leur diffusion est de permettre aux professionnels d’identifier les facteurs de risque nécessitant une détection précoce ou selon des modalités particulières, afin de proposer aux femmes à haut risque la stratégie de dépistage la plus adaptée.
Ces recommandations doivent également servir à informer les femmes sur les facteurs de risque de cancer du sein, et leur permettre de connaître la stratégie de dépistage à adopter et de mieux s’orienter auprès des professionnels de santé concernés.
Ces travaux doivent aussi lever les idées reçues sur des situations dites à risque, parfois largement relayées dans les médias, qui peuvent inquiéter inutilement les femmes.
Les recommandations publiées aujourd’hui par la HAS sur le dépistage du cancer du sein chez les femmes à haut risque répondent à la demande de l’Institut National du Cancer (INCa) et s’inscrivent dans les orientations nationales des plans Cancer 2009-2013 et 2014-2019.
Comment la HAS a-t-elle déterminé si un facteur de risque nécessitait ou non un dépistage spécifique ?
Dans un premier temps, la HAS a listé puis analysé l’ensemble des facteurs de risque de cancer du sein retrouvés dans la littérature scientifique (69 au total) pour retenir ceux qui étaient associés à une augmentation majeure du risque de survenue d’un cancer du sein ou à des caractéristiques de mauvais pronostic. Les conclusions de ces travaux sont regroupées dans le 1er volet des recommandations. Dans un second temps (2nd volet des travaux), la HAS a évalué quelles stratégies de dépistage étaient adaptées aux facteurs de risque retenus, éléments regroupés dans le 2nd volet des travaux.
Un groupe de travail composé de professionnels de santé experts (gynécologie-obstétrique, radiologie, oncogénétique, épidémiologie entre autres) et de représentants d’associations de patients a été réuni. Il lui a été soumis une revue des études épidémiologiques sur le lien entre différents facteurs de risque et la survenue d’un cancer du sein, ainsi que sur l’intensité de ce lien :
- augmentation majeure du risque de cancer du sein ;
- augmentation modérée voire modeste du risque de cancer du sein ;
- pas d’augmentation retrouvée ou avérée.
L’association des facteurs de risque avec des caractéristiques de mauvais pronostic du cancer (évolution rapide de la tumeur par exemple) a également été examinée.
Ce groupe d’experts a ensuite classé les facteurs de risque en deux groupes :
- groupe 1 : facteurs de risque pour lesquels aucun dépistage spécifique n'est justifié (en dehors du programme de dépistage organisé) ;
- groupe 2 : facteurs pour lesquels un dépistage spécifique paraît justifié du point de vue épidémiologique et pour lesquels l'évaluation devrait être poursuivie pour tenter de définir les modalités de dépistage.
Les facteurs de risque pour lesquels aucune association avec la survenue d’un cancer du sein n’a été démontrée et ceux pour lesquels aucune conclusion n’est possible à l’heure actuelle en raison d’une insuffisance ou d’un manque de fiabilité de données ont été classés dans le groupe 1 (pas de dépistage autre que le dépistage organisé à partir de 50 ans).
Les facteurs de risque ont été sélectionnés dans le groupe 2 en fonction des critères suivants :
- Facteurs de risque associés à une augmentation majeure du risque de cancer du sein ;
- Facteurs de risque associés à une augmentation modérée voire modeste du risque de cancer du sein mais associés à des caractéristiques de mauvais pronostic du cancer.
Quels sont les facteurs de risque du cancer du sein ne nécessitant pas de dépistage spécifique ?
Après analyse des facteurs de risque répertoriés dans la littérature, la HAS a conclu qu’un dépistage spécifique n’était pas nécessaire dans les 3 cas suivants (liste non exhaustive) :
Cas n°1 : Après étude, le facteur de risque pressenti n’est pas associé à la survenue du cancer du sein.
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Cas n°2 : Après étude, il n’existe pas de preuve robuste du lien entre le facteur de risque analysé et la survenue du cancer du sein.
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Cas n°3 : Après étude, le facteur de risque est associé à une augmentation modeste ou modérée du risque de survenue du cancer du sein.
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Pour l’ensemble de ces facteurs de risque, il n’y a pas lieu de réaliser une surveillance spécifique en dehors de la tranche d’âge de participation au programme national de dépistage organisé, c’est-à-dire entre 50 et 74 ans.
La HAS rappelle également l’intérêt de l’examen clinique annuel par un professionnel de santé à partir de 25 ans pour toutes les femmes.
Quels sont les facteurs de risque qui nécessitent un dépistage spécifique ?
Parmi les facteurs de risque ayant fait l’objet de travaux complémentaires, la HAS a retenu les facteurs suivants comme nécessitant un dépistage spécifique :
- Antécédent personnel de cancer du sein ou de carcinome canalaire in situ ;
- Antécédent d’irradiation thoracique (antécédent d’irradiation thoracique médicale à haute dose pour maladie de Hodgkin) ;
- Antécédent familial de cancer du sein avec score d’Eisinger d’indication de la consultation d’oncogénétique ≥ 3 ET recherche initiale de mutation des gènes BRCA1 et BRCA2 non informative dans la famille (c’est-à-dire en l’absence d’identification d’une mutation BRCA1 ou 2) OU recherche initiale non réalisée ;
- Antécédent personnel d’hyperplasie canalaire atypique, d’hyperplasie lobulaire atypique ou de carcinome lobulaire in situ.
Pour ces facteurs de risque, des recommandations de dépistage ont été élaborées avec le concours d’un groupe de travail et d’un groupe de lecture pluridisciplinaires.
Quel est le type de suivi pour les femmes présentant un facteur de risque retenu par la HAS ?
Pour ces quatre facteurs de risque, la HAS a recommandé des stratégies de dépistage spécifiques qui définissent :
- L’âge de début du dépistage ;
- Les examens de dépistage à mettre en œuvre ;
- La fréquence des examens de dépistage ;
- La durée du suivi spécifique.
> Pour les femmes avec antécédent personnel de cancer du sein invasif ou de carcinome canalaire in situ ?
Si la femme a eu un cancer du sein ou un carcinome canalaire in situ, un examen clinique doit être réalisé tous les 6 mois pendant les 2 ans qui suivent la fin du traitement puis tous les ans. Une mammographie annuelle unilatérale ou bilatérale doit aussi être effectuée, éventuellement suivie d’une échographie. Ce suivi est recommandé sans limite de durée.
> Pour les femmes avec antécédent d’hyperplasie canalaire atypique, d’hyperplasie lobulaire atypique ou de carcinome lobulaire in situ ?
En cas d’antécédent d’hyperplasie canalaire ou lobulaire atypique ou de carcinome lobulaire in situ, la réalisation d’une mammographie annuelle pendant 10 ans, en association éventuelle avec une échographie mammaire en fonction du résultat de la mammographie, est recommandée. Si, au terme de cette période de 10 ans, la femme a 50 ans ou plus, elle est incitée à participer au programme national de dépistage organisé.
Si, au bout de 10 ans, la femme a moins de 50 ans, une mammographie en association éventuelle avec une échographie mammaire lui sera proposée tous les 2 ans jusqu’à l’âge de 50 ans, âge auquel elle intégrera le programme de dépistage national.
> Pour les femmes avec antécédent de radiothérapie thoracique (irradiation thoracique médicale à haute dose pour maladie de Hodgkin) ?
En cas d’antécédent de radiothérapie thoracique (irradiation médicale à haute dose pour maladie de Hodgkin), il est recommandé d’effectuer un examen clinique et une IRM tous les ans, 8 ans après la fin de l’irradiation au plus tôt à 20 ans pour l’examen clinique et à 30 ans pour l’IRM). Et, en complément, la réalisation d’une mammographie annuelle et une éventuelle échographie sont recommandées. Ce suivi est recommandé sans limite de durée.
> Pour les femmes avec antécédent familial de cancer du sein ?
En cas d’antécédent familial de cancer du sein avec score d’Eisinger d’indication de la consultation d’oncogénétique ≥ 3 et en l’absence d’identification d’une mutation génétique dans la famille (ou en cas de recherche non réalisée), c’est à l’oncogénéticien d’évaluer le niveau de risque personnel de cancer du sein de la femme, au vu de son arbre généalogique et de son âge. Il pourra alors considérer le risque comme élevé ou très élevé.
En revanche, en cas de mutation génétique identifiée au sein de la famille mais non retrouvée chez la femme, aucun dépistage spécifique n’est recommandé.
- En cas de risque très élevé
En cas de risque très élevé, il est recommandé de proposer aux femmes atteintes de cancer du sein (ou de l’ovaire), à leurs apparentées au premier degré et à leurs nièces par un frère, une surveillance mammaire identique à celle réalisée chez les femmes ayant une mutation des gènes BRCA 1 ou 2. La recommandation de l’Inca pour cette prise en charge est en cours de modification. Jusqu’à ce qu’elle soit actualisée, les modalités de suivi prévoient :
- à partir de l’âge de 20 ans, une surveillance clinique tous les 6 mois ;
- à partir de l’âge de 30 ans, un suivi annuel par imagerie mammaire (examen par IRM et mammographie ± échographie en cas de seins denses sur une période s’étalant sur 2 mois maximum). L’examen IRM doit être réalisé en premier pour permettre d’orienter les autres examens en cas d’anomalie détectée. Les situations justifiant d’un suivi radiologique plus précoce sont discutées au cas par cas.
- En cas de risque élevé
Pour les femmes dont les antécédents familiaux la placent dans le groupe des femmes à risque élevé, une surveillance radiologique doit être démarrée à un âge fixé en fonction de celui auquel sa parente qui a développé un cancer du sein (parente au premier degré ou nièce par un frère) a été diagnostiquée. La surveillance doit démarrer 5 ans avant l'âge de ce diagnostic.
Les modalités de surveillance doivent être modulées en fonction de l’âge de la patiente :
- avant l’âge de 50 ans (et au plus tôt à partir de 40 ans), une mammographie annuelle (en association éventuelle avec une échographie mammaire) ; les cas justifiant d’un suivi radiologique plus précoce (avec IRM mammaire éventuelle) sont discutés au cas par cas ;
- à partir de 50 ans, une mammographie, en association éventuelle avec une échographie mammaire, est proposée tous les 2 ans (c'est-à-dire participation au programme national de dépistage organisé).
Existe-t-il des moyens de se prémunir de certains facteurs de risque ?
Plusieurs facteurs de risque de cancer du sein ne sont pas modifiables (âge, antécédents familiaux, etc.). Pour les autres, il est recommandé à toutes les femmes de suivre les conseils d’hygiène de vie recommandés également en prévention du diabète et des maladies cardiovasculaires. En effet, l’activité physique, une alimentation équilibrée notamment sont reconnues pour être des facteurs qui réduisent le risque de cancer du sein, on parle alors de facteurs protecteurs.
A noter que l’allaitement (de plus d’1 an cumulé pour tous les enfants) ainsi que la naissance du 1er enfant avant 30 ans sont des facteurs protecteurs modestes.
Pour certains facteurs de risque très spécifiques (mutations génétiques identifiées), la chirurgie prophylactique (mastectomie, ovariectomie) peut également être une stratégie de prévention primaire envisageable recommandée par l’INCa.
La HAS recommande-t-elle un dépistage spécifique pour les femmes qui cumulent plusieurs facteurs de risque ?
Concernant le cumul de facteurs de risque et l’utilisation des modèles de calcul du risque, aucune recommandation n’a pu être formulée car ces situations ne sont pas suffisamment étudiées et ne peuvent pas l’être de manière exhaustive dans les études épidémiologiques du fait du nombre important de combinaisons possibles de facteurs de risque.
De plus, l’utilisation des modèles de calcul du risque global de cancer du sein, en routine en consultation de médecine générale ou de gynécologie, n’est pas recommandée car aucun n’est suffisamment validé, en particulier pour la population française.
Dans les cas où un facteur de risque ne l’emporte pas sur les autres, il revient aux professionnels (dans le cadre d’une concertation pluriprofessionnelle) d’évaluer la situation de cumul de facteurs de risque au cas par cas pour déterminer la meilleure stratégie de dépistage possible.
En quoi consiste le dépistage organisé et pourquoi la HAS le recommande-t-elle chez les femmes de 50 à 74 ans ?
Les pouvoirs publics ont mis en place un programme de dépistage organisé du cancer du sein pour les femmes âgées de 50 à 74 ans qui sont invitées par courrier, tous les deux ans, à participer à ce programme pris en charge à 100 % par l'assurance maladie.
Le dépistage organisé du cancer du sein propose la réalisation, tous les deux ans, d'une mammographie et d'un examen clinique des seins pratiqués par un médecin radiologue agréé, à choisir parmi une liste jointe au courrier d'invitation.
Ce programme, généralisé sur l'ensemble du territoire en 2004, répond à des normes strictes de qualité :
- Les patientes bénéficient d’une seconde lecture de leur mammographie. Toutes les mammographies jugées normales par un premier radiologue sont systématiquement relues par un second radiologue. L’évaluation nationale du programme de dépistage organisé a montré que 9% des cancers dépistés l’avaient été grâce à cette seconde lecture.
- Les radiologues ont une obligation de formation spécifique lorsqu’ils travaillent dans le cadre du programme national et doivent justifier d’un niveau d’activité important en matière de lecture (seuil fixé à au moins 500 mammographies par an). Les radiologues réalisant la seconde lecture doivent, quant à eux, justifier de la lecture d’au moins 2 000 mammographies par an.
- Un contrôle qualité des mammographes est rendu obligatoire tous les semestres dans le cadre du programme national de dépistage organisé.
- Le programme est évalué sur un plan national par l’Institut de Veille sanitaire. Cette évaluation permet d’objectiver l’impact réel de ce dépistage, mais aussi les améliorations à apporter. Elle permet également de connaître la situation clinique et épidémiologique du cancer du sein en France année après année.
Quelle est la position de la HAS sur la remise en cause de l’intérêt du dépistage organisé ?
Une controverse relative à l’intérêt du dépistage du cancer du sein est apparue au début des années 2000 (mais n’avait pas conduit à modifier les recommandations en cours). Cette controverse a de nouveau émergé à partir de 2006 à la faveur de l’actualisation de diverses méta-analyses internationales et est encore en cours.
Les éléments du débat sont les suivants :
- Il existe un certain nombre de sur-diagnostics et d’effets anxiogènes associés au dépistage, en cas de résultats faussement positifs. Ce phénomène est unanimement reconnu mais est inhérent à toute procédure de dépistage. La procédure de dépistage doit permettre de le limiter et de le contrôler.
- La décision de dépister ou non est en partie déterminée par l’appréciation au niveau individuel et/ou collectif de la balance bénéfice-risque associée à la procédure. Cette décision a été prise, à l’échelle collective, sur la base de la baisse attendue des taux de mortalité par cancer du sein associée au dépistage par mammographie. Or, l’actualisation des méta-analyses et les données en population ont montré que l’impact des programmes sur la mortalité était plus faible qu’attendu dans plusieurs pays ayant mis en place précocement un programme de dépistage.
- La balance bénéfice-risque est d’autant plus défavorable que le dépistage concerne des femmes jeunes et/ou sans facteur de risque. Ces résultats ont conduit certains auteurs à recommander une modification des messages adressés aux femmes, mais également des indicateurs de résultats associés au dépistage (avec notamment quantification du phénomène de sur-diagnostic).
La HAS rappelle l’intérêt du dépistage systématique par mammographie des femmes de 50 à 74 ans et partage la mise au point publiée par l’INCa en septembre 2013 sur les éléments de la controverse :
Dépistage, surdiagnostic et sur-traitement
Dans l’état actuel des connaissances scientifiques, il n’est pas possible, lors du diagnostic, de distinguer les cancers qui vont évoluer, qui sont majoritaires, de ceux qui n’auraient pas évolué. Pour ces cancers qui n’auraient pas été découverts en l’absence de dépistage, on parle de surdiagnostic.
Parce qu’il recherche une lésion dans une population sans symptôme, le dépistage par mammographie est susceptible par nature de générer un surdiagnostic. Le surdiagnostic est donc inhérent à tout acte de dépistage.
Selon les études, les estimations du surdiagnostic lié au dépistage du cancer du sein sont très variables. Dans les études les plus rigoureuses, ce risque est estimé à moins de 20 %. Pour la plupart d’entre elles, les estimations varient de 10 à 20 % des cas de cancers diagnostiqués annuellement.
En l’état des connaissances, il n’est pas possible de prédire l’évolution d’une lésion cancéreuse au moment où elle est dépistée. Ainsi, il est proposé, par précaution, de traiter l’ensemble des cancers détectés. Pour les cancers qui n’auraient pas évolué, cela correspond à un surtraitement. Parmi ceux-ci, on considère qu’environ un cancer « in situ » sur trois serait susceptible de ne pas évoluer, correspondant ainsi à un surdiagnostic.
Cancers de l’intervalle et cancers radio-induits
Malgré une surveillance régulière, tous les deux ans, il peut arriver que la mammographie ne révèle pas d’anomalie, mais que l’on découvre un cancer du sein avant la mammographie suivante : un cancer de l’intervalle. Il peut s’agir soit de cancers présents mais non détectés lors de la précédente mammographie, soit de cancers ayant évolué très rapidement.
Une périodicité de dépistage inférieure à 2 ans n’est cependant pas recommandée. Elle exposerait les femmes à des doses cumulatives de rayons plus élevées et donc à plus de risques de cancers radio-induits. Aussi, pour réduire à la fois le nombre de cancers de l’intervalle et éviter une exposition trop fréquente des femmes aux rayons, le rythme des mammographies dans le cadre du dépistage organisé a été fixé à deux ans.
Les cancers radio-induitssont la conséquence de l’irradiation reçue au cours d’examens ou de traitements utilisant des rayons X, dont la mammographie fait partie.
L’impact du dépistage organisé sur la mortalité
La position des agences françaises sur le dépistage par mammographie des femmes de 50 à 74 ans est concordante avec l’avis d’agences d’évaluation et de groupes d’experts internationaux. Les différentes évaluations publiées à ce jour s’accordent sur un effet bénéfique du dépistage sur la mortalité par cancer du sein, avec une réduction de l’ordre de 15 à 21 % selon les études. Rappelons qu’en 2002, le CIRC avait estimé que la baisse de la mortalité était de l’ordre de 35 % pour les femmes participant régulièrement à ces programmes.
Ainsi, on estime qu’environ 150 à 300 décès par cancer du sein seraient évités pour 100 000 femmes participant régulièrement au programme de dépistage pendant 7 à 10 ans.
Le Score d’Eisinger Le score d’Eisinger est un score prenant en compte l’ensemble des antécédents familiaux, validé pour l’indication de la consultation d’oncogénétique. Il permet également de graduer le risque de cancer du sein en l’absence de mutation. |
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Antécédents familiaux Mutation BRCA1 ou 2 identifiée dans la famille Cancer du sein chez une femme < 30 ans Cancer du sein chez une femme entre 30 et 39 ans Cancer du sein chez une femme 40 et 49 ans Cancer du sein chez une femme 50 et 70 ans Cancer du sein chez un homme Cancer de l’ovaire |
Cotation 5 4 3 2 1 4 3 |
Résultats Les cotations doivent être additionnées pour chaque cas de la même branche parentale (paternelle ou maternelle). Interprétation : Score = 5 ou plus : excellente indication Sources : Eisinger F., Bressac B., Castaigne D., Cottu P.H., Lansac J., Lefranc J.P., et al. Identification et prise en charge des prédispositions héréditaires aux cancers du sein et de l’ovaire. Bull Cancer 2004;91(4):219-37. |
Lexique
- antécédent : fait antérieur concernant la santé d’une personne ou de sa famille
- dépister/dépistage : démarche de détection précoce d'une maladie chez une personne en bonne santé apparente avant l’apparition de tout symptôme
- dépistage organisé : organisé par les pouvoirs publics, ce dépistage concerne les femmes âgées de 50 à 74 ans, invitées à se faire dépister tous les 2 ans et sans avance de frais. Pour en savoir plus, cliquez sur le bouton en bas à gauche.
- échographie : examen qui permet d’obtenir en direct des images de l’intérieur du corps à l’aide d’une sonde par ultrasons
- examen clinique : moment de la consultation au cours duquel le médecin ausculte le patient
- facteur de risque : élément qui peut favoriser le développement d’un cancer
- facteur protecteur : élément qui peut participer à la diminution du risque de cancer
- gènes BRCA1 et BRCA2 : ces deux gènes participent à la réparation des lésions que l’ADN subit régulièrement. La présence d’anomalies dans l’un de ces deux gènes perturbe cette fonction et fait augmenter fortement le risque de cancer du sein et de l’ovaire
- IRM : technique d’imagerie médicale reposant sur le champ magnétique
- kyste au sein : petite poche remplie de liquide qui se développe dans le sein
- mammographie : radiographie qui permet d’obtenir des images de la structure interne du sein
- ménopause : arrêt définitif du fonctionnement des ovaires entraînant l’arrêt des règles
- mutation génétique : modification d’un gène
- oncogénéticien : médecin spécialiste étudiant les liens entre l’hérédité et certains cancers
- prédispositions génétiques : existence de gènes anormaux augmentant le risque de développement d’un cancer
- score d’Eisinger : score obtenu après analyse de l’arbre généalogique et de l’histoire familiale permettant d’évaluer la nécessité d’une consultation avec un oncogénéticien
- stade : degré d’évolution d’un cancer
- supplémentation : apport d’un supplément de quelque chose pour pallier à une carence
[1] La HAS rappelle également l’intérêt de l’examen clinique annuel par un professionnel de santé à partir de 25 ans pour toutes les femmes.