Programmes de récupération améliorée après chirurgie (RAAC)
La récupération améliorée après chirurgie (RAAC) initialement développée dans les années 1990 par l’équipe danoise du Pr. Henrik Kehlet est une approche de prise en charge globale du patient favorisant le rétablissement précoce de ses capacités après la chirurgie.
Face à l'emergence croissante de données de la littérature sur la récupération améliorée après chirurgie, le développement d'expériences pilotes au sein d'établissements français et l'intérêt croissant des différents acteurs de santé, la HAS a décidé d’élaborer un rapport d’orientation sur cette thématique afin d’aider les professionnels dans la mise en place de programmes de récupération améliorée et leur évaluation.
Le rapport reprend les concepts et définitions de la RAAC, les différentes modalités d’organisation en considérant les modèles, expérimentations et outils déjà mis en œuvre. Il apporte des informations sur les points suivants :
- principes généraux et définition de la RAAC
- données de la littérature disponibles
- expériences nationales et internationales
- mise en place et aspects organisationnels
- freins et leviers à la mise en place d’un programme RAAC
- impacts économiques et enjeux
Le rapport a été complété par un document court, la fiche de synthèse, qui reprend les messages clés et permet aux professionnels de santé, médecins généralistes ou spécialistes, de disposer rapidement d’une vision globale de la démarche.
Points clés d’un programme RAAC
Un programme RAAC s’inscrit dans un projet d’établissement et se base sur un chemin clinique pour l’ensemble des 3 phases avant, pendant et après la chirurgie.
La mise en place d’un tel programme représente une démarche d’amélioration des pratiques pour toutes les équipes. Celle-ci nécessite une réorganisation des soins et des efforts combinés au sein d’une équipe pluriprofessionnelle impliquant tous les acteurs autour du patient, équipes hospitalières et de ville.
Si un programme RAAC peut intégrer jusqu’à une vingtaine de paramètres sur les périodes pré, per et post opératoires, les points clés en sont :
- Informer le patient et le former à la démarche
- Anticiper l’organisation des soins et la sortie du patient
- Réduire les conséquences du stress chirurgical
- Contrôler la douleur dans toutes les situations
- Favoriser et stimuler l’autonomie des patients
Interventions et spécialités concernées par la RAAC
Initialement développée pour les interventions lourdes en chirurgies colorectale et digestive, la RAAC s’étend désormais à de nombreuses spécialités. A ce jour sont concernées :
- La chirurgie digestive (colorectale, hépatique, pancréatique, bariatrique, gastrectomie, etc.)
- L’urologie (cystectomie, néphrectomie, prostatectomie)
- La chirurgie cardiovasculaire et thoracique
- L’orthopédie (prothèses totales de hanche et de genou)
- La chirurgie du rachis
- La gynécologie (césarienne, hystérectomie, ovariectomie)
- …
Expériences françaises
Plusieurs acteurs (organismes, établissements, sociétés savantes) s’engagent activement au niveau international ou national au développement et à la pratique de la récupération améliorée.
Bien que l’évolution du secteur très rapide ne permette pas de garantir l’exhaustivité des expériences, il a été recensé, au premier trimestre 2016, plus d’une centaine d’équipes et services français (privé ou public) engagés dans une démarche RAAC.
Le rapport d’orientation est un état des lieux qui ne peut présager ni d’un jugement de valeur des démarches actuellement engagées, ni de la promotion d’un acteur par rapport aux autres.
Contexte et objectifs
L’émergence constante des expériences de récupération améliorée après chirurgie (RAAC)1 au sein d’établissements français et l’intérêt croissant des différents acteurs de santé ont rendu opportun la réalisation d’un rapport d’orientation afin d’aider les professionnels à la mise en place de programmes RAAC et à leurs évaluations. Il s’agit de :
- mettre à disposition des professionnels de santé un socle des connaissances des données publiées ;
- informer les acteurs de santé des enjeux et des données relatives à son développement à travers les expériences à l’internationale et en France (points clés des programmes, aspects organisationnels, freins et leviers au déploiement) ;
- favoriser la construction d’outils destinés aux professionnels de santé.
La RAAC est une approche de prise en charge globale du patient favorisant le rétablissement précoce de ses capacités après la chirurgie. À terme, elle devrait être applicable à tous les patients et à toutes les spécialités2. Le patient a un rôle actif dans cette approche.
Un programme RAAC s’inscrit dans un projet d’établissement et se base sur un chemin clinique pour l’ensemble des 3 phases avant, pendant et après la chirurgie.
La mise en place d’un tel programme représente une démarche d’amélioration des pratiques pour toutes les équipes. Celle-ci nécessite une réorganisation des soins et des efforts combinés au sein d’une équipe pluriprofessionnelle impliquant tous les acteurs autour du patient, équipes hospitalières et de ville3.
Depuis son émergence dans les années 1990 par l’équipe danoise du Pr Henrik Kehlet, la RAAC connaît une évolution croissante de données de la littérature, le développement au sein d’établissements français et à l’international ainsi que l’intérêt croissant des différents acteurs de santé.
1. Appelé encore appelée « réhabilitation améliorée » et dans la littérature anglo-saxonne « Enhanced Recovery After Surgery ERAS ».
2. Initialement développée pour les interventions lourdes en chirurgie colorectale et chirurgie digestive, la RAAC s’est étendue à de nombreuses autres spécialités, en particulier chirurgie orthopédique, urologique, gynécologique.
3. Avec : chirurgien, anesthésiste réanimateur, IDE et, selon les besoins, kinésithérapie, gériatrie, médecine physique et de réadaptation, psychologue, assistante sociale, secrétariats médicaux, IDE de consultation, etc.
Programme de récupération : pourquoi, pour qui ?
Un programme de récupération améliorée en chirurgie c’est :
- informer le patient et le former à la démarche ;
- anticiper l’organisation des soins et la sortie du patient (situation de vie, réseau hôpital-ville-domicile) ;
- minimiser les conséquences du stress chirurgical ;
- contrôler la douleur dans toutes les situations ;
- favoriser et stimuler l’autonomie des patients.
Un programme de récupération améliorée en chirurgie devrait conduire à :
- une meilleure satisfaction du patient ;
- des complications postopératoires réduites ou équivalentes à la prise en charge conventionnelle ;
- une durée de séjour hospitalier plus courte.
Lutter contre les facteurs qui retardent la récupération
- Douleurs, nausées, vomissements.
- Stress (métabolique, physique, psychique).
- Retard de reprise du transit, immobilisation.
- Hypoxie, hypothermie, perturbation du sommeil, fatigue.
- Sondes (nasogastriques, urinaires) et drains.
- Dénutrition, jeûne prolongé.
Un programme RAAC : pour quelles spécialités ?
Initialement développée en chirurgie colorectale, la RAAC s’étend à toutes les spécialités et tous les patients.
À ce jour, sont concernées :
- la chirurgie digestive (colorectale, hépatique, pancréatique, bariatrique, gastrectomie, etc.) ;
- l’urologie (cystectomie, néphrectomie, prostatectomie) ;
- la chirurgie cardio-vasculaire et thoracique ;
- l’orthopédie (prothèses totales de hanche et de genou) ;
- la chirurgie du rachis ;
- la gynécologie (césarienne, hystérectomie, ovariectomie) ;
- etc.
Pour le patient, un programme RAAC, qu’est-ce ?
Une place centrale et un rôle actif au sein du programme
- Le patient devient un acteur de ses soins tout au long de la période. Le patient et son entourage (aidants, personne de confiance) sont impliqués dès la phase préopératoire dans le programme.
- Le parcours du patient est réfléchi à chaque étape sous l’angle de l’optimisation de la prise en charge ; le patient a un rôle actif dans la démarche ; l’information préopératoire et son adhésion sont indispensables à la réussite du programme.
- Un « passeport RAAC » (encore appelé « livret patient », « passeport patient ») est préconisé pour une auto-évaluation. Il doit intégrer : 1) l’information du patient sur le programme, 2) une check-listrésumant les différentes étapes, 3) des objectifs à atteindre pour le patient (à définir par établissement et par procédures), 4) l’organisation de la sortie du patient (modalités d’organisation de sortie et de continuité des soins). Ce document permet non seulement la participation du patient mais aussi l’évaluation de la récupération améliorée.
Une consultation préopératoire dédiée
- Cette consultation s’inscrit en sus des consultations de chirurgie et d’anesthésie Il s’agit d’un temps spécifique, dédié; réalisé par un professionnel de santé. Actuellement, cette consultation est réalisée le plus souvent par un(e) IDE et s’étend sur une durée conséquente (idéalement de 20 à 30 minutes) ; durée qui peut augmenter en fonction de l’acte et du patient.
- Durant cette consultation sont abordés : l’information et l’apport de précisions éventuelles, l’évaluation médico-sociale du patient, l’anticipation et la préparation de la sortie ainsi que son accompagnement après la sortie. Elle est essentielle pour l’adhésion du patient afin qu’il reste « l’acteur de son parcours ». La personne de confiance désignée par le patient devrait pouvoir, s’il le souhaite, l’accompagner lors de cette consultation.
- Les moyens d’information soutenant cette consultation sont variés et peuvent comprendre des informations orales mais aussi des documents mis en place au niveau de l’établissement : documents papier, documents numériques, vidéos sur les parcours de patients, etc.
Récupération améliorée après chirurgie : paramètres clés
Avant - Phase pré opératoire
Les jours précédents l’intervention pour amener le patient à la meilleure condition possible
- Information et éducation du patient (consultation dédiée).
- Évaluation des comorbidités et optimisation de la condition physique (adaptation des traitements, anémie, nutrition, sevrages, kinésithérapie ou rééducation préopératoire, etc.).
- Préparation de la sortie.
Le jour de l’intervention
- Apport préopératoire de glucose ou hydrates de carbone.
- Pas de jeûne préopératoire prolongé (durée le plus souvent raccourcie).
- Prévention des infections.
- Prévention des complications thromboemboliques.
- Pas de prémédication anxiolytique systématique.
Pendant - Phase peropératoire
Facteurs anesthésiques
- Prise en charge individualisée des apports hydriques.
- Prévention de l’hypothermie peropératoire.
- Analgésie multimodale et épargne des analgésiques morphiniques.
- Prévention des nausées et vomissements post opératoires.
Facteurs chirurgicaux (selon spécialités)
- Techniques d’abord chirurgical miniinvasives.´ Prise en compte des complications potentielles de la chirurgie.´ Réduction de l’usage des drains, des sondes naso-gastriques (chirurgie abdominale).
Après - Phase post opératoire
Mobilisation
- Analgésie multimodale.
- Stimulation du transit intestinal en chirurgie abdominale (motilité).
- Réalimentation précoce.
- Lever et mobilisation précoce.
- Prévention des complications thromboemboliques.
- Préparation de la sortie.
Suivi
- Assurer le suivi à la sortie de l’hôpital.
- Reprise des activités du patient.
- Évaluation et retour sur l’expérience du patient.
Organisation d'un programme de récupération
Comment organiser un programme RAAC ?
Les éléments indispensables à la mise en place d’un programme RAAC sont une équipe multidisciplinaire, des protocoles écrits et validés par l’équipe, un déploiement progressif pour identifier les freins à lever, une évaluation et un audit réguliers.
Un travail d’équipe pluriprofessionnelle
- La notion de fonctionnement transversal et de travail en équipe est essentielle pour la réussite du programme de RAAC.
- L’équipe de soins peut comporter le socle commun (chirurgien, anesthésiste réanimateur, IDE) et peut intégrer selon les besoins kinésithérapie, gériatrie, médecine physique et de réadaptation, psychologue, assistante sociale, secrétariats médicaux, IDE consultation, etc.
Un chemin clinique et des protocoles définis
- Il est nécessaire de disposer d’un chemin clinique1 ou de protocoles (définis par procédure chirurgicale) qui sont écrits de manière collégiale, validés, tracés et appliqués.
Une coordination dynamique
- La RAAC dépend étroitement de la qualité de la coordination, essentielle à son démarrage.
- Cette coordination (aussi bien médicale qu’organisationnelle) est organisée le plus souvent par spécialité. Elle est assurée par une personne référente ou par une équipe incluant une coordination médicale stratégique et une coordination opérationnelle, éventuellement en privilégiant les ressources existantes.
- Elle évolue de manière dynamique en fonction du niveau de maturité des organisations et doit être réévaluée régulièrement.
Une démarche d’amélioration de la qualité
- La réalisation d’un retour d’expérience régulier (audit régulier), tant sur le processus que sur les résultats, doit être intégrée dans la mise en place et l’évaluation d’un RAAC dans un objectif d’amélioration permanente des soins, de DPC2, etc.
- Les modalités de réalisation de cette démarche d’évaluation peuvent être multiples et variées : audit ponctuel régulier sur quelques dossiers, exhaustivité, tirage au sort, patient traceur en ville, etc.
- Un « livret patient » est préconisé pour une auto-évaluation. Ce document permet non seulement la participation active du patient mais aussi permet d’aider à l’évaluation du programme.
Des critères de qualité et indicateurs définis
- Outre les données de morbimortalité et de DMS habituellement documentées dans les publications, des indi- cateurs de processus et de résultats sont à définir.
- Exemple d’indicateurs : résultats cliniques normalisés (morbidités, taux de réhospitalisation, taux de consultation non programmée), résultats cliniques patients (test marche, tests de qualité de vie, etc.), résultats de satisfaction de la prise en charge, résultats économiques.
- Exemple d’indicateurs: taux de consultation préopératoire dédiée, taux d’hospitalisation à J0, taux d’inclusion dans les programmes RAAC, taux de participation à l’audit, taux d’inclusion, taux de compliance (items suivis), taux de SSR3, durée de séjour, taux réhospitalisation avant 30 jours, taux d’appels, etc.
- Le chemin clinique décrit, pour une pathologie donnée, tous les éléments du processus de prise en charge en suivant le parcours du patient. Cette méthode vise à planifier, rationaliser et standardiser la prise en charge multidisciplinaire et/ou multi professionnelle de patients présentant un problème de santé comparable (HAS, mai 2014). Les différentes interventions des professionnels impliqués dans les soins aux patients sont définies, optimisées et séquencées et les étapes essentielles de la prise en charge du patient sont détaillées.
- Avec Développement Professionnel Continu (DPC).
- Avec Soins de Suite et de Réadaptation (SSR).
Données et expériences
Des données et des expériences en croissance constante
Des données encourageantes
La récupération améliorée est l’objet de recherches et de publications de plus en plus nombreuses ces dernières années avec une élévation progressive du niveau de preuve des études.
De manière globale, il est rapporté que la RAAC est une prise en charge sûre.
- Selon les études les taux de complications et/ou de réadmissions hospitalières ne sont pas significativement différents voire sont inférieurs à ceux obtenus lors d’une prise en charge conventionnelle.
- La prise en charge avec un programme RAAC peut conduire à une réduction de la durée de séjour hospitalier et donc à une réduction des coûts.
Une démarche globale et structurée
Plusieurs acteurs (sociétés savantes, organismes, groupe d’établissements) s’engagent activement au niveau international ou national au déploiement de la récupération améliorée : le groupe GRACE (Groupe francophone de récupération améliorée après chirurgie), l’Eras® Society (EnhancedRecovery After Surgery Society), le groupe CAPIO, etc.
Ces acteurs ont, chacun, développé une démarche globale qui peut aller de l’élaboration recommandations de bonne pratique à l’élaboration de protocoles, de la formation des équipes, jusqu’au processus de déploiement et d’audit. De nombreux outils sont disponibles sur leur site internet respectif :
- protocoles génériques (ex : chirurgie bariatrique, gastrectomie, chirurgie pancréatique, chirurgie colique, chirurgie de prothèses de hanche et genoux, récupération patient âgé, etc) ;
- système d’audit (labélisation de centres, base de données) ;
- processus d’implémentation (formation et suivi des équipes, modèle de plan d’action) ;
- documents (passeport fiche information, livret patient) ;
- activité de formation, de congrès et de soutien à la recherche.
- etc.
En France, de plus en plus d’établissements impliqués
En France, au premier trimestre 2016, plus d’une centaine d’équipes et services (privé ou public) serait engagée dans une démarche RAAC.
Un programme RAAC déployé au Royaume Uni par le NHS
Entre 2009 et 2011, un programme anglais d’amélioration des pratiques, EnhancedRecovery Partnership Programme (ERPP), a été entrepris à l’initiative du ministère de la santé anglais (Department of Health, NHS) afin de favoriser l’implémentation de programme ERAS en chirurgie digestive, orthopédique, gynécologique et urologique.
Depuis, le NHS promeut les programmes RAAC en raison des résultats attendus (meilleurs résultats pour le patient, durée réduite du séjour, augmentation du nombre de patients traités). Le NHS a l’élaboré, entre autres, des outils, guides et plusieurs documents d’information pour les différents acteurs, professionnels de santé, patients.
Conditions de succès connues à la mise en place de la RAAC
Grâce au déploiement et aux partages des expériences, les clés pour la réussite d’un programme RAAC ainsi que les obstacles sont mieux appréhendés. Ils regroupent des facteurs liés au patient (ainsi qu’aux proches), des facteurs liés aux équipes de santé, des facteurs liés à la bonne pratique et aux « habitudes » et des facteurs liés aux ressources.
Les 3 éléments favorables à la mise en œuvre du programme RAAC :
- la formation et l’apprentissage ;
- l’amélioration continue des processus et des organisations ;
- l’établissement de procédures de soins spécifiques.
Principaux leviers et freins à la RAAC
Leviers | Freins |
La présence d’un référent ou coordinateur du projet/infirmier chargé de coordonner et de soutenir le travail multidisciplinaire et la continuité du programme | La résistance au changement des patients et des soignants |
Nécessité de travail d’équipes multidisciplinaires | Le manque de financement, l’absence de soutien de la direction, une nomenclature des actes inadaptée |
L’existence de protocoles | La rotation accélérée du personnel |
La formation continue pour le personnel | Défaut d’accès à des outils de déploiement |
La formation/information des patients | Mauvaise coordination hôpital - ville |
La formation/information des associations de patients | Diverses autres questions pratiques (ex : requis pour compléter les dossiers et protocoles) |