Alternative(s) à la scintigraphie de perfusion en cas de suspicion d’embolie pulmonaire non massive chez la femme enceinte dans l’hypothèse d’une pénurie complète en technétium-99m

Evaluation des technologies de santé - Mis en ligne le 08 avr. 2016

Objectif

En raison de plusieurs épisodes de pénurie mondiale d’approvisionnement en technétium 99m (Tc99m), radioélément nécessaire à la réalisation de la scintigraphie pulmonaire de perfusion en cas de suspicion d’embolie pulmonaire (EP) non massive, la Direction générale de la santé (DGS) a demandé à la HAS de déterminer si, en situation de pénurie complète pour cet isotope, un (ou plusieurs) examen(s) pourrai(en)t se substituer à elle sans perte de chance chez la femme enceinte.

Actuellement, la scintigraphie pulmonaire de perfusion au Tc99m est une imagerie médicale de choix chez la femme enceinte initialement sans signe de choc ou d’hypotension (notamment si la radiographie de thorax de triage est normale) lorsque cet examen est rapidement accessible pour le clinicien. Présentant de bonnes performances diagnostiques, la scintigraphie pulmonaire de perfusion est peu irradiante pour le couple mère-fœtus.

L’objectif de cette évaluation n’était pas de remettre en cause la stratégie actuelle de référence dans cette situation ni d’établir des recommandations de bonne pratique.

Méthode

La méthode d’évaluation a consisté :

  • à rechercher une convergence éventuelle concernant la validation d’un (ou plusieurs) examen(s) alternatif(s) non technétié(s) chez la femme enceinte suspecte d’EP non massive au sein des recommandations de bonne pratique et rapports d’évaluation technologique de bonne qualité méthodologique (en langue française ou anglaise) publiés entre janvier 2009 et janvier 2016 ;
  • à recueillir le point de vue des parties prenantes concernées[1].

Conclusions

Trois recommandations de bonne pratique de bonne qualité méthodologique ont été identifiées.

L’analyse des recommandations retenues ne permet pas de conclure directement quant à la question d’évaluation posée, l’hypothèse d’une pénurie de Tc-99m n’étant pas envisagée dans ces dernières.

Il a toutefois été mis en évidence une convergence entre les recommandations (et les organismes professionnels ayant répondu à la consultation) s’agissant de deux examens non technétiés considérés comme validés dans la prise en charge actuelle de ces femmes, à savoir :

  • l’angioscanner pulmonaire (avec un protocole adapté à la femme enceinte), véritable examen alternatif à la scintigraphie de perfusion, capable de réaliser un diagnostic de confirmation ;
  • l’échographie de compression (avec mode doppler) de l’ensemble du système veineux proximal[2] des membres inférieurs, examen envisageable (car non irradiant) chez la femme enceinte présentant des signes associés de phlébite. En cas de suspicion clinique d’EP, une échographie proximale positive est fortement présomptive de la maladie pulmonaire et conduit à une prise en charge thérapeutique identique (sans recourir à l’angioscanner).

Pour les Conseils nationaux professionnels de gynécologie-obstétrique, d’anesthésie-réanimation et de radiologie française, l’angioscanner pulmonaire est actuellement réalisé en routine chez la femme enceinte suspecte d’EP.

Les recommandations et les positions des organismes professionnels ayant répondu à la consultation sont cohérentes entre elles et permettent d’affirmer que deux autres examens ne sont pas validés à ce jour dans la pratique quotidienne, à savoir :

  • l’imagerie par résonnance magnétique pulmonaire avec gadolinium (restant du domaine de la recherche clinique) ;
  • l’angiographie pulmonaire digitale par soustraction (devant l’irradiation maternelle importante et le degré d’invasivité du geste).

En contexte de pénurie complète en Tc-99m, la stratégie diagnostique pourrait être la suivante : un angioscanner pulmonaire précédé ou non, selon le tableau clinique de la patiente, d’une échographie veineuse de compression (avec doppler). Si un doute diagnostique persiste, il est possible de réaliser à distance du bilan initial une nouvelle série d’échographies veineuses proximales.

En termes de sécurité, l’angioscanner pulmonaire entraîne une irradiation mammaire supérieure à celle de la scintigraphie de perfusion. Néanmoins, en contexte de pénurie complète en Tc-99m, la non réalisation d’un examen de confirmation comme l’angioscanner pulmonaire fait courir un risque avéré pour le couple mère-fœtus[3] supérieur au risque théorique de cancer du sein radio-induit chez la mère. Cette position identifiée dans la littérature est conforme à la position des organismes professionnels ayant répondu à la consultation. En cas de recours a minima à une échographie veineuse de compression, celle-ci ne présente aucun risque particulier pour le couple-mère-fœtus.

Avec l’angioscanner, l’irradiation fœtale (dose négligeable) reste équivalente à celle de la scintigraphie pulmonaire de perfusion. Les recommandations retenues et l’analyse des quatre études de sécurité spécifiquement publiées à ce jour n’ont fait état d’aucun cas imputable d’hypothyroïdie induite chez le nouveau-né après injection d’un produit de contraste iodé durant la grossesse. Les organismes professionnels ayant répondu à la consultation ont insisté sur la nécessité de délivrer aux patientes une information rassurante quant à l’ensemble des aspects de sécurité liés à l’angioscanner pulmonaire et ce devant l’intérêt d’obtenir avant tout un diagnostic rapide. Enfin, un certain nombre de précautions techniques sont nécessaires pendant la réalisation d’un angioscanner pulmonaire chez la femme enceinte.

Au total :

Dans l’hypothèse d’une pénurie totale en Tc-99m et s’il existe une suspicion d’EP non massive chez une femme enceinte :

  • l’angioscanner pulmonaire (avec un protocole adapté à la femme enceinte) constitue un examen alternatif à la scintigraphie de perfusion ;
  • l’échographie veineuse de compression (avec doppler) des membres inférieurs (MI) proximaux est un élément d’appréciation dans le cadre de la démarche diagnostique d’embolie pulmonaire, en cas de signes cliniques.


[1] Collèges nationaux professionnels (CNP) de gynécologie-obstétrique, de médecine nucléaire, de radiologie française, de cardiologie, d’anesthésie-réanimation, de pédiatrie ; Fédération française de pneumologie ; Collège français de médecine d’urgence ; Société française de radioprotection et celle de physique médicale ; Agence de sécurité nucléaire et Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.

[2] Recherche directe d’un thrombus dans les veines fémorales et iliaques jusqu’à la veine poplitée.

[3] Mort subite de la mère et du fœtus, poursuite inutile des anticoagulants, conséquences négatives et inutiles sur le cours de la grossesse et du post-partum.

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