Chirurgie de l’obésité pour les moins de 18 ans : à n’envisager que dans des cas très particuliers

Article HAS - Mis en ligne le 30 mars 2016
Dossier d'information - Questions / réponses extrait du dossier de presse accessible en bas de page

Quelques chiffres :

En France, la prévalence de l’obésité s’est stabilisée depuis quelques années : on estime qu’environ 18% des 3-17 ans sont en surpoids, dont 3,5% d’obèses.

495 mineurs ont subi une chirurgie de l’obésité entre 2009 et 2013 d’après une étude de l’Assurance maladie, dont 114 opérations en 2013.

Cette chirurgie est inégalement pratiquée sur le territoire : dans 11 des 26 anciennes régions françaises, aucun mineur n'a été opéré.

Les mineurs opérés en 2013 présentaient :

  • à 32 % un IMC compris entre 30 et 39 kg/m2,

  • à 61 % un IMC compris entre 40 et 49 kg/m2,

  • à 7 % un IMC supérieur ou égal à 50 kg/m2.

Les techniques chirurgicales utilisées étaient :

  • 48 % d’anneau gastrique ajustable (anneau qui diminue le volume de l’estomac et ralentit le passage des aliments),

  • 38 % de gastrectomie partielle (« sleeve ») (retrait des 2/3 de l’estomac et notamment la partie contenant les cellules qui sécrètent l’hormone stimulant l’appétit),

  • 14 % de court-circuit gastrique (« by-pass ») (réduction du volume de l'estomac et modification du circuit alimentaire).

En 2011, la HAS s’était prononcée contre le recours de la chirurgie de l’obésité chez les mineurs sauf dans des cas extrêmement sévères.

 

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Qu’est-ce que l’obésité et comment la mesurer chez l’enfant et l’adolescent ?

L’obésité se caractérise par une accumulation anormale et excessive de graisses corporelles qui peut nuire à la santé. Afin de l'évaluer, l’indice de masse corporelle (IMC) est l’indicateur le plus fréquemment utilisé : on le calcule en fonction du poids et de la taille de la personne (IMC = poids/taille2).

Chez l'adulte, l’IMC permet à lui-seul de repérer et d'évaluer l'obésité. Ce n'est toutefois pas le cas chez l'enfant. En effet, l'enfant connait de fortes variations de corpulence au cours de sa croissance et son IMC doit être interprété en fonction de son âge et de son sexe.
A cet effet, des courbes de corpulence ont été définies en France1.

Courbe_corpulence_filleCourbe_corpulence_garçon

Elles comprennent des seuils par âge et sexe au-dessus desquels l'enfant ou l'adolescent est en surpoids (au-delà du 97e percentile) ou présente une obésité (IMC supérieure ou égale à 30).

La courbe d’IMC doit être tracée dès les premiers mois de la vie des enfants et surveillée régulièrement, au minimum 2 à 3 fois par an. Il est recommandé de dépister tôt une obésité et de proposer une prise en charge précoce des enfants qui présentent un surpoids afin d’éviter la constitution d’une obésité persistante à l’âge adulte et l'apparition de complications.


1 fixées par le programme national nutrition santé (PNNS 2010) d’après des références françaises et internationales.

 

Quelles sont les complications du surpoids ou de l’obésité chez l’enfant et l’adolescent ?

L’obésité entraîne des complications multiples, à court et à long termes, dont il faut tenir compte dans la prise en charge médicale de l’enfant et de l’adolescent.
Si ces complications sont similaires à celles de l’adulte – notamment les complications cardio-respiratoires (hypertension, apnées du sommeil, asthme, …) ou métaboliques (diabète de type 2, dyslipidémie, …) – certaines ont un retentissement plus important dans le quotidien de l’enfant/adolescent.
En effet :

  • les complications hormonales ont un impact direct sur la puberté, soit en l’avançant, soit en la retardant ;

  • les complications orthopédiques peuvent s’amplifier dans le contexte de croissance osseuse de l’enfant ;

  • enfin, les conséquences psychopathologiques de l’obésité interviennent dans une période complexe où le jeune est en pleine construction de son image et de son corps et peuvent avoir des effets encore plus délétères sur le développement psycho-affectif.

 

Quelle prise en charge recommande la HAS en cas d’obésité ?

La HAS recommande une prise en charge qui intègre une éducation diététique, des conseils sur l’activité physique et la sédentarité, ainsi qu’un accompagnement psychologique. Cette prise en charge doit être pluriprofessionnelle – c’est-à-dire associer plusieurs professionnels de spécialités différentes autour de l’enfant/l’adolescent – et faire l’objet d’un suivi régulier et prolongé d’au moins deux ans en lien avec un centre spécialisé de l’obésité (CSO).

Chez l’enfant et l’adolescent en surpoids ou avec une obésité, l’objectif de la prise en charge est le ralentissement de la progression de la courbe de corpulence (et non pas forcément la perte de poids) ainsi que l’amélioration de la qualité de vie physique, mentale et sociale et la prévention des complications.

 

Dans quels cas peut-on envisager une chirurgie bariatrique avant 18 ans ?

La chirurgie de l’obésité (bariatrique) – qui ne peut s’envisager qu’en dernier recours – est une chirurgie lourde qui peut entraîner des complications et des difficultés au quotidien, même longtemps après l’intervention. En outre, elle ne permet pas à elle seule de perdre du poids et de le stabiliser dans le temps. Elle n’est efficace qu’à condition de modifier ses habitudes alimentaires, d’augmenter son activité physique et d’être suivi médicalement à vie.

En 2011, dans le cadre de ses recommandations sur le repérage et la prise en charge du surpoids et de l’obésité, la HAS ne recommandait pas le recours à la chirurgie bariatrique chez les enfants et adolescents et précisait qu’il ne pouvait être étudié qu’exceptionnellement pour des cas extrêmement sévères.
Depuis, certains professionnels de santé ont de plus en plus envisagé cette intervention chez les jeunes en raison notamment de résultats peu satisfaisants obtenus lors de la prise en charge pluriprofessionnelle classique de l’obésité, mais en dehors des recommandations officielles. Afin d’encadrer au mieux les demandes de chirurgie des mineurs en situation d’obésité, la HAS précise aujourd’hui les cas – rares – dans lesquels cette chirurgie peut être discutée.

 

  • Dans le cas de l'enfant

La HAS ne recommande pas d’envisager une chirurgie de l’obésité chez les mineurs de moins de 13 ans.

 

  • Dans le cas de l'adolescent

Chez l’adolescent, la chirurgie bariatrique ne peut être envisagée qu'après l'échec d'une prise en charge pluriprofessionnelle suivie et adaptée.

L'adolescent devra en outre remplir 4 différents critères, aussi bien physiologiques que psychologiques :

1. être âgé d’au moins 15 ans au minimum (et au cas par cas entre 13 et 15 ans) ;

2. avoir atteint un stade de croissance osseuse et de puberté suffisant (âge osseux supérieur ou égal à 13 ans chez les filles et à 15 ans chez les garçons et de développement pubertaire de stade IV sur l’échelle de Tanner) ;

3. présenter un IMC supérieur à 35 kg/m2 avec au moins une comorbidité sévère (diabète, syndrome d’apnées du sommeil sévère, hypertension intracrânienne idiopathique, stéatohépatite sévère) ou un IMC supérieur à 40 kg/m2 avec une altération majeure de la qualité de vie (physique ou psychologique) ;

4. avoir une maturité psychologique assurant une compréhension (ainsi que celle de son entourage) des risques d’une telle chirurgie et de son engagement à vie dans des changements diététiques et de mode de vie avec des mesures thérapeutiques et un suivi médical régulier.

 

Dans quels cas la chirurgie bariatrique n'est-elle pas envisageable chez les mineurs ?

Cette chirurgie n’est pas envisageable chez les enfants préadolescents, c’est-à-dire avant l’âge de 13 ans. Elle ne peut pas être non plus une option pour les adolescents présentant des troubles psychiatriques décompensés ou non pris en charge, ceux qui sont atteints d’une obésité syndromique avec retard mental sévère, chez les adolescentes enceintes ou allaitant et chez celles planifiant une grossesse dans les deux ans.

 

Quelles sont les étapes indispensables à suivre avant l'opération ?

  • Étape 1 : Suivi de la prise en charge pluriprofessionnelle recommandée par la HAS

L’adolescent doit bénéficier d’une prise en charge par plusieurs professionnels, associant un suivi médical, diététique, psychosocial et accompagnée d’une activité physique soutenue. Ce parcours de soins doit être réalisé en lien avec un centre spécialisé de l’obésité (CSO) à compétence pédiatrique.
Après au minimum 1 an de prise en charge régulière – et s’il n’y a pas d’amélioration de l’état du patient malgré une bonne observance –, un recours à la chirurgie peut être étudié à la demande du patient, de sa famille ou d’un professionnel de santé.

 

  • Étape 2 : Évaluation de l’éventualité d’une chirurgie de l’obésité

L’éventualité d’une chirurgie est discuté par les professionnels de différentes spécialités (pédiatres, médecins généralistes, chirurgiens, pédopsychiatres ou psychologues, diététiciens,…) ayant suivi l’adolescent au sein du centre spécialisé de l’obésité (CSO). Si l’adolescent ne répond pas aux critères définis, il poursuivra sa prise en charge pluriprofessionnelle. Si l’option de la chirurgie bariatrique est retenue, l’adolescent débutera – en plus de la prise en charge pluriprofessionnelle – une phase de préparation à la chirurgie.

 

  • Étape 3 : Préparation à la chirurgie bariatrique

Cette phase de préparation à la chirurgie dure au moins un an. Elle permet de :

  • rechercher et évaluer toutes les comorbidités ;

  • mettre en place une démarche d’éducation du patient sur les implications d’une telle chirurgie ;

  • mener une évaluation psychologique approfondie (recherche de troubles du comportement alimentaire ou de troubles psychiatriques contre-indiquant la chirurgie) ;

  • évaluer les conséquences positives et négatives de la chirurgie, en particulier sur l’image de soi.

  • Étape 4 : Validation définitive du recours à une opération chirurgicale

A l’issue de la phase de préparation, les professionnels impliqués se réunissent afin de valider (ou non) de façon définitive le recours à une chirurgie de l’obésité. C’est à cette étape qu’ils choisiront le type d’intervention (anneau gastrique ajustable, gastrectomie longitudinale, « bypass » gastrique) et organiseront le suivi post-opératoire.

 

  • Étape 5 : Après l’opération

Après l’opération, un suivi régulier de l’adolescent (au minimum tous les 3 mois) doit être mis en place par l’équipe pédiatrique du CSO en lien avec le médecin traitant, et ce jusqu’à la transition vers l’équipe adulte du centre. Une bonne observance en matière de prise en charge médicale, diététique et psychologique est indispensable pour maximiser les chances de réussite de l’opération et éviter autant que possible les complications.

 

Quelles sont les principales complications suite à une chirurgie de l'obésité ? Et particulièrement chez les mineurs ?

Les complications de ce type de chirurgie peuvent survenir juste après l’intervention ou bien des mois après. Elles peuvent être médicales ou chirurgicales (certaines sont des urgences vitales) et peuvent conduire à des réinterventions. Il y a très peu de recul sur ces interventions chez les mineurs mais les complications dans cette population devraient être identiques et aussi fréquentes que chez l’adulte.

Ces complications peuvent notamment être :

  • des conséquences directes du geste chirurgical (perforations et fuites digestives, complications hémorragiques, occlusions,…) ;

  • des troubles liés à la modification de l’appareil digestif (reflux, nausées, vomissements, sensations de gêne lors de l’alimentation, syndrome de dumping gastrique, diarrhée,…) ;

  • des troubles dus aux carences nutritionnelles notamment en fer et en vitamines (anémie, ostéoporose mais aussi troubles de la mémoire, de la vue, de la marche…) ;

  • des troubles psychologiques suite à l’amaigrissement et aux modifications du corps.

 

Quelles techniques chirurgicales sont recommandées par la HAS ?

Il existe 3 principales techniques de chirurgie bariatrique :

Celles basées sur une restriction de l’estomac

1. technique de l’anneau gastrique ajustable, qui consiste à placer un anneau autour de la partie supérieure de l’estomac afin d'en diminuer le volume et ralentir le passage des aliments.

anneau_gastrique_ajustable

 

2. technique de la gastrectomie longitudinale, qui consiste à retirer 2/3 de l’estomac notamment la partie contenant les cellules qui secrètent l’hormone stimulant l’appétit.

gastrectomie_longitudinale

 

Celle qui associe restriction de l’estomac et limitation de l’absorption intestinale

3. technique du « bypass » gastrique qui crée un système de court-circuit d’une partie de l’estomac et de l’intestin.

bypass_gastrique

 

Il y a peu de recul sur ces interventions chez l’enfant et l’adolescent et il n’existe pas à l’heure actuelle d’argument formel pour privilégier l’une ou l’autre de ces interventions.

La HAS recommande que ces interventions soient réalisées par des équipes spécialisées :

  • rattachées ou en lien étroit avec un CSO ayant une compétence pédiatrique,

  • justifiant d’une expérience suffisante dans la chirurgie bariatrique,

  • et proposant les 3 techniques chirurgicales.

 

Comment cela se passe-t-il à l’étranger ?

Dans l’ensemble des pays qui ont élaboré des recommandations, l’intervention chez l’enfant n’est pas recommandée. Chez l’adolescent, les pays ont peu à peu adopté des recommandations en précisant que la chirurgie bariatrique doit rester exceptionnelle et réservée à des cas spécifiques répondant à des critères médicaux et psycho-sociaux précis.
Parmi les premiers d’entre eux, les Etats-Unis, où plusieurs milliers d’adolescents ont bénéficié d’une chirurgie bariatrique depuis les années 90. Plusieurs recommandations ont déjà été émises qui convergent avec celles adoptées par la HAS aujourd’hui : interventions après la puberté, sur des jeunes dont l’IMC dépasse 35 kg/m2 et présentant des comorbidités sévères. En Australie et en Nouvelle-Zélande, les recommandations sont semblables même si elles ciblent plus précisément les adolescents dont l’IMC est supérieur à 40 kg/m2.
En Europe, le recours à la chirurgie bariatrique dans cette population est plus récent, comme au Royaume-Uni, en Espagne et maintenant en France. Au Royaume-Uni, il s’agit d’y traiter les adolescents en obésité sévère (>35 kg/m2) ayant des comorbidités qui peuvent être améliorées par la perte de poids. En Espagne, les indications de la chirurgie bariatrique sont réservées aux adolescents dont l’IMC dépasse 40 kg/m2.

 

Qu’est-ce qu’un centre spécialisé de l’obésité (CSO) ?

Afin d’organiser la prise en charge de l’obésité en France, le Plan obésité 2010-2013 a mis en place des centres spécialisés Obésité (CSO) afin d’améliorer l’accès aux soins, de promouvoir le dépistage, de réduire les risques de complication et de faciliter le travail entre la ville et l’hôpital puisqu’un relai est souvent nécessaire.

Les CSO :

  • réunissent des professionnels de santé de différentes spécialités permettant une prise en charge globale ;

  • organisent au niveau régional la filière de soins et facilitent l’accès à la prise en charge non médicalisée (accès à des diététiciens, kinésithérapeutes,…).

  • regroupent des équipes chirurgicales et des plateaux techniques performants et adaptés pour les interventions chirurgicales.

En plus de ces centres spécialisés existent 5 centres intégrés de l’obésité qui assurent les mêmes missions ainsi que des missions de recherche, de formation, d’enseignement et d’innovation.

Consultez la liste des 37 CSO répartis sur le territoire.

 Centres_spécialisés_obésité