Cancer du poumon : conditions non réunies pour un dépistage chez les fumeurs
Quelles sont les caractéristiques du cancer du poumon ? Quels traitements existent aujourd'hui à un stade précoce ?
Le cancer du poumon ou cancer broncho-pulmonaire correspond à une prolifération de cellules cancéreuses dans les voies respiratoires et les tissus pulmonaires. Il désigne un ensemble de tumeurs hétérogènes, aussi bien en termes de localisations, de caractéristiques biologiques que d'évolution.
Un cancer qui peut évoluer rapidement
Le cancer du poumon peut être diagnostiqué à un stade avancé pour différentes raisons :
- lors de son développement, il peut générer des symptômes (toux, essoufflement, crachats de sang,…) peu spécifiques à cette maladie,
- il est généralement agressif et peut évoluer rapidement et générer des métastases.
Détecter une anomalie en amont de l’apparition des symptômes, grâce à un dépistage permettrait d’établir un diagnostic précoce. Toutefois les différentes phases d’évolution de ce cancer restent encore aujourd’hui mal connues. Il n’est ainsi pas établi qu’il existe une période suffisamment longue (entre le moment où une anomalie est décelable et l’apparition des premiers symptômes) pour pouvoir mener un dépistage.
Des traitements limités, même à un stade précoce de la maladie
Les options thérapeutiques sont restreintes, même à un stade précoce de la maladie. La prise en charge des cancers broncho-pulmonaires selon leur type et leurs stades s’appuie sur des interventions lourdes : chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie.
A un stade précoce, le traitement de référence est chirurgical. Ainsi, si une anomalie suspecte est détectée à l’imagerie, des explorations d’imagerie complémentaires et répétées seront éventuellement réalisées, suivies de prélèvements de tissus (biopsies) pour confirmer ou non le caractère cancéreux de la tumeur. Dans ce cas, une intervention chirurgicale peut être envisagée. Il s’agit toutefois d’opérations lourdes, pas toujours réalisables du fait des caractéristiques de la tumeur (type, taille, localisation) ou de l’état général du patient (notamment s’il présente des fragilités respiratoires et/ou cardiaques).
Quelles sont les populations les plus à risque de cancer du poumon, qui pourraient constituer la cible d’un dépistage ?
S’il existe différents facteurs de risque de cancer broncho-pulmonaire (parmi lesquels l’amiante, certains hydrocarbures polycycliques aromatiques, les rayonnements ionisants tels que les rayons X et gamma ou encore le radon[1]), le tabagisme est de loin le principal facteur de risque de cancers broncho-pulmonaires
En effet, 85 à 90 % de ces tumeurs sont liées au tabac. Le risque de développer un cancer broncho-pulmonaire est lié à la quantité de cigarettes fumées quotidiennement mais aussi et surtout à l’ancienneté du tabagisme.
La population tabagique semble a priori constituer une cible idéale pour un éventuel dépistage. Toutefois déterminer exactement qui pourrait faire l’objet d’un dépistage est problématique et plusieurs questions restent en suspens :
[1] Classement du Centre international de recherche contre le cancer (CIRC).
Les fumeurs les plus à risque sont difficiles à identifier…
Tout fumeur a un risque accru de développer un cancer broncho-pulmonaire. Un dépistage aurait toutefois pour objectif de cibler les fumeurs les plus à risque de développer ce cancer.
La question est dès lors de savoir à partir de combien de cigarettes fumées quotidiennement et/ou de combien d’années de tabagisme il faudrait dépister. Sur ces points, il n’existe toutefois pas de repères précis permettant d’identifier avec exactitude les fumeurs les plus à risque.
… et ils pourraient ne pas adhérer à un dépistage
Identifier les fumeurs les plus à risque est d’autant plus complexe qu’il peut exister une sous-estimation par les fumeurs eux-mêmes du niveau de leur consommation liée à un phénomène - décrit pour tout type de dépendance - de mise à distance du risque, voire de déni. Obtenir l’adhésion de ces fumeurs à un dépistage n’est ainsi pas assuré.
Quel est l'examen qui a été envisagé pour dépister le cancer du poumon et qu’a évalué la HAS dans ce cadre?
Le scanner thoracique est un examen radiologique qui permet d’obtenir des images en coupes du thorax par balayage de rayons X et d’identifier ainsi toute anomalie opaque à ces rayons. Il est aujourd’hui utilisé comme examen à visée diagnostique et de suivi de diverses maladies pulmonaires.
Envisagé comme examen de dépistage du cancer du poumon, il présente plusieurs limites.
Le scanner, même « à faible dose », reste un examen irradiant
Comme tout examen d’imagerie reposant sur l’utilisation de rayons X, le scanner thoracique est irradiant. Il est donc primordial de réduire la dose au strict nécessaire d’où la notion de « faible dose ». Cette notion est toutefois ambigüe car s’il faut toujours veiller à réduire la dose de rayons x au maximum, une trop grande diminution peut altérer la qualité et la lisibilité des images radiologiques.
En outre, la dose de rayons X reçue par la personne dépistée est variable car elle dépend notamment des paramètres d’acquisition et de reconstruction de l’image de chaque appareil, de la technologie utilisée et de l’anatomie de la personne examinée.
Enfin, dans le cadre d’un dépistage, les personnes seront exposées à des radiations de façon répétée et sur une période potentiellement longue, avec une irradiation d’une large part du thorax et donc des seins chez les femmes. Le risque de cancers radio-induits dû aux expositions répétées est toutefois difficile à mesurer dans ce contexte.
Une grande proportion de faux positifs avec le scanner
Selon les études, ce test engendre de nombreux faux positifs : jusqu’à 90% des anomalies détectées par scanner thoracique se sont révélées non cancéreuses après examens complémentaires. Ces résultats faussement positifs ont pour conséquence la réalisation d’examens inutiles, anxiogènes et invasifs pour le patient.
Pourquoi la HAS ne recommande pas un dépistage du cancer du poumon pour les fumeurs ?
La HAS considère que les conditions de qualité, d’efficacité et de sécurité nécessaires à la réalisation du dépistage du cancer broncho-pulmonaire par tomodensitométrie thoracique à faible dose de rayons X chez des personnes fortement tabagiques ou l’ayant été ne sont pas réunies en France en 2016.
Pour résumer sa position (cf. questions précédentes), la HAS conclut que :
- La maladie : le cancer du poumon a une évolution qui peut être rapide et il n’est pas clairement établi qu’il existe une période suffisamment longue (entre le moment où une anomalie est décelable et l’apparition des premiers symptômes) pour mener un dépistage.
- L’examen : le scanner thoracique envisagé dans le cadre du dépistage reste un examen irradiant, même à « faible dose ». Il conduit à identifier beaucoup d’anomalies non cancéreuses, mais qui peuvent donner lieu à des investigations répétées et d’éventuelles complications.
- Les traitements : les traitements chirurgicaux ne sont réalisables que dans certains cas (selon l’état général de la personne et les caractéristiques de la tumeur).
- Les personnes à dépister : il est difficile de déterminer qui sont les fumeurs les plus à risque de développer un cancer du poumon.
- La réduction de la mortalité : L’efficacité du dépistage du cancer du poumon par scanner thoracique à « faible dose » pour diminuer la mortalité dans le contexte français n’est pas établie. Une seule étude, américaine, pourrait suggérer une diminution de la mortalité mais ses résultats ne sont pas transposables à la France : en termes de population cible, de procédure diagnostique et modalités de suivi et de prise en charge non standardisées.
- Les bénéfices et les risques : les études mettent en évidence les nombreux inconvénients du dépistage du cancer du poumon par scanner thoracique (complications parfois graves voire mortelles suite à l’exploration d’anomalies non cancéreuses identifiées au scanner,…) et des bénéfices très incertains voire absents.
Si un dépistage du cancer du poumon n’est pas envisageable à ce jour pour les fumeurs, que faire ?
Dans les enquêtes les plus récentes, près de 30% des adultes déclaraient fumer au quotidien en France métropolitaine en 2014. Ceci justifie pleinement d’intensifier la lutte contre le tabagisme afin de réduire le risque de survenue du cancer broncho-pulmonaire. Cela passe par :
- la mobilisation des professionnels de santé, via une incitation à l’arrêt du tabac en toute occasion (cf. Recommandations HAS sur le sevrage tabagique, janvier 2014) et une vigilance particulière face aux signes cliniques de ce cancer (cf. Guide du parcours de soins HAS sur les Cancers broncho-pulmonaires).
- l’intensification de la lutte contre le tabagisme avec des actions notamment auprès des plus jeunes afin qu’ils ne commencent pas à fumer et auprès des fumeurs afin de les inciter à l’arrêt de la consommation de tabac (cf. Programme national de réduction du tabagisme 2014-2019),
- la poursuite des recherches sur les traitements, les caractéristiques de la maladie et les techniques de dépistage.
Que faudrait-il à la HAS pour réévaluer l’opportunité d’un dépistage du cancer du poumon ?
La position de la HAS sur le dépistage du cancer du poumon se fonde sur les études scientifiques disponibles, les connaissances actuelles sur la maladie et des examens disponibles ainsi que sur les traitements médicaux existants à ce jour.
Les techniques diagnostiques, tant radiologiques, biologiques, que par séquençage d’ADN, sont en évolution constante et font l’objet d’une recherche soutenue, de même que les traitements (vidéo chirurgie, thérapies ciblées ou immunothérapies spécifiques pour certains types de cancer broncho-pulmonaire aux stades avancés). Les nouvelles connaissances issues de la recherche et des évolutions de la médecine permettront peut-être un jour de réévaluer l’opportunité de ce dépistage.