Évaluation de l’ablation endocavitaire des tachycardies par cryothérapie
Objectif(s)
La demande d’évaluation émane de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM). Elle porte sur l’évaluation de l’ablation endocavitaire des tachycardies par cryothérapie. La Haute Autorité de santé (HAS) avait évalué en 2006 les méthodes ablatives des tachycardies et la radiofréquence avait été la seule technique retenue, la cryoablation ayant été considérée comme une méthode expérimentale.
Le but de l’évaluation est de déterminer, au vu des nouvelles données publiées depuis 2006, si la cryoablation représente une modalité valide dans l’ablation endocavitaire des tachycardies par rapport à la radiofréquence et de préciser si elle peut être utilisée dans les mêmes indications que cette dernière. En effet, actuellement, les libellés de la CCAM décrivent des actes d’ablation pour les arythmies mais uniquement par radiofréquence (RF). L’argumentaire devra donc évaluer si la cryoablation peut être inscrite en complément de la RF dans la CCAM pour en permettre le remboursement
Méthode et résultats
La méthode d’évaluation a consisté en une analyse de la littérature synthétique et une consultation des professionnels désignés par le Conseil national professionnel de cardiologie (parties prenantes).
Vingt-trois documents ont été sélectionnés dont dix recommandations de bonne pratique, quatre rapports d’évaluation technologique et neuf méta-analyses.
La fibrillation atriale (FA) représente l’indication où les données sur la cryoablation étaient les plus nombreuses (treize documents sur vingt-trois). Il existait également deux indications, le flutter atrial typique et la tachycardie réciproque par réentrée intranodale atrioventriculaire (TRINAV), qui possédaient des données sur l’emploi de cette technique dans leur prise en charge par ablation endocavitaire.
Dans la FA, les données indiquent qu’il n’existe pas de différences significatives entre les deux techniques d’ablation endocavitaire en termes de taux de récurrence de FA, de taux de succès procédural et de durée de la fluoroscopie. En revanche, la durée de la procédure était significativement réduite lors d’une cryoablation comparativement à la RF. Aucune différence significative du taux de complications n’a été mise en évidence lors d’une cryoablation par rapport à la radiofréquence mis à part la paralysie du nerf phrénique survenant en général au décours de la cryoablation mais le plus souvent de manière réversible.
Dans le flutter atrial typique, les données, moins nombreuses que pour la FA, montrent l’absence de différence significative entre la cryoablation et la RF en termes de taux de succès procédural et d’absence de récurrences de flutter. En revanche, comparativement à la RF, la durée de la procédure serait significativement plus longue lors d’une cryoablation, alors que la durée de la fluoroscopie serait plus courte.
Dans la TRINAV, il n’existe pas de différence significative entre les deux techniques en termes de taux de succès de la procédure. Toutefois, le taux de bloc auriculo ventriculaire (BAV) permanent est significativement supérieur lors d’une ablation endocavitaire par RF, la durée de la fluoroscopie plus courte avec la cryoablation mais le succès à long terme (récurrences) plus faible avec la RF. Il peut donc sembler plus approprié d’utiliser la cryoablation dans cette indication quand on privilégie la sécurité opératoire (risque anatomique) et chez l’enfant (moindre exposition aux radiations).
Dans les autres indications (flutter atrial atypique, tachycardies atriales, sinusales, syndrome de Wolff Parkinson White et les tachycardies ventriculaires) les données sont insuffisantes pour conclure.
La consultation des parties prenantes a permis d’avoir des informations complémentaires sur les indications de la cryoablation, sur la diffusion, ainsi que sur les conditions de réalisation de la cryoablation.
L’ensemble des parties prenantes est en accord avec l’analyse critique de la littérature synthétique sur la place de la cryoablation dans la prise en charge des tachycardies dans les trois indications principales : FA, flutter atrial typique et TRINAV. Selon les intervenants le taux de substitution de la RF par la cryothérapie serait de 20 à 50 % pour la FA et de 20 - 25 % pour la TRINAV.
Selon les parties prenantes, il serait possible d’utiliser la cryoablation dans les autres tachycardies dans le but d’augmenter la sécurité de la procédure notamment en cas de proximité des foyers avec les voies normales de conduction et également d’accentuer la stabilité du cathéter grâce au phénomène de cryoadhérence.
Les conditions de réalisation de la cryoablation sont proches de celles de la RF, mis à part la nécessité de disposer d’une prise « Système d’évacuation des Gaz d’Anesthésie » (SEGA) en raison de l’émanation de gaz nitrés par la console de cryoablation.
Conclusion
Au final, les résultats convergent sur l’efficacité et la fréquence faible de complications de la cryothérapie comparables à celles de la radiofréquence lors de l’ablation endocavitaire de tachycardies. Toutefois, il convient de noter un recul de suivi court (1 à 2 ans) et une hétérogénéité des études dans les méta-analyses.
La cryothérapie est donc indiquée en alternative à la RF dans les trois indications suivantes : la FA, le flutter atrial typique et la TRINAV. En effet, dans ces indications la RF et la cryothérapie présentent un profil d’efficacité et de sécurité comparable. Dans les autres indications, l’utilisation de la cryothérapie est possible afin d’améliorer la sureté de la procédure et d’augmenter la stabilité du cathéter lorsque les foyers sont proches des voies de conduction normales, notamment dans le syndrome de Wolff-Parkinson-White et la tachycardie sinusale inappropriée.
La HAS souligne que la pratique de la technique de cryoablation doit rester dans le champ de compétences des rythmologues pratiquant déjà l’ablation endocavitaire par RF compte tenu du caractère complexe et potentiellement dangereux de cette technique si l’acte n’est pas maitrisé.