Prise en charge de l’herpès cutanéo-muqueux chez le sujet immunocompétent (manifestations oculaires exclues)
L'objectif de cette conférence de consensus est de répondre aux cinq questions suivantes, posées au jury :
- Quelle est l'histoire naturelle de l'infection à HSV ?
- Quelles sont les particularités cliniques et évolutives de certaines localisations ? (herpès oro-facial, cutané localisé, cutané diffus, syndrome de Kaposi-Juliusberg, éryhtème polymorphe, herpès génital, néonatal, infection herpétique chez la femme enceinte)
- Quelles sont la signification et les limites des moyens diagnostiques ?
- Quelles sont les modalités des traitements locaux et généraux, médicamenteux ou non ? (herpès oro-facial, génital, néonatal, de la femme enceinte, formes particulières)
- Quelles sont les perspectives pour le diagnostic, le traitement et la prévention de l'infection à HSV ?
Les herpès simplex virus (HSV) sont des virus à ADN appartenant à la famille des herpesviridae. L'espèce humaine en est le seul réservoir ; la transmission est interhumaine. Il en existe 2 types : HSV1 et HSV2. La notion que HSV1 est exclusivement responsable des infections herpétiques de la partie supérieure du corps (oro-faciale en particulier) et HSV2 de la partie inférieure du corps n'est plus vraie : HSV1 et HSV2 peuvent infecter toute région cutanéo-muqueuse. L'épidémiologie des infections à HSV1 se modifie car elles surviennent plus tardivement et concernent de plus en plus souvent la région génitale.
Ces infections sont fréquentes et le plus souvent bénignes. Certaines formes sont particulièrement graves par leurs complications (méningo-encéphalite et atteintes systémiques, syndrome de KaposiJuliusberg, érythème polymorphe) ou sur certains terrains (nouveau-né, femme enceinte, immunodéprimé). Leurs récurrences ont un retentissement sur la qualité de vie, particulièrement en région génitale.
Définitions
Primo-infection herpétique : premier contact infectant muqueux ou cutané, symptomatique ou asymptomatique, avec le virus HSV1 ou HSV2.
Infection initiale non primaire : premier contact infectant symptomatique ou asymptomatique avec le virus HSV1 ou HSV2, chez un sujet préalablement infecté par l’autre type viral.
Récurrence : expression clinique d'une réactivation virale chez un patient préalablement infecté par le même type viral.
Excrétion virale asymptomatique : détection d'HSV1 ou HSV2 en l’absence de signes fonctionnels ou de lésions visibles par le patient ou le médecin.
Réactivations : périodes de réplication virale, séparées par des périodes de latence, survenant soit sous la forme de récurrence clinique, soit sous la forme d’excrétion virale asymptomatique.
Toutes les recommandations sont issues d’un consensus au sein du jury. Les grades de recommandation utilisés sont ceux préconisés par l’ANAES¹
¹ Une recommandation de grade A est fondée sur une preuve scientifique établie par des études de fort niveau de preuve. Une recommandation de grade B est fondée sur une présomption scientifique fournie par des études de niveau de preuve intermédiaire. Une recommandation de grade C est fondée sur des études de faible niveau de preuve. En l’absence de précisions, les recommandations reposent sur un consensus exprimé par le jury
Question 1 - Quelle est l'histoire naturelle de l'infection à HSV ?
Modes de transmission de HSV
Histoire naturelle des infections à HSV
La primo-infection herpétique oro-faciale ou génitale débute par une infection des cellules épithéliales muqueuses ou cutanées, favorisée par des altérations du revêtement épithélial. La réplication virale entraîne une lyse des cellules épithéliales et l’infection des cellules nerveuses sensitives innervant le territoire cutané. La présence d’une infection préalable par un des deux types d’HSV n'empêche pas une infection par l’autre type. Les symptômes cliniques sont cependant moins sévères lors d’un épisode initial non primaire que lors d’une primo-infection. La primoinfection génère une réaction immunitaire, cependant le virus n’est pas éradiqué et persiste toute la vie. Cette infection latente peut évoluer périodiquement vers une réactivation. Les symptômes des récurrences sont moins importants que ceux de la primo-infection. La fréquence des récurrences diminue avec l’âge. Bien que les deux virus soient capables d’infecter chacun des deux sites, HSV1 semble mieux adapté à l’infection et aux réactivations dans le territoire oro-facial et HSV2 à l’infection et aux réactivations génitales.
Épidémiologie de l’infection à HSV1
Transmission et excrétion virale
HSV1 se transmet par contact direct avec un sujet excrétant du virus à l'occasion d'une primoinfection, d'une récurrence ou d'une excrétion virale asymptomatique. L'excrétion virale asymptomatique existe aussi dans la salive. La quantité de virus excrétée est plus élevée dans les premières heures de formation des vésicules et décroît ensuite. Au décours d’une primo-infection orale, la durée de l’excrétion est en moyenne de 8 jours mais peut atteindre 20 jours. Les pratiques sexuelles oro-génitales favorisent l’infection génitale à HSV1. Les sports de contact (lutte, rugby) sont des circonstances rares de contamination.
Épidémiologie
À côté des formes oro-faciales qui restent les plus fréquentes, on assiste ces dernières années à une augmentation significative des herpès génitaux liés à HSV1 (15 à 40 % selon les études), particulièrement chez les femmes. La primo-infection génitale à HSV1 survient à un âge plus jeune chez les femmes que chez les hommes ; elle est également plus précoce que l'infection à HSV2. Cette évolution épidémiologique augmente le risque de primo-infection génitale à HSV1 au cours de la grossesse et donc théoriquement celui d'infection néonatale à HSV1. La primo-infection génitale à HSV1 est plus symptomatique que celle liée à HSV2.
Épidémiologie de l’infection à HSV2
Dans la population générale, 60 à 80 % des herpès génitaux (récurrences + primo-infections) sont imputables à HSV2.
Transmission et excrétion virale
HSV2 se transmet par contact direct muqueux ou cutanéo-muqueux avec un sujet excrétant du virus à l'occasion d'une primo-infection, d'une récurrence clinique ou d'une excrétion virale asymptomatique. En cas de primo-infection génitale, la durée de l’excrétion virale est en moyenne de 8 jours mais peut atteindre 20 jours. Elle est de 2 à 4 jours en cas de récurrence.
Épidémiologie
La contamination survient majoritairement dans les deux premières décennies de la vie sexuelle. Les facteurs de risque d’infection à HSV2 sont le sexe féminin, la précocité du premier rapport sexuel, le nombre de partenaires sexuels, les antécédents de maladies sexuellement transmissibles, l'infection à VIH et un niveau socio-économique faible. La primo-infection génitale à HSV2 est le plus fréquemment asymptomatique ou méconnue. Elle survient 2 à 20 jours (en moyenne 6 à 7 jours) après le contact infectant. Les symptômes de la primo-infection sont plus sévères chez la femme. La fréquence des récurrences est plus élevée en cas d’herpès génital à HSV2 qu’à HSV1.
Conséquences de l'herpès sur les autres maladies sexuellement transmissibles
L’infection à HSV2 constitue un facteur de risque pour l’acquisition et la transmission du VIH. Une sérologie VIH doit être systématiquement proposée à un patient consultant pour herpès génital. HSV2 ne favorise pas la transmission ni l'acquisition des autres MST. L'HSV2 à lui seul n'est pas un facteur de risque du cancer du col utérin.
Excrétion virale asymptomatique
L’excrétion virale asymptomatique est intermittente. Elle constitue un mode de transmission de l’herpès génital et de l'herpès néonatal. Elle est observée dans les 2 sexes et a été démontrée dans plusieurs localisations : col utérin, vulve, pénis, urètre, région anale, cavité buccale. Sur les
muqueuses génitales, elle survient entre 2 et 8 % des jours et représente un tiers des jours d’excrétion virale. Sa fréquence est très variable d'un individu à l'autre. Elle est plus fréquente dans l'année qui suit la primo-infection, chez des femmes qui ont plus de 12 récurrences par an, et dans les 7 jours précédant et suivant une récurrence. L'excrétion virale asymptomatique peut exister au cours de la grossesse et à l'accouchement. Les périodes d'excrétion virale « asymptomatique » sont en fait plus souvent méconnues par les patients que réellement asymptomatiques. Une étude a montré qu'une information précise sur l'herpès génital permet à plus de 60 % des patients d'identifier ces épisodes.
Couples sérodifférents
Un couple sérodifférent (ou sérodiscordant) est un couple comportant un séropositif et un séronégatif pour un type donné d'HSV. L'acquisition de l'infection par le partenaire séronégatif est de 8 à 12 % par an. Elle est plus fréquente dans le sens homme-femme.
Transmission mère-enfant
L’herpès néonatal est grave car il expose à la mort ou aux séquelles neuro-sensorielles. Sa fréquence est au moins de 3 pour 100 000 en France (soit environ 20 cas par an). L’infection néonatale est due à HSV2 dans environ 2/3 des cas. La prématurité augmente le risque de contamination fœtale et néonatale.
Le nouveau-né peut se contaminer de trois façons :
- in utero, par voie hématogène transplacentaire lors d’une primo-infection avec virémie maternelle, ou plus rarement par voie transmembranaire ;
- à l’accouchement, par contact direct avec les sécrétions cervico-vaginales maternelles infectées. C’est le cas le plus fréquent. Ce risque augmente en cas de rupture prématurée des membranes de plus de 6 heures et de monitoring fœtal par électrodes de scalp. C'est en cas de primo-infection maternelle dans le mois précédant l’accouchement que le risque de transmission au fœtus est très élevé. Les autres possibilités sont une infection initiale génitale non primaire, une récurrence maternelle dans la semaine précédant l’accouchement, dans ce cas le risque de contamination fœtale est beaucoup plus faible. Le plus souvent (2/3 des cas) l'herpès néonatal survient en dehors de tout antécédent d'herpès maternel : une excrétion virale asymptomatique en est le mécanisme supposé ;
- pendant la période postnatale, la transmission virale peut se faire par la mère ou un autre membre de l’entourage excrétant de l'HSV à partir d'une atteinte oro-faciale ou génitale symptomatique ou non. Elle peut être nosocomiale, à partir d'un membre de l’équipe soignante, d'un autre nouveau-né infecté de l’unité de soins néonatals ou indirectement par l’intermédiaire du matériel.
Transmission indirecte
HSV est fragile et ne persiste que peu de temps dans le milieu extérieur. Son pouvoir infectieux dans des conditions expérimentales est court (1 à 2 heures sur la plupart des supports, 72 heures sur des compresses humides). En pratique clinique, les cas de transmission nosocomiale indirecte sont exceptionnels par matériel médical mal désinfecté. Malgré l'absence d'étude significative, le jury recommande de ne pas partager le linge de toilette en cas de lésion herpétique évolutive.
Question 2 - Quelles sont les particularités cliniques et évolutives de certaines localisations ?
Herpès oro-facial
Primo-infection
La primo-infection survient habituellement dans l’enfance. Les difficultés d’alimentation et la dysphagie exposent à la déshydratation, principale complication. En dehors de la gingivostomatite typique de l’enfant, il existe des formes atypiques par leur siège (pharyngite, laryngite, rhinite), leur présentation clinique (ulcérations), leur survenue à l’âge adulte ou leur association à des atteintes viscérales (méningite, encéphalite, hépatite).
Récurrences
De multiples facteurs déclenchants de récurrence sont rapportés : fièvre, exposition aux ultraviolets, menstruation, infection aiguë fébrile, fatigue, stress, lésions tissulaires oro-faciales (dermabrasion, certains traitements par lasers, chirurgie buccale, chirurgie du ganglion de Gasser), injection péridurale de morphine. L’herpès oro-facial récurrent siège avec prédilection sur le bord externe d’une lèvre. D’autres localisations sont décrites : vestibule narinaire, menton, joue. Il existe des formes atypiques : gingivostomatite diffuse, ulcération orale unique, glossite.
Herpès cutané localisé
Les lésions d’herpès peuvent atteindre tous les sites cutanés, principalement les fesses, l’aire suspubienne et les cuisses. Elles peuvent témoigner d’une primo-infection ou d’une récurrence isolée. Une localisation particulière est celle de l’herpès de la main, terme à préférer à celui de « panaris herpétique » car les régions péri-unguéales ne sont pas les seuls sites infectés (pulpe, paume, poignet). Méconnue, cette localisation expose à des interventions chirurgicales inutiles. La possibilité de transmission nosocomiale de l’herpès à partir de la main d’un soignant a été démontrée. Le respect des précautions universelles d’hygiène (port des gants, lavage des mains, etc.) permet la prévention de cette transmission.
Herpès cutané diffus lié à la pratique d’un sport de contact (herpes gladiatorium)
La pratique de certains sports (lutte, rugby) expose au risque d’infection cutanée herpétique diffuse, de présentation clinique atypique (multiples érosions aux sites de contact). Le virus responsable est transmis par contact cutané direct avec un sujet ayant des lésions herpétiques. L’importance des signes généraux (fièvre élevée, perte de poids) au cours ce type d’herpès a été soulignée.
Infection herpétique d’une dermatose préexistante (syndrome de Kaposi-Juliusberg)
L’infection herpétique de la dermatite atopique (eczema herpeticum dans la littérature anglosaxonne) est la moins rare. Ce diagnostic doit être envisagé systématiquement devant l’aggravation, la rechute ou la résistance au traitement de toute dermatose vésiculeuse, bulleuse ou érosive. L’infection herpétique peut aussi compliquer certains actes thérapeutiques ayant pour conséquence une abrasion cutanée (dermabrasions, certains lasers, etc.).
Érythème polymorphe
L’herpès est la première cause d’érythème polymorphe récurrent.
Herpès génital
Primo-infection
La fréquence des formes symptomatiques (vulvo-vaginite) varie entre 20 et 60 % selon les études. Une atteinte anale isolée ou une ano-rectite érosive aiguë sont possibles dans les deux sexes. Des douleurs ou des paresthésies peuvent précéder l’apparition des lésions. Des signes généraux (fièvre, myalgies, etc.), plus fréquents chez la femme, sont rapportés dans 30 à 70 % des cas. Dans 3 à 5 % des cas, il existe un syndrome méningé. Des lésions à distance sont possibles dans 10 à 25 % des cas : membres inférieurs, fesses, doigts (par auto-inoculation), bouche (primo-infection bipolaire). Des complications transitoires sont possibles : rétention d’urine (plus souvent chez la femme et en cas d’ano-rectite herpétique), paresthésies en selle et des membres inférieurs (syndrome de la queue de cheval). En fait, la primo-infection herpétique génitale est souvent asymptomatique ou s’accompagne de lésions minimes ou modérées d’herpès, typiques ou atypiques (irritation, lésions à distance, ulcération chronique, fissures).
Récurrences
L’herpès génital est actuellement la première cause d’ulcération génitale dans les pays développés. Le retentissement sur la qualité de vie de l’herpès génital récurrent a été établi.
Herpès néonatal
L'herpès néonatal se présente sous trois formes principales : cutanéo-muqueuse, neurologique, systémique. Il n’y a pas de mortalité dans les formes cutanéo-muqueuses strictes. La mortalité est de 15 % dans les formes neurologiques et de 40 à 70 % dans les formes systémiques. Le nouveauné est asymptomatique à la naissance, les premiers signes cliniques apparaissant entre le 5è et le 12è jour.
Particularités de l’infection herpétique chez la femme enceinte
La plupart des manifestations cliniques des primo-infections ou des récurrences herpétiques sont similaires chez la femme enceinte ou non. L’hépatite herpétique, exceptionnelle, est une particularité de la grossesse. Elle survient principalement lors d’une primo-infection herpétique du troisième trimestre de grossesse. Le tableau clinique est celui d’une hépatite aiguë fébrile anictérique, sans signe de pré-éclampsie. Les lésions cutanéo-muqueuses sont inconstantes. Le diagnostic et le traitement sont urgents en raison de la gravité du pronostic maternel et fœtal.
Question 3 - Signification et limites des moyens diagnostiques
Différentes techniques peuvent être mises en œuvre au laboratoire :
- diagnostic direct : culture, recherche d’antigènes et PCR. La sensibilité est d’autant plus grande que le prélèvement est réalisé sur des lésions récentes ;
- diagnostic indirect : sérologies.
Diagnostic direct
Techniques de prélèvement
Le prélèvement est réalisé par le praticien ou le biologiste au laboratoire. La technique du prélèvement et sa conservation conditionnent les résultats. Le toit des vésicules doit être percé, le liquide des vésicules récupéré à l’aide d’un écouvillon. Le plancher de la vésicule ou les ulcérations doivent être grattés de façon appuyée mais sans faire saigner à l’aide d’un autre écouvillon ou d’un vaccinostyle. Les écouvillons doivent être immédiatement plongés dans un milieu de transport, selon les indications du laboratoire, liquide ou solide, dont le but est d’éviter la dessiccation du prélèvement. Le prélèvement doit être acheminé dans les meilleurs délais au laboratoire, entre 2 et 4 heures idéalement. Dans le cas où le transport serait différé, le prélèvement doit être conservé à + 4 °C ou à – 80 °C si le délai est supérieur à 36 heures²
² *Société Française de Microbiologie , le REVIR référentiel en virologie médicale.2M2,Montmorency,2000.
Culture virale
C’est la méthode de référence.
Avantages : seule technique permettant de montrer le caractère infectieux du virus, typage possible de l’HSV.
Inconvénients : réservée aux laboratoires équipés pour la culture cellulaire, délai des résultats, influence déterminante du transport et de la conservation.
Recherche d’antigènes
La recherche d’antigènes peut se faire soit par immunofluorescence, soit par ELISA à l’aide de tests commercialisés.
- Immunofluorescence
Avantages : rapidité (1 à 2 heures), simplicité, typage possible de l’HSV.
Inconvénients : subjectivité de la lecture nécessitant un observateur averti. - Méthode ELISA
Avantages : rapidité (délai maximum de 5 heures), lecture automatique des densités optiques.
Inconvénients : aucun contrôle de la qualité du prélèvement et possibilité de faux positifs pour les trousses ne disposant pas d’un test de confirmation.
Détection du génome par PCR
La qualité des résultats est conditionnée par le choix de la technique d’extraction, le type d’amplification (qualitative ou quantitative) et la méthode de révélation. Il n’existe pas à l’heure actuelle de trousses commercialisées permettant le diagnostic moléculaire par PCR de l’herpès cutanéo-muqueux.
Avantages : technique la plus sensible, le résultat dépend moins des conditions de transport et de conservation. Le prélèvement peut être congelé à – 20 °C.
Inconvénients : risque de contamination (faux positifs) qui n’est éliminé par aucune technique actuelle, présence d’inhibiteur (faux négatifs) dans certains prélèvements, coût élevé de l’examen en réactif et en équipement, examen hors nomenclature.
Cytodiagnostic de Tzanck
Avantages : coût faible, simplicité, rapidité (identique à celle de l’immunofluorescence), permet d’éliminer rapidement des diagnostics différentiels (maladies bulleuses, etc.).
Inconvénients : ne permet pas de différencier les infections par herpès simplex et varicelle–zona.
Sérologies
Le diagnostic de primo-infection repose sur la mise en évidence d’une séroconversion entre un sérum précoce et un sérum tardif obtenu au moins 10 jours après le premier. Devant une lésion, la sérologie n’a pas d’utilité pour le diagnostic.
Les sérologies non spécifiques de type
Ce sont les trousses commercialisées dont disposent la plupart des laboratoires.
Les sérologies spécifiques de type
Leur place reste à évaluer (hors nomenclature).
Situations cliniques
Herpès oro-facial
Le diagnostic virologique direct est recommandé lorsque les lésions ne sont pas typiques ou devant des complications (consensus fort au sein du jury). L’intérêt de la PCR n’est pas évalué. La sérologie n’a pas d’intérêt diagnostique (consensus fort au sein du jury).
Herpès génital en dehors de la grossesse
Le diagnostic est fait par culture et/ou recherche d’antigènes. Il est souhaitable de prouver l’infection herpétique une fois par culture ou détection d’antigènes viraux, en particulier chez la femme en âge de procréer. La place de la PCR dans ce contexte n’est pas définie à ce jour. La sérologie n’a aucun intérêt pour le diagnostic d’un herpès génital en dehors de la grossesse. La sérologie spécifique de type n’a d’utilité que dans le cadre d’études épidémiologiques.
Herpès chez la femme enceinte
L’interrogatoire doit systématiquement rechercher les antécédents de lésions génitales évocatrices d’herpès chez la femme et son partenaire. Une sérologie systématique chez la femme enceinte et son conjoint, pour dépister les couples sérodiscordants (femme séronégative et homme séropositif) n’a pas d’intérêt démontré à ce jour et n’est pas recommandée (consensus fort au sein du jury). Les signes cliniques chez la femme enceinte n’ont pas de particularité, ils doivent être cherchés de façon attentive, en particulier dans le dernier mois de grossesse. Lors des poussées, il est impératif de prouver l’herpès génital par des examens virologiques directs, 1) à tout moment de la grossesse si l’infection n’a jamais été démontrée par un examen virologique antérieur, 2) au cours du dernier mois de grossesse. Ceci aide à choisir la stratégie de prévention de la transmission mère-enfant (consensus fort au sein du jury).
Au cours de la grossesse : le diagnostic virologique repose sur la culture et/ou la détection d’antigènes. La place de la PCR n’a pas encore été évaluée. Il faut faire la preuve d’une primo-infection ou d’une infection initiale non primaire dans le mois précédant l’accouchement. Au cours des récurrences, la sérologie est inutile.
À l’entrée en travail : devant des lésions suspectes d’herpès génital, il est indispensable d’obtenir un diagnostic virologique direct rapide par détection d’antigènes, qui sera confirmé par culture. La PCR en temps réel mérite d’être évaluée dans ce cadre. Chez les femmes ayant des antécédents d’herpès génital avant ou pendant la grossesse, un prélèvement systématique pour culture au niveau de l’endocol est conseillé (recommandation de la conférence de consensus de 1993).
Herpès chez le nouveau-né
Si la mère présente des lésions évocatrices d’herpès lors du travail : des prélèvements oculaires et pharyngé sont réalisés chez le nouveau-né pour détection d’antigènes et/ou culture, à 48 et 72 heures de vie. Des cultures négatives réalisées à la naissance ne permettent pas d’éliminer le diagnostic.
Si la mère ne présente aucune lésion au moment du travail mais a des antécédents d’herpès avant ou pendant la grossesse : il est licite d’effectuer les mêmes prélèvements.
Si le nouveau-né est suspect d’herpès néonatal : 1) toute lésion cutanéo-muqueuse est prélevée dans le but de réaliser la culture, 2) le LCR et le sérum sont testés par PCR (plus sensible que la culture dans ces prélèvements), 3) le dosage de l’interféron alpha dans le LCR et le sérum aide au diagnostic d’infection virale mais la présence d’interféron n’est pas spécifique de l’herpès. Ces examens sont à renouveler au cours du traitement présomptif.
La sérologie n’est d’aucune utilité pour le diagnostic de la maladie chez le nouveau-né.
Question 4 - Quelles sont les modalités des traitements locaux et généraux, médicamenteux ou non ?
Herpès oro-facial
Primo-infection (gingivostomatite herpétique)
Traitement par voie générale : le traitement antiviral doit être entrepris dès que le diagnostic clinique est évoqué. L’aciclovir a fait la preuve de son efficacité (grade A). La voie orale est utilisée chaque fois que cela est possible (200 mg x 5 par jour). Chez l’enfant de moins de 6 ans seule la suspension buvable est utilisée. Chez l’enfant de plus de 2 ans la posologie est identique à celle de l’adulte. La voie intraveineuse est utilisée chaque fois que l’importance des lésions rend la voie orale impossible (5 mg/kg x 3 par jour). Chez l’enfant de plus de 3 mois la posologie peut être ajustée en fonction de la surface corporelle ( 250 mg/m2 toutes les 8 heures). La durée du traitement est de 5 à 10 jours. Ce traitement doit être accompagné si nécessaire de mesures de réhydratation.
Traitements locaux : l’adjonction d’un traitement local n’a pas d’intérêt démontré.
Récurrence
- Traitement curatif
Traitements par voie générale : seul l’aciclovir a été évalué dans cette indication ; les résultats
cliniques ne sont pas concluants. Les autres antiviraux n’ont pas fait l’objet de résultats publiés.
Aucune recommandation de traitement ne peut être formulée en ce qui concerne la prescription de l’aciclovir, du famciclovir ou du valaciclovir.
Traitements locaux : parmi les produits spécifiques disponibles, aucun traitement n’a fait l’objet d’essai clinique permettant de recommander son utilisation. L’intérêt de l’utilisation des antiseptiques locaux reste discuté (niveau de preuve insuffisant). Les topiques contenant des corticoïdes ne sont pas indiqués. Les traitements locaux par méthodes physiques n’ont pas fait la preuve d’une utilité. - Traitement préventif des récurrences
a) Herpès labial non induit par le soleil
Traitement par voie générale : l’aciclovir (400 mg x 2 par jour) est le seul antiviral évalué dans cette indication. Chez les sujets qui présentent des récurrences fréquentes, des essais cliniques ont montré un bénéfice sur le délai de survenue et le nombre de récidives. En cas de récurrences fréquentes (au moins 6 fois par an) ou de retentissement socioprofessionnel, son utilisation peut être proposée. L’effet est suspensif, la durée optimale du traitement ne peut être fixée. Une évaluation doit être effectuée tous les 6 à 12 mois.
Traitements locaux : les traitements locaux n’ont pas fait la preuve de leur efficacité clinique.
Autres mesures : il est souhaitable 1) d’informer sur l’histoire naturelle de l’infection HSV, 2) d’évaluer les facteurs ou circonstances déclenchantes, 3) d’assurer si nécessaire un soutien psychologique, 4) de prendre en charge si nécessaire la douleur.
b) Herpès labial solaire
Traitement par voie générale : bien que les médicaments antiviraux soient régulièrement utilisés pour la prévention de l’herpès solaire, les résultats actuellement disponibles sont décevants. Il n’y a pas d’AMM dans cette indication.
Traitements locaux : bien que l’intérêt des photoprotecteurs ne soit pas démontré, il est raisonnable de conseiller leur utilisation. Les traitements locaux n’ont pas fait la preuve de leur utilité.
Herpès génital
Primo-infection et infection initiale non primaire
Traitements par voie générale : l’aciclovir oral a fait la preuve de son efficacité sur la douleur, le délai de guérison et la durée du portage viral. Les doses de l’AMM sont de 200 mg x 5 par jour pendant 10 jours par voie orale ou de 5 mg/kg x 3 par jour pendant 5 à 10 jours par voie IV. Il n’y a pas d’intérêt à augmenter les doses. Le valaciclovir est utilisé par voie orale 500 mg x 2 par jour pendant 10 jours selon l’AMM. Le famciclovir à la dose de 250 mg x 3 par jour pendant 5 jours a obtenu l’AMM mais n’est plus commercialisé en France actuellement.
Traitements locaux : les traitements locaux n’ont pas fait la preuve de leur utilité clinique.
Autre mesure : prise en charge de la douleur.
Récurrence
- Traitement curatif
Traitements par voie générale : les essais cliniques ne montrent qu’un intérêt limité du traitement per os (grade B), il existe une diminution du délai de guérison de 1 à 2 jours, en revanche la durée de la douleur n’est pas modifiée. Le jury propose de ne traiter les récurrences qu’en cas de gêne ou de risque de contagion, par aciclovir (200 mg x 5 par jour pendant 5 jours) (grade A) ou valaciclovir (1 000 mg par jour en 1 ou 2 prises pendant 5 jours), dont l’efficacité est comparable à celle de l’aciclovir (grade A). Le nombre de prises plus faible avec le valaciclovir peut faciliter le traitement. Le traitement est d’autant plus efficace qu’il est précoce. Le jury recommande que les malades disposent sur prescription médicale d’aciclovir ou de valaciclovir de façon à commencer le traitement dès les premiers symptômes. Le famciclovir à la dose de 125 mg x 2 par jour pendant 5 jours a obtenu l’AMM, il n’est plus commercialisé en France actuellement.
Traitements locaux : les traitements locaux n’ont pas fait la preuve de leur efficacité clinique. - Traitement préventif
Traitement par voie générale : ce traitement s’adresse aux malades ayant au moins 6 récurrences par an. Aciclovir : les essais confirment l’efficacité de ce traitement à la dose de 400 mg x 2 par jour. Valaciclovir : le dosage retenu est de 500 mg par jour. L’effet est suspensif, la durée optimale du traitement ne peut être fixée, une évaluation doit être effectuée tous les 6 à 12 mois. Famciclovir : utilisé dans plusieurs pays à la dose de 500 mg par jour en 1 ou 2 prises, ce produit n’a pas d’AMM en France dans cette indication.
Traitements locaux : les traitements locaux n’ont pas fait la preuve de leur efficacité.
Autres mesures : il est souhaitable 1) d’informer le malade sur l’histoire naturelle de l’infection, 2) d’évaluer les facteurs ou circonstances déclenchantes, 3) d’assurer si nécessaire une prise en charge psychologique, 4) de préconiser l’utilisation du préservatif lors des poussées cliniques identifiées, 5) de prendre en charge si nécessaire la douleur.
Herpès néonatal
Sa gravité et les risques élevés de mortalité ou de séquelles neurologiques imposent un traitement précoce sans attendre la confirmation virologique. Le jury insiste sur l’importance de la remise aux parents d’un nouveau-né exposé à un risque d’infection herpétique d’une fiche de conseil, et d’une surveillance clinique rapprochée dans les premiers mois de vie. Il faut une éviction des contacts avec les personnes possiblement contaminantes, notamment le personnel soignant.
Traitement curatif
L’aciclovir est le seul traitement utilisé. Le jury recommande la dose de 60 mg/kg par voie intraveineuse et par jour pendant 21 jours pour les formes neurologiques et disséminées et 14 jours pour les formes localisées (grade B, hors AMM).
Traitement présomptif
Il est proposé chez le nouveau-né lors d’une méningite ou méningo-encéphalite d’allure virale, un sepsis d’allure non bactérienne lorsque le père ou la mère ont des antécédents d’herpès génital ou cutanéo-muqueux. Dans ce cas l’aciclovir par voie intraveineuse doit être utilisé à la posologie
recommandée pour le traitement curatif. L’instauration du traitement doit être faite en urgence. Le traitement présomptif est arrêté si l’évolution et les résultats du bilan clinique et virologique (culture et PCR) infirment le diagnostic.
Traitement préventif
L’objectif est d’éviter ou de réduire le risque de transmission au nouveau-né dans le cas d’une situation à risque : herpès génital (infection initiale non primaire pendant la grossesse et notamment dans le dernier mois, herpès récurrent à HSV, positivité des prélèvements virologiques des voies génitales). Il faut éviter le contact direct du nouveau-né avec les lésions herpétiques. La polyvidone iodée, proposée par certains en collyre ou en bain, est contre-indiquée chez le nouveau-né. Elle ne doit donc pas être utilisée. Les précautions d’hygiène universelles doivent être respectées. L’allaitement est contre-indiqué en cas de lésion herpétique mammaire ou mamelonnaire chez la mère. Les lésions situées à distance doivent être protégées.
Herpès de la femme enceinte
L’aciclovir et le valaciclovir ont été utilisés chez la femme enceinte. Il existe un registre des grossesses exposées à ces médicaments. À ce jour aucune embryo-fœtopathie n’a été signalée. Le jury recommande l’utilisation du traitement antiviral pour des indications restreintes, lorsqu’un bénéfice est attendu pour le fœtus et/ou la mère.
Primo-infection ou infection initiale non primaire
Traitement médical : lorsqu’elle survient pendant le mois précédant l’accouchement, un traitement par aciclovir à la dose de 200 mg x 5/j per os est recommandé jusqu’à l’accouchement (grade B). Lorsqu’elle survient avant le dernier mois, le traitement est le même que pour l’herpès génital en dehors de la grossesse (aciclovir 200 mg x 5/j pendant 10 j per os). Chez ces patientes, une étude a démontré l’intérêt de l’aciclovir (400 mg x 3/j per os) à partir de 36 semaines d’aménorrhée jusqu’à l’accouchement. Ce traitement diminue le nombre de récurrences au moment du travail et le nombre de césariennes (grade A). Le jury recommande ce dernier schéma thérapeutique. Les traitements locaux n’ont pas apporté la preuve de leur utilité clinique au cours de la grossesse.
Place de la césarienne : présence de lésions herpétiques pendant le travail : la césarienne est indiquée dans tous les cas (consensus fort au sein du jury). Absence de lésion herpétique pendant le travail : l’indication de la césarienne est discutée. Si la primo-infection ou infection initiale non primaire date de plus d’un mois, l’accouchement par voie basse est autorisé (consensus fort au sein du jury). Si la primo-infection ou infection initiale non primaire date de moins d’un mois et si elle a été traitée par aciclovir (cf. supra), le jury n’a pas d’argument pour recommander la réalisation systématique d’une césarienne. Si il n’y a pas eu de traitement antiviral, la césarienne est à discuter. Le rapport bénéfice/risque doit être pris en compte. Les examens virologiques peuvent aider pour la décision.
Récurrence
- Traitement médical
Traitement curatif : l’aciclovir est utilisé selon les mêmes modalités qu’en dehors de la grossesse.
Traitement préventif : le jury n’a pas d’argument pour recommander l’utilisation systématique de l’aciclovir pendant le dernier mois de la grossesse pour la prévention d’une récurrence lors de l’accouchement. - Place de la césarienne
Le risque de transmission est faible dans cette circonstance. Il existe un consensus fort au sein du jury pour recommander une césarienne en cas de lésions herpétiques au moment du travail et autoriser un accouchement par voie basse si le début de la récurrence date de plus de 7 jours. Dans tous les autres cas, la décision de césarienne est à discuter. Les examens virologiques peuvent aider à la décision.
Cas particuliers : il n’y a pas d’intérêt à réaliser une césarienne, quelle que soit la situation clinique, si la rupture des membranes a eu lieu depuis plus de 6 heures.
Formes particulières
Syndrome de Kaposi-Juliusberg
Il doit être traité par aciclovir. L’aciclovir chez l’enfant est utilisé à la dose de 5 mg/kg/8 h par voie IV.
Érythème polymorphe récidivant
Un traitement continu d’aciclovir, 400 mg x 2/j per os pendant 6 mois, peut prévenir les poussées d’érythème polymorphe dues à l’herpès (grade A), pas d’AMM dans cette indication.
Herpès au cours des sports de contact (herpes gladiatorium)
Le traitement curatif est l’aciclovir per os, 200 mg x 5/j pendant 5 jours (non évalué). La prévention repose sur l’information des sportifs (sports de contact) et des médecins du sport, l’éviction transitoire d’un sport de contact pour une personne atteinte de lésions cutanéo-muqueuses herpétiques jusqu’à cicatrisation des lésions.
Herpès après intervention de relissage du visage
La réactivation d’un herpès oro-facial est possible après intervention de relissage du visage, quelle que soit la méthode utilisée. Bien que seules des études ouvertes non contrôlées aient été réalisées, une pratique professionnelle propose une prophylaxie par valaciclovir 500 mg x 2/j débutée la veille ou le jour de l’intervention et poursuivie 14 jours. Cette prescription se situe hors de l’AMM ; des études contrôlées sont nécessaires.
Question 5 - Quelles sont les perspectives pour le diagnostic, le traitement et la prévention de l’infection à HSV ?
Compte tenu de la gravité de l’herpès néonatal, le jury recommande la mise en place d’un registre national.
L’intérêt de la sérologie spécifique de type est à évaluer. Il est nécessaire de standardiser les techniques de PCR. La PCR en temps réel est une technique prometteuse. Son intérêt diagnostique doit être évalué pour optimiser la prise en charge de l’infection néonatale. La PCR en temps réel pourrait être un outil utile à l’étude de l’histoire naturelle des infections à HSV.
L’intérêt et la tolérance des antiviraux (aciclovir et autres) prescrits à partir de la 36è semaine d’aménorrhée doivent être évalués par une étude multicentrique.
Les traitements locaux non antiviraux à visée curative ou préventive doivent être évalués.
Les études pour l’élaboration d’un vaccin efficace doivent être poursuivies.
Pour améliorer la prévention, le jury recommande l’information et l’éducation du public sur les modes de contamination (particulièrement pour éviter la transmission au nouveau-né).