Diagnostic biologique de la toxoplasmose chez les patients immunodéprimés - Patients infectés par le VIH, greffés de cellules souches hématopoïétiques et transplantés d’organe
La Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés souhaite actualiser la Nomenclature des actes de biologie médicale pour ce qui est des tests relatifs au diagnostic de toxoplasmose. La présente évaluation porte sur les tests diagnostiques de la toxoplasmose chez les patients immunodéprimés, en particulier les patients infectés par le VIH et les patients receveurs de greffe de cellules souches hématopoïétiques ou de transplantation d’organe. La méthode choisie repose sur une analyse de la littérature synthétique (recommandations de bonne pratique, rapports d’évaluation technologique, revues systématiques, méta-analyses, revues générales), identifiée par une recherche documentaire systématique, conjointement à une interrogation du Centre national de référence de la toxoplasmose, de la Société française de greffe de moelle et de thérapie cellulaire, et de la Société francophone de transplantation, en tant que parties prenantes.
Objectif(s)
Cette évaluation correspond au second volet de réponse à une demande de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) qui souhaite actualiser la Nomenclature des actes de biologie médicale (NABM) pour ce qui est des actes relatifs au diagnostic biologique de la toxoplasmose. Cette parasitose, causée par le protozoaire Toxoplasma gondii, regroupe des contextes clinico-biologiques très distincts. Un premier volet d’évaluation, validé en février 2017, a porté sur le diagnostic biologique de la toxoplasmose acquise du sujet immunocompétent (dont la femme enceinte), de la toxoplasmose congénitale et de la toxoplasmose oculaire. Ce second volet est dédié aux tests diagnostiques de la toxoplasmose chez les patients immunodéprimés, en particulier patients infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), patients greffés de cellules souches hématopoïétiques (CSH) et transplantés d’organe.
Méthode
La méthode choisie repose sur une analyse de la littérature synthétique (revues systématiques, méta-analyses, recommandations de bonne pratique, rapports d’évaluation technologique, revues générales), identifiée par une recherche documentaire systématique, conjointement à une interrogation du Centre national de référence de la toxoplasmose, de la Société française de greffe de moelle et de thérapie cellulaire, et de la Société francophone de transplantation, en tant que parties prenantes.
Conclusions
L’analyse critique de la littérature et l’interrogation des organismes professionnels ont montré que les données disponibles sont peu nombreuses et les pratiques hétérogènes entre les centres de soins. Dans ces conditions et en prenant en compte la rareté, la diversité et la gravité des situations cliniques dont il est question, les conclusions de la HAS sont les suivantes :
Diagnostic de toxoplasmose chez le patient infecté par le VIH
- Le dépistage sérologique de la toxoplasmose (recherche des IgG et IgM anti-Toxoplasma) lors du bilan paraclinique initial faisant suite à la découverte de l’infection par le VIH permet d’identifier les patients VIH à risque de réactivation d’une infection toxoplasmique latente (patients séropositifs pour les IgG anti-Toxoplasma). Cette sérologie doit être contrôlée annuellement en cas de séronégativité.
- Le diagnostic de toxoplasmose cérébrale chez le patient VIH est le plus souvent présomptif, reposant sur un faisceau d’arguments incluant la séropositivité pour les IgG anti-Toxoplasma. Une confirmation diagnostique peut être apportée par la recherche de l’ADN du toxoplasme par amplification génique (de type Polymerase Chain Reaction [PCR]) sur sang périphérique et/ou liquide cérébrospinal (LCS), au moment de la présentation initiale (prélèvement à réaliser avant mise sous traitement empirique) ou en l’absence de réponse clinique au traitement empirique anti-toxoplasmique dans les sept à quatorze jours de traitement. Un résultat négatif de PCR toxoplasmose n’exclut pas un diagnostic de toxoplasmose évolutive.
- Les techniques d’inoculation à l’animal et de culture cellulaire, ainsi que la recherche d’une synthèse locale d’anticorps dans le LCS ne sont pas utiles dans ce contexte.
Diagnostic de toxoplasmose chez les patients greffés de CSH et transplantés d’organe
Dépistage sérologique des sujets donneurs et receveurs
- Le dépistage sérologique de la toxoplasmose (recherche des IgG et IgM anti-Toxoplasma) est une obligation réglementaire en France pour les sujets donneurs de CSH ou d’organe. Les données disponibles ne permettent pas de statuer quant à la nécessité ou non de conduire des investigations complémentaires par PCR en cas de détection d’IgM anti-Toxoplasma dans le sang du donneur.
- Chez les patients (futurs) receveurs de greffe/organe, le dépistage sérologique de la toxoplasmose (recherche des IgG et IgM anti-Toxoplasma) permet d’identifier les patients chroniquement infectés à risque de réactivation et, dans le cas des transplantations d’organe, les patients non immunisés à risque de transmission de l’infection par transplantation d’un organe infecté.
Diagnostic de toxoplasmose évolutive en présence de symptômes
- Chez un patient greffé/transplanté présentant des symptômes cliniques et/ou radiologiques de toxoplasmose évolutive :
- la recherche de l’ADN du toxoplasme par amplification génique (PCR) sur des prélèvements biologiques appropriés (sang périphérique, LBA, LCS, moelle osseuse, biopsie d’organes, autres liquides biologiques…) peut permettre de poser le diagnostic, la nature des prélèvements étant orientée par la symptomatologie. Un résultat négatif de PCR n’exclut cependant pas un diagnostic de toxoplasmose évolutive ;
- les tests sérologiques présentent peu d’intérêt ;
- les techniques d’inoculation à l’animal et de culture cellulaire ne sont pas utiles dans ce contexte.
Lorsque la PCR sur sang périphérique est positive chez un patient greffé/transplanté sous traitement anti-toxoplasmique, les données disponibles ne permettent pas de statuer sur l’intérêt ou non de suivre l’efficacité du traitement par PCR dans le sang.
Suivi biologique post-greffe/transplantation
- Le suivi systématique par amplification de l’ADN (PCR) du toxoplasme sur sang périphérique peut constituer une alternative à la prophylaxie chez les patients receveurs de greffe de CSH séropositifs pour la toxoplasmose en pré-greffe et ne pouvant pas recevoir de prophylaxie efficace contre la toxoplasmose. Les données disponibles ne permettent néanmoins pas de proposer des modalités de mise en œuvre. Aucune donnée probante ne soutient la réalisation de ce type de suivi chez les patients transplantés d’organe.
- Le suivi par tests sérologiques peut présenter un intérêt potentiel (non formellement démontré) chez les patients transplantés cardiaques en situation de discordance sérologique (receveur séronégatif pour la toxoplasmose recevant un organe d’un donneur chroniquement infecté). Les données disponibles ne permettent néanmoins pas de préciser des fréquences et durées de suivi. Aucune donnée probante ne soutient la réalisation de ce type de suivi chez les patients receveurs de CSH.
Pour tous les contextes cliniques concernés
- La prise en charge de la toxoplasmose chez ces différentes catégories de patients immunodéprimés relève d’équipes clinico-biologiques très spécialisées, généralement hospitalières. Les examens diagnostiques de la toxoplasmose relèvent dans ce contexte de laboratoires de biologie médicale dits « experts » de la toxoplasmose. Un laboratoire expert est principalement défini par sa maîtrise des techniques peu répandues ou manuelles, sa capacité à prendre en charge des dossiers complexes, et son intégration dans un réseau de réflexion et de collaboration avec d’autres laboratoires experts et avec les différents cliniciens impliqués dans la prise en charge de cette infection. À noter que pour les patients non immunodéprimés (patients infectés par le VIH non immunodéprimés, donneurs de CSH, patients futurs receveurs de greffe/organe), la sérologie de la toxoplasmose peut être réalisée hors d’un laboratoire expert dans le cadre des bilans spécifiques à réaliser dans ces situations.
- Le suivi biologique (par tests sérologiques et/ou PCR) d’un patient immunodéprimé doit être réalisé dans un même laboratoire, avec les mêmes techniques, afin d’assurer la comparabilité des résultats.
- Les situations complexes et graves dans lesquelles peuvent se trouver ces patients immunodéprimés peuvent amener la réalisation de certains tests malgré l’absence d’un niveau de preuve satisfaisant de leur intérêt, dans la mesure où ces tests peuvent être contributifs dans un faisceau de données.