Mesurer la mortalité dans les hôpitaux et cliniques pour informer sur la qualité des soins : la HAS propose une méthode
Pour juger de la qualité des soins en France, beaucoup demandent la publication des taux de mortalité de chaque établissement de santé. Le sujet est pourtant délicat : comment comparer la mortalité d’hôpitaux et cliniques prenant en charge des patients dans des états graves avec des établissements ne réalisant aucune opération à risque ? Comment éviter que la publication de ces taux n’ait des effets pervers sur les pratiques des établissements ?
Après analyse de la littérature et des expériences internationales, la HAS propose aujourd’hui une méthode pour aboutir à des indicateurs fiables et pertinents : mesurer la mortalité par pathologie ou par acte réalisé, communiquer les résultats aux établissements puis dans un second temps au grand public.
Comme pour les autres indicateurs recueillis par la HAS*, l’élaboration d’indicateurs de mortalité doit permettre aux établissements de santé de s’autoévaluer, se comparer et améliorer leurs pratiques. Elle doit également permettre à terme à chaque citoyen de disposer d’une information fiable, compréhensible et utile sur la qualité et la sécurité des soins dans les hôpitaux et cliniques en France.
Toutefois, ce sujet n’est pas simple : un fort taux de mortalité ne signifie pas nécessairement une mauvaise qualité des soins, certains décès ne sont pas évitables, la gravité de l’état des patients pris en charge et la complexité des actes réalisés varient beaucoup d’un établissement à l’autre. En outre, les bases de données médico-administratives sont les seules sources disponibles à ce jour pour calculer des taux de mortalité mais elles ne sont pas totalement adaptées.
Afin de développer des indicateurs de mortalité pertinents et poursuivre l’amélioration de la qualité des soins en France, la HAS a analysé la littérature internationale et étudié le déploiement de ces indicateurs dans 5 pays : les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et l’Allemagne.
Mesurer la mortalité est plus complexe qu’il n’y paraît…
Pour élaborer des taux de mortalité, il paraîtrait logique de prendre en compte tous les décès survenus dans chaque hôpital ou clinique. Ce choix comporte pourtant plusieurs limites. Tout d’abord, un taux de mortalité global par établissement n’est pas forcément un indicateur adapté pour les comparer entre eux, car ils ne prennent pas en charge les mêmes types de patients et ne réalisent pas les mêmes actes. D’autre part, si on ne comptabilise que les décès qui ont lieu au sein des hôpitaux ou cliniques, les taux de mortalité risquent d’être sous-estimés car ils ne prendront pas en compte ceux survenus après la sortie (notamment dans le cas des établissements ayant une politique de sortie précoce de leurs patients).
…et peut avoir des effets pervers : refus des patients les plus à risque, déclarations de données inexactes
Les expériences étrangères ont montré que la publication d’indicateurs de mortalité ou leur utilisation dans des programmes d’incitations financières pouvaient amener certains établissements à modifier leurs pratiques afin d’obtenir, en apparence, de meilleurs résultats de mortalité. Pour y parvenir, il a été observé que certains établissements de santé :
- refusaient l’admission des patients les plus à risque de décès ou les transféraient après les avoir admis vers d’autres établissements si leur état se dégradait ;
- modifiaient leurs habitudes de codage dans les bases médico-administratives servant au calcul des taux de mortalité.
La position de la HAS : des taux de mortalité par pathologie ou par acte, publiés après avoir vérifié leur validité
La HAS opte pour des taux de mortalité par pathologie ou par acte (chirurgie, geste invasif, obstétrique). Même s’ils ciblent moins de décès, ces taux de mortalité spécifiques permettent de comparer les établissements sur des situations cliniques similaires et de suivre l’évolution de la qualité des soins au cours du temps. Ils pourront être recueillis pour des pathologies et des actes à risque, qui concernent beaucoup de patients et génèrent un grand nombre de décès. A l’étranger, des taux ont ainsi été calculés pour des pathologies comme l’infarctus du myocarde, l’insuffisance cardiaque, la pneumonie ou des actes de chirurgie cardiaque ou digestive. La HAS souhaite en outre mesurer la mortalité 30 jours après l’admission ou 30 jours après la réalisation d’un acte. Des études ont effectivement montré qu’il s’agissait du délai privilégié pour s’assurer que la cause du décès était bien liée à l’hospitalisation.
Enfin, les indicateurs de mortalité seront, dans une première phase, communiqués exclusivement aux établissements de santé. Ils pourront dans un second temps être diffusés auprès du grand public, après s’être assuré que les données codées par les établissements dans les bases médico-administratives correspondent bien à la réalité de leurs pratiques. La HAS recommande par ailleurs, qu’à ce stade, ces indicateurs ne soient pas utilisés pour sélectionner les établissements qui bénéficieront de programmes d'incitations financières.
La HAS en partenariat avec l’Assurance maladie se lancera dès 2018 dans le recueil des données sur l’infarctus du myocarde pour la production d’un indicateur de mortalité par établissement, dans le cadre d’une initiative de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). |
*Consultables sur le site www.scopesante.fr
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