Aide à la rédaction des certificats et avis médicaux dans le cadre des soins psychiatriques sans consentement d’une personne majeure à l’issue de la période d’observation de 72 heures

Practice guidelines - Posted on Apr 13 2018

La prise en charge d’une personne en soins psychiatriques sans consentement implique que soient établis des certificats médicaux, ou que soient rendus des avis médicaux, dans les situations et délais prévus par la loi. Cependant, cette dernière ne précise pas leur contenu.

Cette fiche mémo présente des éléments permettant aux psychiatres de répondre à l’exigence de produire des certificats ou avis médicaux suffisamment circonstanciés pour fonder la légalité des décisions administratives ou judiciaires.

Les situations envisagées sont celles qui découlent chronologiquement de la période d’observation de 72 heures consécutive à l’admission en soins psychiatriques sans consentement d’une personne majeure.

 

Messages clés

  • Une personne ne peut sans son consentement, ou le cas échéant sans celui de son représentant légal, faire l’objet de soins psychiatriques. Cependant, des soins psychiatriques sans consentement sont autorisés sous réserve du respect d’un certain nombre de conditions prescrites par le code de la santé publique (art. L. 3211-1 et suivants du code de la santé publique).

  • La personne faisant l’objet de soins psychiatriques sans consentement est aussitôt, ou dès que son état le permet, informée de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours et des garanties ainsi que des décisions prises à son endroit et des raisons qui les motivent (art. L. 3211-3 alinéas 4 et 5 du code de la santé publique).

  • À tout moment le consentement de la personne doit être recherché et respecté chaque fois qu’elle est apte à exprimer sa volonté.

  • Lorsque l’état d’une personne faisant l’objet d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement le permet, une transformation générale de la mesure en soins libres doit être recherchée (art. L. 3211-2 du code de la santé publique). Il s’agit d’une décision qui revient à l’auteur de la mesure et non au médecin.

  • L’établissement d’un certificat nécessite obligatoirement un examen de la personne. Lorsqu’il ne peut pas être procédé à cet examen, un avis est alors établi sur la base du dossier médical. Cet avis expose notamment les raisons pour lesquelles l’examen n’a pas été possible.

  • Le médecin ne peut certifier que ce qu’il a constaté lui-même, ce qui impose que la personne soit vue et examinée, à la différence des avis qui peuvent être établis à la lecture du dossier du patient.

  • Le médecin rédacteur doit être obligatoirement un psychiatre inscrit au tableau de l’ordre des médecins et en situation régulière d’exercice.

  • Le certificat médical doit permettre à ses destinataires non médecins de comprendre le bien-fondé de la mesure (adaptée, nécessaire et proportionnée à l’état mental de la personne, à sa potentielle dangerosité et à la mise en oeuvre du traitement requis), celle-ci devant prendre en compte l’équilibre entre la protection de la santé et les libertés individuelles de la personne et mettre en exergue les comportements pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes et à l’ordre public, le cas échéant.

  • Le diagnostic médical ne doit pas être révélé dans le certificat ou l’avis médical eu égard au secret professionnel (art. L. 226-13 du Code pénal et art. L. 1110-4 du Code de la santé publique).

  • Les délais d’envoi des certificats et avis médicaux doivent être respectés.

 

Préambule

La loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (dont certaines dispositions ont été modifiées par la loi n° 2013-869 du 27 septembre 2013) a réformé la loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation.
L’admission d’une personne en soins psychiatriques sans consentement se fait :

  • soit sur décision du directeur de l’établissement de santé (SDDE) (art. L. 3212-1 du Code de la santé publique) :
    • consécutivement à la demande d’un tiers, en urgence ou non (SDT ou SDTU),
    •  ou sans demande de tiers en cas de péril imminent (SPI) ;
  • soit sur décision du représentant de l’État (SDRE) (art. L. 3213-1 du Code de la santé publique) ;
  • soit sur décision de justice (SDJ) (art. 706-135 du Code de procédure pénale).


Quel qu’en soit le décisionnaire, une telle admission implique une période d’observation de 72 heures au plus, sous forme d’hospitalisation complète, permettant d’évaluer la capacité de la personne à consentir aux soins ainsi que son état pour définir la forme de la prise en charge la mieux adaptée à ses besoins, et d’engager les soins nécessaires. Un certificat doit être établi dans les 24 heures suivant l’admission, un autre certificat dans les 72 heures.
À l’issue de cette période d’observation et en fonction des conclusions de ces deux certificats confirmant ou non la nécessité de maintenir les soins psychiatriques, l’autorité ayant prescrit la mesure décide du maintien ou de la levée des soins et, dans le premier cas, de la forme de la prise en charge :

  • soit sous la forme d’une hospitalisation complète ;
  • soit sous toute autre forme, pouvant comporter des soins ambulatoires, des soins à domicile, une hospitalisation à domicile, des séjours à temps partiel ou des séjours de courte durée à temps complet. Un programme de soins, annexé à la décision, est alors établi par un psychiatre de l’établissement d’accueil et ne peut être modifié que dans les mêmes conditions. Le programme de soins définit les types de soins, leur périodicité et les lieux de leur réalisation, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État (art. R. 3211-1 du Code de la santé publique).


La loi prévoit le calendrier selon lequel doivent être établis les certificats ou avis médicaux au cours de la prise en charge.
Lorsque l’admission en soins psychiatriques sans consentement a été prononcée par le directeur d’établissement (SDDE), celui-ci doit lever la mesure dès lors que l’un des certificats conclut que l’état mental de la personne ne justifie plus les soins psychiatriques sans consentement.
En revanche, lorsque l’admission en soins psychiatriques sans consentement a été prononcée par le représentant de l’État (SDRE), celui-ci peut décider de suivre ou non le certificat médical. Dans ce dernier cas, il devra alors demander un deuxième avis auprès d’un autre psychiatre.

 

Fondement des certificats et avis médicaux

Comme le précise une instruction interministérielle datée du 15 septembre 2014 (instruction interministérielle DGS/MC4/DGOS/DLPAJ n° 2014-262 du 15 septembre 2014 relative à l’application de la loi n° 2013-869 du 27 septembre 2013 visant à modifier certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge) «[…] les décisions relatives aux mesures de soins psychiatriques sont fondées sur des certificats ou des avis médicaux qui seuls permettent de les motiver, qu’il s’agisse des mesures initiales, de leur maintien, de leurs aménagements ou de leur levée. […] La loi exige, dans la plupart des cas, que les certificats et avis adressés aux préfets ou aux juges soient circonstanciés. ».

Le certificat est un document médico-légal car c’est l’un des actes sur lesquels le préfet ou le directeur d’établissement s’appuie pour prendre sa décision, puis à partir desquels le juge des libertés et de la détention (JLD) forge sa décision.

Si le certificat médical ou l’avis n’est pas suffisamment précis ou motivé :

  • le préfet ou le directeur de l’établissement ne peut pas se prononcer, ni prendre de décision, le cas échéant la décision du préfet ou du directeur d’établissement peut être annulée par la juridiction compétente ;
  • le JLD peut décider de lever la mesure d’hospitalisation pour ce motif, s’agissant de la mise en jeu de libertés individuelles.

 

Rédacteur des certificats et avis médicaux

Le médecin rédacteur doit être obligatoirement un psychiatre inscrit au tableau de l’ordre des médecins et en situation régulière d’exercice.

 

Contenu des certificats et avis médicaux

Dispositions communes à tous les certificats et avis médicaux

Le certificat médical doit permettre à ses destinataires non médecins de comprendre le bien-fondé de la mesure (adaptée, nécessaire et proportionnée à l’état mental de la personne, à sa potentielle dangerosité et à la mise en oeuvre du traitement requis), celle-ci devant prendre en compte l’équilibre entre la protection de la santé et les libertés individuelles de la personne et mettre en exergue les comportements pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes et à l’ordre public, le cas échéant. Santé, liberté d’aller et venir, sécurité et ordre public sont des droits protégés par la Constitution.

Pour rédiger le certificat, il est nécessaire que le médecin :

  • s’entretienne avec la personne ou au moins tente de le faire (en cas d’impossibilité, en exposer les raisons) ;
  • examine et constate par lui-même les éventuels troubles mentaux ainsi que les éventuels troubles du comportement qui en résultent, le cas échéant, qu’il explicite les raisons pour lesquelles il n’a pas pu les constater lui-même (en cas d’impossibilité, en exposer les raisons et rédiger un avis médical) ;
  • recherche le consentement de la personne ;
  • recherche les éléments lui permettant de justifier la nécessité de dispenser des soins dans le cadre d’une mesure contrainte.

 

Sur la forme

Chaque certificat doit permettre d’identifier clairement son auteur afin de pouvoir vérifier ses liens éventuels avec l’établissement d’accueil de la personne. Le certificat doit donc comporter l’identification du médecin, c’est-à-dire son nom, son prénom, son numéro RPPS (répertoire partagé des professionnels de santé) si possible, et sa structure de rattachement.

Le certificat médical doit être lisible et rédigé en langue française.

Dans le cadre des soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l’État (SDRE), les certificats médicaux doivent être dactylographiés (art. R. 3213-3 du Code de la santé publique).

Dans tous les autres cas, il est recommandé de dactylographier chaque certificat ou avis médical, quel que soit le cadre légal dans lequel il a été établi, afin de garantir une parfaite lisibilité.

Le certificat médical doit être daté et signé.

 

Sur le fond

Chaque certificat médical est unique et atteste de l’examen de la personne réalisé le jour de sa rédaction. À ce titre, il doit être explicite, c’est-à-dire circonstancié, précis et motivé selon chaque cas d’espèce, évitant ainsi les documents génériques.

Le médecin ne peut certifier que ce qu’il a constaté lui-même, ce qui impose que la personne soit vue et examinée, à la différence des avis qui peuvent être établis à la lecture du dossier du patient.

Pour cela il est recommandé de satisfaire aux items suivants.

 

Décrire la symptomatologie constatée

La loi prévoit que les certificats doivent être circonstanciés. Il n’y a aucune obligation à mentionner le diagnostic dans le certificat ou l’avis médical, compte tenu du droit au respect de la vie privée, dont le droit au secret des informations relatives à l’état de santé fait partie (droits rappelés à l’article L. 1110-4 du Code de la santé publique).

Par conséquent, le diagnostic médical ne doit pas être révélé dans le certificat ou l’avis médical, d’autant que la présence de troubles mentaux uniquement ne saurait justifier en elle-même une mesure de soins psychiatriques sans consentement.

Le médecin rédacteur doit :

  • procéder à une description clinique symptomatologique, pouvant être illustrée par des faits comportementaux précis et/ou en citant des propos précis de la personne faisant apparaître que celle-ci pourrait se mettre en danger ou porter atteinte à autrui ;
  • décrire l’évolution clinique depuis le précédent certificat médical.

 

Justifier si le tableau clinique relève de soins psychiatriques

Il convient d’indiquer si le tableau clinique relève ou non de soins psychiatriques. Il convient également de définir et expliciter le lien entre la nature de la pathologie et son évolution probable ou prévisible (ou possible au regard du tableau médico-social) et la nécessité ou non d’une hospitalisation complète ou d’un passage en programme de soins.

Il est recommandé, pour apprécier la sévérité des troubles mentaux de la personne et la nécessité de soins immédiats, de rechercher :

  • un risque suicidaire ;
  • un risque d’atteinte potentielle à elle-même ou à autrui ;
  • une prise d’alcool ou de toxiques associée ;
  • un délire ou des hallucinations ;
  • des troubles de l’humeur ;
  • le degré d’incurie en lien avec un trouble mental.

 

Décrire la capacité ou non de la personne à consentir aux soins 

En pratique, il s’agit de :

  • justifier en quoi le discernement est ou n’est pas altéré ou aboli, justifier en quoi la personne est ou n’est pas en capacité de consentir ;
  • préciser le cas échéant si la personne éprouve des difficultés à comprendre la langue française et si elle nécessite les services d’un traducteur (dans cette hypothèse, décliner l’identité du traducteur ; en cas d’impossibilité de trouver un traducteur, mentionner la raison et indiquer qu’une recherche active est en cours) ;
  • justifier de la possibilité ou non de maintenir le consentement dans le temps et sa cohérence.

 

Afin d’apprécier la capacité de la personne à consentir ou non aux soins, il est possible d’orienter, sans exclusivité, l’examen clinique en prenant en compte au moins quelques critères comme :

  • sa capacité à recevoir une information adaptée ;
  • sa capacité à comprendre et à écouter ;
  • sa capacité à raisonner ;
  • sa capacité à exprimer librement sa décision ;
  • sa capacité à maintenir sa décision dans le temps.

À tout moment le consentement de la personne doit être recherché et les actions menées à cette fin doivent être notées dans le dossier du patient.

Conclure : choix de la mesure de soins

Il s’agit de conclure en indiquant si des soins sont nécessaires et, le cas échéant, préciser les raisons pour lesquelles l’état de la personne nécessite des soins psychiatriques sans consentement, ainsi que la forme de la prise en charge adaptée (maintien de la mesure, levée de la mesure, modification de la mesure [programme de soins/hospitalisation complète]) et ses modalités.

 

Dispositions spécifiques selon les procédures

Les certificats et avis médicaux doivent préciser clairement le cadre légal dans lequel ils ont été établis.

  • SPI - en cas de danger ou péril imminent, le médecin doit en sus :
    • expliciter en quoi l’état de santé de la personne représente un péril ;
    • justifier en quoi ce péril est imminent ;
    • justifier en quoi l’état de santé de la personne représente un danger pour elle-même.

 

  • SDTU - en cas de risque grave d’atteinte à l’intégrité de la personne, le médecin doit :
    • expliciter le risque grave et les modalités d’atteinte à l’intégrité de la personne.

 

  • SDRE - le médecin doit :
    • décrire les caractéristiques des troubles mentaux qui nécessitent des soins et qui permettront au préfet de considérer qu’ils compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public ;
    • exposer les éléments de fait qui permettront au préfet de considérer qu’il existe un trouble à l’ordre public ;
    • indiquer les dates d’admission en SDRE et les dates des programmes de soins en cas de réintégration en hospitalisation complète (suite aux exigences de l’avis de la Cour de cassation de juillet 2016).

Ces informations peuvent être assorties d’éléments factuels constatés par le médecin permettant au magistrat d’appréhender les motifs de la mesure et d’en apprécier la proportionnalité eu égard à l’atteinte qu’elle suppose aux libertés fondamentales de la personne.

 

 


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