Revue critique de la littérature sur la performance de la mammographie par tomosynthèse dans le dépistage organisé du cancer du sein - Volet 1
Le cancer du sein est le 2ème cancer le plus fréquent en France chez la femme avec 58 968 cas incidents de cancer du sein en 2018, 600 000 femmes prises en charge en 2015 pour un cancer du sein ("actif" ou "sous surveillance"). Le cancer du sein est la première cause de décès par cancer chez la femme en France et au 3ème rang des décès toutes causes, avec 12 146 décès estimés en 2018.
En 2018, le taux de participation au D.O. était de 50,3 % (avec 10 millions de femmes invitées au dépistage tous les deux ans). Ainsi, 2,6 millions femmes ont réalisé une mammographie dans le cadre du D.O.
La mammographie par tomosynthèse comporte une série de projections acquises selon différents angles (le couple source-détecteur décrivant un sur arc de cercle incomplet autour du sein), qui permet de reconstruire en trois dimensions l’image du sein grâce à un logiciel mathématique de reconstruction d’image. Elle est présentée comme une avancée technologique qui pourrait permettre d’améliorer la détection des cancers du sein en diminuant l'effet de superposition des tissus mammaires environnants. Bien que la mammographie tomosynthèse ne soit pas autorisée dans le D.O., une pratique de dépistage du cancer du sein avec la mammographie par tomosynthèse s’est développée en France dans le cadre de démarches individuelles.
L’Institut National du Cancer a saisi la HAS en 2017 pour qu’elle évalue la performance de la mammographie par tomosynthèse et la pertinence de son intégration dans le programme de dépistage organisé (D.O.) du cancer du sein chez les femmes à risque modéré.
L’objectif de ce volet 1 est de faire un état des lieux des données de la littérature publiées sur la performance de la tomosynthèse dans le dépistage du cancer du sein. Les données de la littérature disponibles sont très disparates (notamment concernant les protocoles d’études publiées, les populations incluses, les modalités de comparaison, la qualité des données, les résultats). L’analyse de ces données a permis d’apporter des éléments de réponse sur la performance de la mammographie par tomosynthèse, mais a également soulevé de nombreuses questions restées en suspens.
- Les éléments de réponse
- Les recommandations issues de pays disposant d’un D.O. ne préconisent pas d’utiliser en routine la mammographie par tomosynthèse, seule ou en association avec la mammographie numérique, dans le cadre d’un programme de dépistage organisé, principalement en raison du manque de données probantes ou de faible certitude.
- L’analyse critique de quatre méta-analyses, trois essais randomisés et trois études en crossover publiés au cours de ces cinq dernières années concorde sur le fait que la mammographie par tomosynthèse, en association à la mammographie numérique ou synthétique et en comparaison à la mammographie seule, augmenterait le taux de détection des cancers du sein.
- Les études ne sont pas homogènes en termes de qualité, de population incluse et de protocole, les résultats sont donc à interpréter avec prudence, en particulier concernant l’augmentation du taux de détection des cancers du sein invasifs, la diminution du taux de rappel, la diminution des faux positifs et l’augmentation de la valeur prédictive positive du dépistage. Certaines données suggèrent une augmentation du taux de détection des cancers du sein invasifs, une diminution du taux de rappel, une augmentation de la VPP du rappel et une diminution des faux positifs.
- Les questions en suspens
- L’analyse des données de la littérature disponible ne permet pas de savoir :
- si la mammographie par tomosynthèse aurait une performance intrinsèque et clinique, ainsi qu’une efficience supérieure ou égale au D.O. tel qu’il est mis en œuvre en 2019 en France ;
- quelle serait la place de la mammographie par tomosynthèse dans la procédure de dépistage du cancer du sein et selon quel protocole (échographie, mammographie synthétique, modalités de la seconde lecture) ;
- si le fait d’intégrer la tomosynthèse dans le D.O. permettrait d’améliorer le dépistage du cancer du sein, notamment en ce qui concerne le surdiagnostic et le surtraitement ;
- si, au regard des disparités de performance observées dans le D.O. tel qu’il est mis en œuvre en 2019 (du fait de la diversité des dispositifs de mammographie numérique et de leurs fabricants), la performance, la fiabilité et la sécurité de tous les dispositifs de tomosynthèse seraient équivalentes selon le dispositif et le fabriquant.
Ces questions en suspens, seront développées dans le cadre du volet 2 à venir, le volet 1 étant une étape préliminaire à l’évaluation de la pertinence, faisabilité, sécurité, efficience de l’intégration possible de la tomosynthèse dans le D.O., conformément à la méthodologie propre à la HAS de l’évaluation des programmes de dépistage.