Traitement endoscopique par dissection sous-muqueuse des cancers superficiels de l’œsophage
Objectif
L’objectif de ce rapport est d’évaluer l’efficacité et la sécurité de la technique de dissection sous-muqueuse (DSM) dans le cadre du traitement d’un cancer superficiel de l’œsophage jugé à faible risque d’envahissement ganglionnaire, en comparaison à la chirurgie (œsophagectomie) et à la mucosectomie, afin de statuer sur la pertinence de sa prise en charge par la collectivité.
Méthode
La méthode d’évaluation utilisée dans ce rapport est fondée sur l’analyse critique des données identifiées de la littérature scientifique et sur le recueil de la position argumentée des professionnels de santé ainsi que d’une association de patients en tant que parties prenantes. Une recherche bibliographique a été réalisée entre janvier 2007 et avril 2018, puis une veille a été conduite jusqu’en septembre 2018. Les parties prenantes ont été sollicitées en octobre 2018.
Résultats
L’analyse de la littérature a montré que les études disponibles et celles incluses dans les méta-analyses sont majoritairement de type rétrospectif et/ou non comparatives, à risque élevé de biais et ayant inclus des populations hétérogènes. Par ailleurs, la majorité des études incluses sont asiatiques, avec des caractéristiques de patients (ou de lésions), des modalités de prise en charge et d'expérience de l’équipe pouvant être différents ; l’extrapolation des résultats de ces études asiatiques à la pratique française peut ne pas être pertinente.
Compte tenu du faible niveau de preuve des données de la littérature disponible, il n’apparait pas possible d’émettre des conclusions précises et formelles sur la supériorité ni sur la non-infériorité de la DSM comparée à la chirurgie ou à la mucosectomie.
Cependant, il a été souligné par les parties prenantes que dans le cadre du traitement d’un cancer encore au stade superficiel et à faible risque d’envahissement ganglionnaire, l’un des avantages majeurs de la DSM par rapport à la chirurgie est la préservation de l’organe qui permet d’éviter les séquelles fonctionnelles liées à l’exérèse chirurgicale. Comparée à la mucosectomie, la DSM permet une résection en bloc des lésions et par conséquent une analyse anatomopathologique précise des pièces réséquées qui est une phase déterminante de la prise en charge du patient. La DSM permet par ailleurs l’accès à un traitement de résection oncologique chez les patients présentant des contre-indications à la chirurgie. Il a également été souligné par les parties prenantes que le maintien d’une surveillance est justifié que cela soit après une DSM ou une œsophagectomie en raison des risques de survenue des récidives (notamment des lésions métachrones).
Conclusion
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la HAS considère que la DSM peut être une alternative de traitement d’un cancer superficiel de l’œsophage jugé à faible risque d’envahissement ganglionnaire, sous réserve que la réalisation de l’acte soit encadrée telle que le définit l’article L.1151-1 du code de la santé publique, selon les préconisations suivantes :
- structure : centre de référence ou centre expert ;
- plateaux techniques : centre d’endoscopie de niveau 3 ;
- qualification de l’opérateur : formations initiales et complémentaires requises (médecin hépato-gastroentérologue ou chirurgien viscéral, qualifié en endoscopie digestive interventionnelle) et formation spécifique à la technique de DSM ;
- composition de l’équipe : un opérateur qualifié, et notamment une équipe d’anesthésie et d’infirmier(e)s formé(e)s à l’endoscopie interventionnelle ;
- mise en place d’une procédure commune entre la structure et le centre qui réalise l’examen anatomopathologique afin d’assurer le conditionnement immédiat de la pièce d’exérèse et son acheminement dans les conditions nécessaires pour garantir la qualité de l’analyse de la pièce réséquée ;
- mise en place d’un registre obligatoire pour le recueil exhaustif des données sur l’innocuité et sur l’efficacité à long terme de la DSM et pour garantir la bonne tenue d’une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) qui doit inclure au moins un gastroentérologue endoscopiste digestif interventionnel, un chirurgien digestif, un anatomopathologiste et un anesthésiste-réanimateur.
La Haute Autorité de santé préconise que le choix entre les différentes modalités de traitement repose sur une décision médicale partagée entre les professionnels de santé et le patient. Cette décision doit se fonder sur une information claire et loyale des patients sur l’ensemble des techniques disponibles en tenant compte des incertitudes relatives à la valeur ajoutée de l’acte de dissection sous-muqueuse, ainsi que des données de suivi des patients traités, notamment sur le long terme.
La Haute Autorité de santé recommande par ailleurs la réévaluation dans trois ans des données sur la sécurité de la DSM issues du registre obligatoire.
La Haute Autorité de santé préconise la réalisation d’une étude prospective comparative avec un suivi au long cours des patients et une réévaluation de l’efficacité et de la sécurité de la DSM à cinq ans à partir des résultats issus de cette étude.