Quelle place pour les benzodiazépines dans l’anxiété ?
L’essentiel
- Les benzodiazépines ne doivent pas être banalisées:
- elles sont efficaces sur une courte période,
- elles ne traitent pas les causes de l’anxiétémais ses symptômes,
- elles sont responsables de nombreux effets indésirables aux conséquences parfois graves.
- Les traitements non médicamenteux proposés dans l’anxiété doivent précéder la prescription de benzodiazépines.
- Leur utilisation doit respecter :
- la dose minimum utile,
- une durée brève d’utilisation qui ne doit pas excéder 12 semaines,
- l’information au patient sur les conditions du traitement, les effets indésirables, les précautions à respecter, les modalités d’arrêt et la réévaluation programmée de son intérêt,
- l’anticipation de la réévaluation de la situation du patient et des modalités de fin de traitement dès la première prescription.
- L’arrêt d’un traitement prolongé par benzodiazépines doit toujours être envisagé. Sa mise en œuvre doit être progressive.
Il est rappelé que toutes les benzodiazépines ne sont pas indiquées pour prendre en charge à la fois l’anxiété et l’insomnie. Il existe une fiche de bon usage du médicament dédiée à l’utilisation des benzodiazépines dans l’insomnie : « Quelle place pour les benzodiazépines dans l’insomnie ? »
Quelles sont les benzodiazépines concernées ?
Il s’agit de 11 benzodiazépines par voie orale indiquées dans le « traitement des manifestations anxieuses sévères et / ou invalidantes ». (Certains de ces médicaments possèdent également d’autres indications non concernées par ce document).
Cette indication regroupe deux situations distinctes :
- les manifestations anxieuses liées à un trouble anxieux (trouble anxieux généralisé, trouble panique [avec ou sans agoraphobie], trouble de l’anxiété sociale ou phobie sociale, trouble obsessionnel compulsif [TOC] état de stress post-traumatique),
- les manifestations anxieuses liées à un trouble de l’adaptation (ensemble de syndromes de réponse au stress qui se développent après un événement de vie difficile).
Dénomination Commune Internationale (DCI) | Spécialité | Demi-vie |
Clotiazépam | VERATRAN | 4h |
Oxazépam | SERESTA | 8 h |
Alprazolam | XANAX* | 10 -20 h |
Lorazépam | TEMESTA* | 10 -20 h |
Bromazépam | LEXOMIL* | 20 h |
Clobazam | URBANYL | 20 h |
Clorazépate dipotassique | TRANXENE | 20 h |
Nordazépam | NORDAZ | 30 - 150 h |
Prazépam | LYSANXIA* | 30 - 150 h |
Diazépam | VALIUM* | 32 - 47 h |
Loflazépate d'éthyle | VICTAN | 77 h |
* Spécialités génériquées
Quand et comment prescrire une benzodiazépine ?
- Les benzodiazépines anxiolytiques ne doivent être prescrites qu’en cas de retentissement important des manifestations anxieuses sur le fonctionnement quotidien et la qualité de vie, selon des règles strictes de prescription.
- La mise en place de règles d’hygiène de vie favorable, la prise en charge des causes de l’anxiété et les traitements non médicamenteux proposés dans cette indication doivent précéder la prescription de benzodiazépines (le traitement de fond des troubles anxieux repose lui sur les psychothérapies et des options thérapeutiques validées, essentiellement des antidépresseurs).
- Le traitement doit être aussi bref que possible. L’indication doit être réévaluée régulièrement. La durée globale du traitement ne devrait pas excéder 8 à 12 semaines pour la majorité des patients, y compris la période de réduction de la posologie.
- Le traitement sera instauré à la dose efficace la plus faible et la dose maximale ne sera pas dépassée. Elle doit être ensuite adaptée individuellement.
- Les conditionnements contenant le moins d’unités de prises sont à privilégier.
Règles de prescription des benzodiazépines
- Evaluer la situation du patient :
- rechercher et prendre en charge spécifiquement une dépression ou un trouble psychiatrique à l’origine des manifestations anxieuses,
- rechercher une origine somatique (hyperthyroïdie, hyperparathyroïdie, phéochromocytome…) ou toxique (caféine, stimulants, alcool, drogues…) des symptômes anxieux, confirmer la nécessité du traitement symptomatique par une benzodiazépine anxiolytique.
- écarter le risque de mésusage en repérant les patients à risques à l’aide d’outils validés (Cf. Pour aller plus loin).
- Limiter la prescription à 12 semaines. Dans l’anxiété et l’insomnie, les benzodiazépines ont montré leur efficacité sur des durées brèves de traitement. Elles perdent leur intérêt thérapeutique en cas de traitement prolongé qui, dans la plupart des cas, devient injustifié alors qu’en parallèle les effets indésirables persistent.
- Toute prescription de benzodiazépine doit s’accompagner d’une réévaluation clinique rapprochée dans les jours suivants l’instauration du traitement pour juger de son efficacité et anticiper une fin de traitement adaptée.
- Débuter par les doses les plus faibles adaptées à la situation clinique de chaque patient.
- Ne pas associer plusieurs benzodiazépines anxiolytiques ou hypnotiques.
- Dès l’instauration d’un traitement par benzodiazépine, expliquer au patient :
- la durée du traitement
- les modalités d’arrêt,
- les risques associés : sédation, dépendance, interaction avec l’alcool, risque de la conduite automobile, risques de chutes.
- En complément du traitement par benzodiazépine :
- expliquer et vérifier le respect des règles hygiéno-diététiques,
- proposer une prise en charge psychologique adaptée.
- Ne pas reconduire une prescription sans réévaluation régulière de sa nécessité.
- Arrêter progressivement le traitement.
Le choix d’une benzodiazépine est fonction :
- du profil du patient
- de la demi-vie, du délai et de la durée d’action du produit ;
- du risque d'interactions médicamenteuses, notamment avec d’autres psychotropes (éviter de cumuler plusieurs médicaments psychotropes) ;
- de l’état physiologique du patient (âge, état rénal et hépatique, antécédents psychiques) ;
- du type d’activités susceptibles d’être pratiquées par le patient au décours de la prise.
Le patient doit être informé des conditions du traitement, de ses effets indésirables et des précautions à respecter. En particulier, il doit être informé de l’efficacité uniquement sur les symptômes de ces médicaments, des risques de troubles de la mémoire, de somnolence, de troubles du comportement et de chute ainsi que de phénomènes de tolérance pharmacologique et de dépendance.
Comment arrêter un traitement ?
Dès l’instauration du traitement, le médecin doit anticiper et expliquer au patient la durée du traitement et ses modalités d’arrêt.
Chez les utilisateurs au long cours, quelle que soit la stratégie choisie, en ambulatoire ou à l’hôpital, avec ou sans prise en charge spécialisée, l’arrêt doit toujours être progressif, particulièrement chez les utilisateurs au long cours ou recevant des posologies élevées, en raison du risque de syndrome de sevrage et d’effets rebonds. Les traitements très brefs (2 à 5 jours) ne nécessitent pas d’arrêt progressif.
Bien que l’objectif soit l’arrêt complet, l’obtention d’une diminution de la posologie doit déjà être considérée comme un résultat favorable. Si la stratégie d’arrêt échoue, il est recommandé d’encourager le patient à recommencer ultérieurement après évaluation des raisons de l’échec.
La stratégie d’arrêt peut s’appuyer sur les outils validés mis à disposition (cf. Pour aller plus loin).
Le cas particulier du sujet âgé
- Dans le cadre nosologique particulier d’un trouble anxieux généralisé isolé, la prise en charge repose sur un antidépresseur et/ou sur une thérapie cognitivo-comportementale (TCC). Qu’il s’agisse de symptômes anxieux associés à une maladie ou des troubles anxieux avérés, un soutien psychologique du patient et de son entourage, un suivi rapproché assorti d’une évaluation régulière de l’efficacité et de la tolérance des traitements sont nécessaires.
- La prescription de benzodiazépine anxiolytique doit être particulièrement prudente et respecter les règles de prescription (voir encadré supra), notamment maintenir une faible posologie et réévaluer régulièrement la nécessité du traitement, son efficacité et sa tolérance.
- Les benzodiazépines à demi-vie longue sont considérées comme inappropriées chez les sujets âgés, du fait d’un surrisque iatrogénique. La réévaluation des prescriptions des benzodiazépines à demi-vie longue doit en premier lieu conduire à se réinterroger sur les diagnostics à l’origine de la prescription et étudier l’ensemble des alternatives non médicamenteuses.
- Chez le sujet âgé, il est généralement recommandé de réduire la posologie, de moitié par exemple. L’effet pharmacologique des benzodiazépines apparait plus important chez le sujet âgé que le sujet jeune à des concentrations plasmatiques similaires.
- La prescription de benzodiazépines chez la personne âgée doit tenir compte de différents paramètres :
- l’absence d’étude ayant évalué spécifiquement l’efficacité des benzodiazépines dans cette population ;
- les modifications pharmacocinétiques et pharmacodynamiques liées à l’âge ;
- la plus grande fréquence de comorbidités et de polymédication ;
- la sensibilité accrue des personnes âgées aux effets indésirables des benzodiazépines incluant le risque de chutes, de perturbations cognitives et de réactions paradoxales.
Autres populations particulières
- Les benzodiazépines et assimilés ne doivent pas être utilisés chez les enfants et les adolescents de moins de 18 ans sans une évaluation minutieuse de la nécessité du traitement.
- Chez l’enfant, l’insuffisant rénal ou hépatique, il est recommandé de réduire la posologie, de moitié par exemple.
- De manière générale, il n’est pas recommandé d’utiliser des benzodiazépines chez les patients présentant un trouble cognitif psychique ou neurologique.
Abus, dépendance et syndrome de sevrage
Tout traitement par benzodiazépines ou apparentés, et plus particulièrement en cas d’utilisation prolongée, peut entrainer un état de pharmacodépendance physique et psychologique. La plus grande prudence est recommandée en cas d’antécédents d’alcoolisme ou d’autres dépendances, médicamenteuses ou non.
- Toute prescription doit préalablement écarter le risque de mésusage du patient en repérant les patients à risques de mésusage (addiction) à l’aide d’outils validés (Cf. Pour aller plus loin).
- Les principales contre-indications sont à respecter lors de la prescription de benzodiazépines notamment : le syndrome de l’apnée du sommeil, la myasthénie, la dépression respiratoire sévère.
Données cliniques générales
Efficacité
L’efficacité des benzodiazépines anxiolytiques a été évaluée dans plus d’une cinquantaine d’études, principalement dans le trouble anxieux généralisé et le trouble panique. Les benzodiazépines les plus étudiées ont été : alprazolam, diazépam et lorazépam.
Les études ont le plus souvent été conduites sur des durées courtes, inférieures à 12 semaines bien que quelques données non comparatives soient disponibles sur des durées plus longues.
Aucune donnée ne permet de conclure à une différence d’efficacité entre les benzodiazépines.
Effets indésirables
Les principaux effets indésirables associés à l’usage des benzodiazépines et molécules apparentées sont des troubles de la mémoire, une baisse de vigilance voire une somnolence, des troubles du comportement et un risque accru de chutes en particulier chez le sujet âgé. Des données épidémiologiques ont montré une association entre la consommation de benzodiazépines et un risque de démence, de type Alzheimer. Il ne s'agit pas d'un lien causal mais d'une association.
L’utilisation de benzodiazépines expose à une augmentation possible de la somnolence et de l’altération des fonctions psychomotrices. L’altération de la vigilance peut rendre dangereuse la conduite de véhicules. Les conducteurs de véhicules doivent être prévenus du risque possible de somnolence, d’allongement du temps de réaction, de vertiges, de torpeur, de vision floue ou double, et d’une diminution de la vigilance persistante au matin suivant la prise du traitement.
L’exposition prolongée aux benzodiazépines et molécules apparentées expose à un risque de tolérance pharmacologique et de dépendance psychique et physique.
Les données ne permettent pas de conclure à une différence sur la survenue d’effets indésirables en fonction des caractéristiques pharmacocinétiques des produits.
Intérêt clinique
Le service médical rendu* par les benzodiazépines anxiolytiques est important dans le traitement des manifestations anxieuses sévères et/ou invalidantes.
* Le service médical rendu par un médicament (SMR) correspond à son intérêt en fonction notamment de ses perforomances cliniques et de la gravité de la maladie traitée. La Commission de la Transparence de la HAS évalue le SMR, qui peut être important, modéré, faible ou insuffisant pour que le médicament soit pris en charge par la collectivité.
Pour aller plus loin
- Arrêt des benzodiazépines et médicaments apparentés : démarche du médecin traitant en ambulatoire. HAS ; 2015. Disponible sur : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2015-11/arret_des_benzodiazepines_et_medicaments_apparentes_demarche_du_medecin_traitant_en_ambulatoire.pdf
- Comment améliorer la qualité et la sécurité des prescriptions de médicaments chez la personne âgée ? HAS ; 2014. Disponible sur : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2014-12/comment_ameliorer_la_qualite_et_la_securite_des_prescriptions_de_medicaments_chez_la_personne_agee.pdf
- Échelle cognitive d’attachement aux benzodiazépines – échelle ACAB. HAS ; 2007. Disponible sur : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2007-03/echelle_acab.pdf