Évaluation des Stratégies de dépistage de la trisomie 21
L'objectif de ce travail était de mener une réflexion sur l'opportunité d'une modification de la stratégie de dépistage de la trisomie 21 en France.
La trisomie 21, ou syndrome de Down, est la plus fréquente des anomalies chromosomiques. Elle est due à la présence d’un chromosome 21 surnuméraire et peut se traduire par de multiples malformations anatomiques, un phénotype particulier et une déficience mentale plus ou moins sévère. Le dépistage prénatal vise à fournir aux femmes enceintes qui le souhaitent, les éléments d’information les plus fiables sur le niveau de risque de trisomie 21 fœtale de la grossesse en cours.
En France, depuis 1997, le dépistage prénatal de la trisomie 21 repose sur le dosage d’au moins deux marqueurs sériques maternels, réalisé entre la 15ème et la 18ème semaine d’aménorrhée. Les pratiques de dépistage se sont cependant progressivement diversifiées au-delà du cadre défini par la réglementation avec l’utilisation de la mesure échographique de la clarté nucale au 1er trimestre. La coexistence de différentes stratégies de dépistage conduit à un taux d’amniocentèse de l’ordre de 11%. Or ces examens diagnostiques invasifs sont à l’origine de pertes fœtales et d’anxiété pour les femmes. Il est apparu nécessaire de clarifier la situation actuelle afin que soient maintenues les conditions d’un consentement libre et éclairé au dépistage de la trisomie 21.
La HAS recommande de proposer aux femmes enceintes un dépistage combiné du 1er trimestre de la grossesse, réalisé entre 11+ 0 et 13 + 6 semaines d’aménorrhée, associant mesure de la clarté nucale et dosage des marqueurs sériques du 1er trimestre.
Ce dépistage doit être assorti d’un programme d’assurance qualité dans le domaine de la mesure de la clarté nucale. L’application de cette stratégie n’entraîne pas la suppression du dépistage par les marqueurs sériques du 2ème trimestre. La HAS juge nécessaire de conserver cette stratégie pour les femmes qui n’auraient pu bénéficier du dépistage combiné du 1er trimestre pour des raisons de délais ou parce qu’une mesure adéquate de la clarté nucale n’aurait pu être réalisée.
La HAS considère que la proposition de réalisation d’un diagnostic prénatal d’emblée pour les femmes de 38 ans et plus, sans offre de recours préalable au dépistage, n’est plus justifiée. Les stratégies de dépistage permettent en effet d’obtenir, dans ces tranches d’âge, des taux de détection très élevés tout en assurant une diminution majeure des taux de prélèvements fœtaux.
Quelle que soit la stratégie envisagée, la HAS insiste sur la nécessité de proposer des supports d’information adaptés sur les stratégies proposées pour les femmes. La modification des stratégies de dépistage implique également un effort d’information et de formation en direction des professionnels de santé impliqués dans le suivi des grossesses.
Enfin, l’impact des changements de stratégie de dépistage devra faire l’objet d’une évaluation en population.
Synthèse
La trisomie 21 ou syndrome de Down est la plus fréquente des anomalies chromosomiques. Elle est due à la présence d’un chromosome 21 surnuméraire et peut se traduire par de multiples malformations anatomiques, un phénotype particulier et une déficience mentale plus ou moins sévère. La prévalence de la trisomie 21 augmente avec l’âge maternel (prévalence totale de 7/10 000 grossesses à 20-24 ans versus 59/10 000 grossesses à 35 ans et plus, selon les données des 23 registres européens Eurocat en 2002).
Pour identifier les fœtus atteints de trisomie 21, le diagnostic prénatal, fondé sur l’établissement du caryotype fœtal à partir du prélèvement de cellules fœtales, s’est développé il y a une trentaine d’années. Toutefois, en raison des risques associés aux techniques de prélèvement de cellules fœtales (perte fœtale essentiellement), du nombre limité de laboratoires de cytogénétique et du coût des examens, le diagnostic prénatal de la trisomie 21 n’a été proposé de façon systématique à toutes les femmes enceintes dans aucun pays et c’est le dépistage prénatal qui a alors été développé.
Le dépistage prénatal vise à fournir aux femmes et aux couples qui le souhaitent les éléments d’information les plus objectifs sur le niveau de risque de trisomie 21 fœtale de la grossesse en cours. Il comprend l’ensemble des techniques qui permettent de distinguer les femmes à risque élevé, à qui un geste à visée diagnostique sera proposé, des femmes à bas risque. Un résultat supérieur au seuil de risque choisi n’indique pas la présence d’un fœtus atteint mais ouvre la possibilité, dans le cadre de la prise en charge par l’Assurance maladie, de réaliser le diagnostic par l’étude du caryotype fœtal, à partir des cellules fœtales prélevées par amniocentèse, choriocentèse ou cordocentèse. La particularité de ce dépistage prénatal est liée au choix proposé en cas de diagnostic positif, l’interruption ou la poursuite de la grossesse. La nature même de cette alternative et les souffrances morales et difficultés déontologiques entourant la décision donnent une dimension éthique majeure au dépistage prénatal de la trisomie 21. Dans ces conditions, toutes les solutions de prise en charge et d’accueil des enfants atteints de trisomie 21 doivent être préservées et proposées systématiquement.
Depuis le milieu des années 1970, les pays développés ont mis en place différentes politiques d’accès au diagnostic prénatal de la trisomie 21. Initialement fondées sur l’âge maternel, ces politiques ont ensuite évolué à la suite de la découverte de différents marqueurs dans le sang maternel et de l’identification de signes échographiques permettant l’élaboration de nouvelles stratégies de dépistage plus performantes.
Depuis 1997, le dépistage prénatal de la trisomie 21 fait l’objet d’un encadrement réglementaire en France. Le dosage d’au moins deux marqueurs sériques (l’hCG ou la sous-unité libre β-hCG et l’AFP ou l’oestriol) doit être proposé systématiquement à toute femme enceinte. Il ne peut être réalisé qu’entre les 15e et 18e semaines d’aménorrhée et uniquement dans des laboratoires autorisés. Lorsque le risque estimé de trisomie fœtale est au-delà du seuil de risque fixé à 1/250 au moment du dépistage, une amniocentèse pour caryotype fœtal est proposée à la femme (prise en charge par l’Assurance maladie). Amniocentèse et caryotype fœtal sont également remboursés chez les femmes de 38 ans ou plus, et en cas d’anomalie échographique.
Les pratiques de dépistage de la trisomie 21 se sont progressivement diversifiées au-delà du cadre défini par la réglementation. En effet, parallèlement aux marqueurs sériques du 2e trimestre, l’échographie du 1er trimestre s’est imposée progressivement comme un test de dépistage des aneuploïdies, dont la trisomie 21, par la mesure de la clarté nucale. La coexistence de ces stratégies de dépistage conduit, en France, à un taux d’amniocentèses de l’ordre de 11 %. Or ces examens diagnostiques invasifs sont à l’origine de pertes fœtales (taux de pertes fœtales liées à l’amniocentèse estimé entre 0,5 et 1 %) et génèrent une anxiété pour les femmes qui y ontrecours
En parallèle et alimentant l’évolution des pratiques, de nouvelles stratégies de dépistage de la trisomie 21 ont été envisagées, étudiées et proposées depuis le milieu des années 1990. L’objectif partagé par ces nouvelles approches était d’améliorer la performance du dépistage prénatal de la trisomie 21, c’est-à-dire d’obtenir des taux de détection plus élevés tout en limitant les taux de faux positifs, de façon à réduire le nombre d’actes invasifs nécessaires. Deux voies d’évolution ont fait l’objet d’un intérêt particulier :
- la réalisation d’un dépistage prénatal de la trisomie 21 plus précocement dès le 1er trimestre de la grossesse grâce au dosage de deux nouveaux marqueurs sériques (PAPPA et fraction libre de la β-hCG) et à la mesure échographique de la clarté nucale ;
- la combinaison des différents marqueurs mesurables au 1er et au 2e trimestre dans des stratégies intégrées permettant d’obtenir un seul niveau de risque à partir de l’ensemble de l’information disponible.
Ces avancées rendent plus complexe le choix offert aux femmes et aux couples. Il apparaît nécessaire de clarifier la situation actuelle afin que soient maintenues les conditions d’un consentement libre et éclairé au dépistage de la trisomie 21. À cette fin, la Direction générale de la santé, rejointe par le Collectif interassociatif autour de la naissance et le Collège national des gynécologues et obstétriciens français, a chargé la HAS d’évaluer la place des nouvelles stratégies de dépistage de la trisomie 21 débutant au 1er trimestre de la grossesse.
Les cibles professionnelles prioritaires de cette recommandation en santé publique sont les médecins généralistes, les gynécologues-obstétriciens, les gynécologues médicaux, les sagesfemmes, les cytogénéticiens, les biologistes agréés pour le dépistage de la trisomie 21, les radiologues réalisant des échographies obstétricales et tous les professionnels des CPDPN.