Prescription médicamenteuse par téléphone (ou téléprescription) dans le cadre de la régulation médicale
Ces recommandations ont été rédigées par la HAS à la demande de la DHOS. Elles ont pour objectif de définir des bonnes pratiques en matière de prescription médicamenteuse par téléphone (téléprescription) dans le cadre de la régulation médicale, afin :
- de garantir l'homogénéité de cette pratique et la qualité de la réponse apportée aux patients sur tout le territoire ;
- d’améliorer le délai d'accès aux médicaments pour les patients qui doivent en disposer rapidement ;
- de sécuriser les professionnels impliqués quant à leur responsabilité lors de cette activité ;
- de permettre la production de supports de formation des médecins concernant cette pratique.
Messages clés
- Ces recommandations ne concernent que la prescription médicamenteuse dans le cadre de la régulation médicale.
- Sont exclus du cadre de ces recommandations, les conseils thérapeutiques concomitants à l’engagement d’un moyen d’intervention par le médecin régulateur
La régulation médicale des appels permet de garantir à la population une écoute médicale permanente afin de déclencher la réponse la mieux adaptée à la nature des appels et de permettre si besoin l’accès immédiat aux soins.
Dans ce contexte, en cas de prescription par téléphone, certaines spécificités de la régulation médicale doivent être prises en compte :
- le médecin ne connaît pas le patient ;
- l’appelant peut ne pas être le patient ;
- le médecin prescripteur ne peut pas procéder à un examen physique ;
- la prescription par téléphone peut être envisagée en cas de classification de degré d’urgence R3 ou R4¹
Après l’examen de la situation et l’analyse de l’état du patient avec les informations dont il dispose par téléphone, le médecin régulateur identifie le niveau de gravité de l’urgence.
En fonction de ce niveau de gravité, il prend la décision de déclencher ou pas une intervention médicale par les moyens les plus appropriés.
S’il décide de ne pas déclencher de moyen, le médecin régulateur apprécie alors la nécessité ou non d’une prescription médicamenteuse par téléphone. En cas de doute, celui-ci doit bénéficier au patient.
¹ Voir Annexe 1
Les situations pour lesquelles une prescription médicamenteuse téléphonique lors de la régulation médicale pourrait être proposée sont les suivantes :
- demande de soins non programmés nécessitant un conseil médical ou thérapeutique pouvant aboutir à une prescription médicamenteuse (médicament présent ou absent de la pharmacie familiale), après avoir éliminé une urgence vitale ou une urgence vraie nécessitant un examen médical immédiat
- situations nécessitant en urgence l’adaptation d’une prescription préalable (par exemple adaptation des posologies en fonction des résultats d’analyses biologiques, de l’état clinique du patient, etc.) alors que le patient et/ou le médecin régulateur n’ont pu joindre le médecin prescripteur.
Elles nécessitent les conditions suivantes :
- le médecin régulateur s’est identifié auprès du patient ;
- le patient accepte une prescription médicamenteuse par téléphone et a bien compris les détails de l’ordonnance ou de la prescription ;
- le patient est informé qu’en cas de persistance des symptômes, de leur aggravation ou d’apparition de nouveaux symptômes, la situation doit être réévaluée par un rappel au médecin régulateur ou lors d’une consultation médicale ;
- la nécessité d’un retour auprès du médecin traitant, dans les plus brefs délais.
- une prescription pour une durée limitée et non renouvelable. La limite de temps doit être fonction de l’analyse par le médecin régulateur de la situation clinique du patient et de son environnement. Cette durée doit être la plus courte possible et en aucun cas elle ne peut dépasser 72 heures.
Ainsi, dès lors que le médecin régulateur a un doute sur le niveau de gravité de l’état du patient ou sur ses capacités de compréhension ou d’adhésion à la prescription, il est recommandé de ne pas faire de prescription par téléphone.
Quels médicaments peuvent être prescrits dans le cadre de la régulation médicale ?
L’information du patient est un élément essentiel de la prise en charge, elle comprend :
- les mesures non médicamenteuses pouvant être instaurées (à privilégier si possible) ;
- les modalités de prise d’un médicament et ses éventuels effets secondaires (à compléter par le pharmacien en cas de dispensation en officine) ;
- l’obtention du consentement du patient ;
- la vérification de la compréhension du patient (reformulation par le patient, compréhension de l’utilité de la prescription, de sa nature et sa durée, des conditions de délivrance et des consignes de surveillance).
Lors d’une prescription par téléphone :
- préférer les médicaments dont l’administration temporaire présente le moins de risque pour le patient ;
- conseiller de préférence un médicament disponible dans la pharmacie familiale et se limiter aux médicaments conditionnés sous forme unitaire tout en respectant la date et les conditions de péremption (en particulier pour les produits liquides reconstitués) ;
- vérifier que les présentations disponibles dans la pharmacie familiale sont bien adaptées à l’âge du patient.
- Ne pas prescrire par téléphone des médicaments stupéfiants ou soumis à la réglementation des stupéfiants (qui nécessitent une ordonnance sécurisée et une surveillance particulière du patient)
En cas de nécessité d’adaptation d’une prescription médicale antérieure et en l’absence du prescripteur initial :
- retracer l'anamnèse de la maladie, relire l’ordonnance du médecin prescripteur avec le patient et vérifier la bonne observance au traitement ;
- en cas de rupture d’un traitement chronique, conseiller au patient de se rendre à la pharmacie avec son ancienne ordonnance ;
- préciser au patient d’informer le médecin prescripteur habituel et/ou le médecin traitant dès que possible.
Modalités de la prescription médicamenteuse dans le cadre de la régulation médicale
Caractéristiques à évaluer en fonction de l’appelant et/ou du patient
- Évaluer la compréhension de l’appelant sur sa capacité à mettre en œuvre le traitement prescrit : en cas de doute éventuellement rechercher l’assistance d’un proche avec l’accord du patient.
- De préférence s’entretenir par téléphone directement avec le patient.
- Si l’appelant est un professionnel de santé (non médecin) : adapter la réponse aux compétences de l’appelant et vérifier que :
- le médecin en charge du patient ou le médecin de garde de l’établissement a été appelé préalablement ;
- l’appelant a pris connaissance de toutes les informations médicales dont il peut disposer concernant le patient, même les plus récentes ;
- les moyens de surveillance du patient ;
- la prescription sera mentionnée dans le dossier du patient et que le médecin en charge du patient en sera informé dès que possible.
Et rappeler qu’en cas d’aggravation ou de persistance des symptômes, l’appelant devra reprendre contact avec le centre de régulation ou le médecin en charge du patient
Quelles sont les modalités de la prescription médicamenteuse dans le cadre de la régulation médicale
Les informations indispensables à recueillir avant de prescrire
– Confirmation du nom et prénom du patient et son lien avec l’appelant ;
– âge et le sexe du patient ;
– antécédents d’allergie, grossesse ou allaitement en cours ;
– traitements en cours : les traitements au long cours éventuels, ceux prescrits récemment, ceux pris en automédication dans les dernières 24 h ;
– s’il y a déjà eu une consultation médicale pour les symptômes motivant l’appel.
- Et en cas de prescription accompagnée d’une ordonnance écrite :
- le poids déclaré du patient ;
- les coordonnées du médecin traitant, si possible ;
- le nom et l’adresse de la pharmacie qui aura été identifiée avec le patient (pharmacie de garde ou pharmacie choisie par le patient selon les possibilités) et où le médecin régulateur adressera l’ordonnance.
Les mentions obligatoires et les mentions complémentaires recommandées à faire figurer sur l’ordonnance
L’ordonnance écrite doit être transmise, à la pharmacie déterminée avec le patient, de préférence par courriel sécurisé et en cas d’impossibilité par télécopie.
Il est recommandé de rappeler à l’appelant de se munir de la carte Vitale du patient avant de se rendre à la pharmacie.
- Toute prescription faite par téléphone doit pouvoir être clairement identifiée comme telle en portant par exemple la mention « Téléprescription ».
- Le pharmacien doit pouvoir vérifier l’origine et l’identité du prescripteur. Ces informations doivent donc être mentionnées sur l’ordonnance écrite.
- Sur l’ordonnance écrite, faire figurer au minimum les mentions figurant dans le modèle type (voir annexe)
- En particulier : le nom commercial, la DCI, si besoin la forme galénique, et le dosage préconisé en fonction de l’âge et du poids du patient.
Comment s’assurer de la bonne compréhension de l’appelant ? Comment et de quoi informer le patient ? Et comment assurer la traçabilité de l’entretien téléphonique ?
Toute prescription doit se faire dans le respect de l’information et du consentement du patient et/ou de l’appelant.
- Pour s’assurer de la bonne compréhension de l’appelant :
- demander au patient/appelant de reformuler la prescription. La reformulation étant d’autant plus importante en cas de prescription sans support écrit,
- Si la reformulation n’est pas possible il est recommandé de renoncer à une prescription orale,
- En cas de prescription écrite transmise à une pharmacie, il peut éventuellement être demandé au pharmacien d’expliciter l’ordonnance au patient en rajoutant la mention : « ordonnance à expliquer au patient ou son entourage en vérifiant la bonne compréhension ».
- Le patient sera informé :
- qu’en cas de prescription écrite, il devra se déplacer dans la pharmacie définie d’un commun accord avec le médecin régulateur et le régulateur s’assurera auprès du patient que cela est possible ;
- que les communications reçues dans un centre de régulation sont enregistrées.
- Pour assurer la traçabilité de l’entretien téléphonique :
- les communications sont enregistrées et conservées selon la législation en vigueur ;
- toute prescription orale ou écrite devra figurer dans le dossier médical informatisé servant de support à la régulation médicale qui pourra par la suite être inclus dans le dossier médical personnel (DMP) dès que celui-ci sera opérationnel.
Pour assurer la confidentialité du transfert de l’ordonnance
- Préférer un envoi par courriel sécurisé chaque fois que cela est possible, un envoi par fax ne pouvant garantir une complète confidentialité.
Afin d’optimiser la coordination avec le pharmacien
Il est recommandé :
- que les centres de régulation disposent des calendriers de garde des pharmacies ;
- que des outils informatiques soient développés dans cet objectif, afin que pour chaque appel, le nom et les coordonnées de la pharmacie de garde apparaissent sur l’écran de saisie du centre d’appel en fonction de l’adresse du patient ;
- de préciser à l’appelant de prendre contact avec le pharmacien pour le prévenir de sa venue.
Modalités d’intervention particulières lorsque le patient est un enfant
- Mentionner systématiquement dans le dossier informatique : l’âge, le poids déclaré actuel de l’enfant et le type de relation qui lie l’appelant au patient.
- En cas de prescription dans la pharmacie familiale, rappeler à l’appelant de toujours utiliser des présentations pédiatriques unitaires et de ne se servir que des cuillers, pipettes, dosettes ou seringues fournies par le fabricant avec le médicament et présentes dans l’emballage.
- Lorsque cela est possible, conseiller un médicament déjà pris par l’enfant dans le passé.
- Chez l’enfant de moins de 1 an il est recommandé de privilégier l’examen médical.
- Chez l’enfant de moins de 3 mois, il est recommandé de s’abstenir de toute prescription médicamenteuse téléphonique.
- En cas d’appel pour un patient mineur, vérifier auprès de l’appelant qu’il détient l’autorité parentale et dans le cas contraire, que celui qui la détient ne peut être joint dans le cadre de l’urgence.
Comment assurer le suivi médical de la prescription médicamenteuse dans le cadre de la régulation médicale ?
- Mentionner toute prescription, avec ou sans ordonnance écrite, dans le dossier de régulation médicale qui doit être accessible à tous les médecins régulateurs qui seraient amenés à prendre le relais du prescripteur.
- Préciser au patient qu’il devra informer son médecin traitant de cette prescription par téléphone et lui transmettre l’éventuelle ordonnance.
- Favoriser la mise en place d’outils informatiques au niveau des centres de régulation permettant l’envoi de courriers automatisés.
Enfin, dès lors qu’il en a été informé, le suivi de la prescription relève de la compétence du médecin traitant, ou d’un autre médecin auquel elle serait notifiée.
Pour l’analyse des pratiques professionnelles
- Lors d’une prescription écrite, afin de pouvoir assurer le suivi, et confirmer au médecin régulateur la délivrance du traitement, il est recommandé que le pharmacien, après avoir effectué la dispensation du ou des médicaments, renvoie l’ordonnance par messagerie électronique ou par télécopie au centre de régulation.
- Il est recommandé que soient archivés au centre de régulation :
- l’ordonnance téléprescrite ;
- le récépissé d’envoi de ladite ordonnance ;
- une copie de l’ordonnance validée retournée par le pharmacien.
- l’ordonnance téléprescrite ;
Annexe 1. Classification des degrés d'urgence dans la régulation
Pour clarifier la classification des degrés d'urgence dans la régulation, SAMU de France a proposé l’échelle suivante.
Les médecins régulateurs assument des décisions réparties en 4 niveaux d’urgence :
- R1 = urgence vitale patente ou latente imposant l’envoi d’un moyen de réanimation (SMUR) ;
- R2 = urgence vraie sans détresse vitale nécessitant l’envoi d’un médecin de proximité ; d’une ambulance ou d’un VSAV dans un délai adapté contractualisé entre le régulateur, l’effecteur et l’appelant ;
- R3 = recours à la permanence des soins, le délai ne constituant pas un facteur de risque en soi, une prescription médicamenteuse d’attente peut être proposée ;
- R4 = conseil médical ou prescription médicamenteuse par téléphone.
Annexe 2. Modèle d’ordonnance