Évaluation de l’analyse chromosomique sur puce à ADN (ACPA) en cancérologie
Contexte - Objectifs
La technique d’analyse chromosomique sur puce à ADN (ACPA) est une technique de cytogénétique moléculaire qui permet de détecter des variations quantitatives du génome, correspondant à des pertes ou gains de matériel chromosomique (délétions, duplications, insertions, anomalies de nombre de chromosomes…), ceci à l’échelle de l’ensemble du génome et avec une résolution très supérieure à celle du caryotype conventionnel considéré comme la technique de référence depuis les années 1960. L’ACPA étant actuellement prise en charge par une modalité particulière et transitoire (« Liste complémentaire du Référentiel des actes innovants hors nomenclature »), elle a fait l’objet d’une demande d’évaluation par la HAS, conjointement par le ministère de la santé et l'assurance maladie, en vue d’une prise en charge par une modalité plus pérenne (« Nomenclature des actes de biologie médicale »).
A l’heure actuelle, l’ACPA semble utilisée dans différents contextes médicaux, parmi lesquels la cancérologie[1], bien que les indications potentielles tout comme les objectifs de son utilisation dans ce domaine d’application n’apparaissent pas clairs d’emblée. Dans ce contexte, il a été décidé de limiter le champ de l’évaluation aux cancers pour lesquels une utilisation de l’ACPA a été rapportée par l’Institut national du cancer (INCa) en 2017, à savoir les sarcomes, neuroblastomes, gliomes, leucémies aiguës lymphoblastiques (LAL), leucémies aiguës myéloïdes (LAM), et leucémies lymphoïdes chroniques (LLC).
Sur ces bases, les principaux objectifs de la présente évaluation ont été de déterminer, d’une part, à quelles fins (diagnostiques, pronostiques et/ou thérapeutiques) l’ACPA est utilisée en pratique courante dans les contextes cancéreux susmentionnés et, d’autre part, la place de l’ACPA au regard des techniques plus classiquement utilisées dans ces situations cliniques.
Méthode
La méthode utilisée pour la présente évaluation a reposé sur une analyse critique des recommandations de bonne pratique (identifiée par une recherche systématique) de stratégie diagnostique, pronostique et/ou thérapeutique de prise en charge des patients dans les contextes cancérologiques choisis, et sur la position argumentée de différents Conseils nationaux professionnels auditionnés en tant que parties prenantes (Oncologie médicale, Neurochirurgie, Hématologie, Pédiatrie et Génétique).
Conclusions
Au total, en se fondant sur les données de littérature et les positions argumentées des CNP, les conclusions de la HAS sont les suivantes :
- l’ACPA fait partie d’un panel de techniques de cytogénétique et génétique moléculaire (caryotype, FISH, MLPA, RT-qPCR, NGS ciblé…) qui présentent toutes des avantages et limites spécifiques, mais dont la combinaison appropriée permet de mener à bien la recherche des multiples anomalies génétiques, de diverses natures et dont le nombre croît régulièrement, recherche d’ores et déjà intégrée par les professionnels à la prise en charge courante des patients atteints par certains des cancers évalués. L’ACPA participe ainsi à répondre à des objectifs diagnostique, pronostique et/ou thérapeutique. De par sa capacité à détecter conjointement en une seule technique et avec une haute résolution les anomalies de nombre de copies (copy number variation, CNV) à l’échelle du génome entier, les anomalies de ploïdie et les pertes d’hétérozygotie (SNP array uniquement) elle n’a pas d’équivalent parmi les techniques actuellement inscrites à la NABM ;
- le séquençage (très) haut débit de l’exome et du génome entier offre certes la perspective de détecter en une seule technique tous les types d’anomalies d’intérêt et de rendre ainsi obsolètes la plupart des techniques actuelles, mais il n’est pour l’heure pas possible de déterminer dans combien de temps cette technologie pourrait en pratique se substituer aux techniques actuelles pour un usage courant (en l’état ACPA et MLPA pour la détection conjointe hautement résolutive d’un large panel de CNV) ;
- la HAS précise que, la présente évaluation concluant à l’intérêt de l’ACPA en tant que technique de cytogénétique présentant certains avantages spécifiques au sein d’un arsenal de techniques disponibles, il ne semble pas y avoir de rationnel à restreindre cette technique à une liste limitative de cancers (en l’occurrence une partie de ceux évalués dans ce rapport) dès lors qu’il est préconisé de rechercher des anomalies génétiques relevant des capacités de détection de l’ACPA pour prendre en charge ces cancers. L’ACPA apparaît alors indiquée dans les : « contextes cancérologiques pour lesquels une recherche simultanée et hautement résolutive d’un panel d’anomalies de nombre de copies (copy number variation) est nécessaire », en précisant que seule l’utilisation des puces de type SNP array est recommandée ;
- enfin, la HAS souligne que les contextes cancérologiques pour lesquels une utilisation de l’ACPA a pu être initialement identifiée, correspondent (quasiment) tous à des cancers rares. Cette particularité implique une prise en charge des patients par des centres experts et la centralisation des analyses génétiques avancées par un nombre limité de laboratoires de référence relevant a priori tous d’établissements de santé de type centres hospitalo-universitaires ou de lutte contre le cancer. Dès lors, si la HAS estime que l’ACPA trouve bien sa place en cancérologie dans les conditions précisées ci-dessus, elle s’interroge sur le mode de financement le plus adapté car, dans la situation ainsi décrite, une inscription sur la NABM n’apparaît pas d’emblée comme la modalité qui s’impose naturellement.
[1] : Les contextes de diagnostic pré et postnatal d’anomalies constitutionnelles seront traités dans d’autres rapports d’évaluation.