Violences : repérer, protéger, accompagner

 

Protéger un enfant maltraité fait partie des missions du médecin. Une consultation est l’occasion d’identifier une situation à risque ou des signes évocateurs de maltraitance.

 

L’essentiel

  • Protéger l’enfant est un acte médical et une obligation légale.
  • Les maltraitances peuvent également être repérées en dehors de signes physiques.

 

Consultation et examen clinique en cas de suspicion de maltraitance

Dans quel cas penser à une maltraitance ?

La maltraitance chez l’enfant touche toutes les classes sociales et des enfants de tous âges, y compris des nourrissons. Il existe des signes physiques ou comportementaux évocateurs mais il faut y penser en consultation, même devant des signes non spécifiques.

Comment mener la consultation pour confirmer le diagnostic de maltraitance ?

Diagnostiquer la maltraitance chez un enfant est un exercice difficile. Un examen clinique complet de l’enfant dévêtu et un entretien avec l’entourage et l’enfant, mené avec prudence, permet de recueillir un grand nombre d’informations.

Quels éléments rechercher lors de l’examen clinique ?

Un examen clinique complet de l’enfant dévêtu comprend :

  • la mesure des paramètres de croissance (périmètre crânien, taille, poids) ;
  • l’évaluation du développement psychomoteur et des capacités de l’enfant ;
  • un examen cutané rigoureux, à la recherche de traces de violence sur l'ensemble du corps ;
  • un examen des muqueuses (notamment de la cavité buccale à la recherche de lésions dentaires et des muqueuses ;
  • une palpation généralisée à la recherche de signes de fractures, d’hémorragie interne par atteinte viscérale (défense abdominale, douleur, masse…).

Des symptômes et signes physiques évocateurs d'une maltraitance

Une maltraitance est à évoquer :

  • Chez le nourrisson :
    • en cas de pleurs rapportés comme inconsolables par les parents qui se disent nerveusement épuisés ;
    • en cas de fractures en dehors d’un accident ou d’une chute de grande hauteur.
  • À tout âge devant :
    • des faits de maltraitance d’un enfant ou d’un adolescent, révélés par lui-même, par un parent ou par un tiers ;
    • une lésion pour laquelle :
      • il y a une incohérence entre la lésion observée et l'âge, le niveau de développement de l'enfant, le mécanisme invoqué,
      • l’explication qui est donnée change selon le moment ou selon la personne interrogée.
    • un retard de recours aux soins ;
    • des plaintes somatiques récurrentes sans étiologie claire (douleurs abdominales, céphalées) ;
    • des antécédents d’accidents domestiques répétés ;
    • une ou plusieurs tentatives de suicide ;
    • des fugues et conduites à risque ;
    • une chute des résultats scolaires, voire une déscolarisation ;
    • des faits de maltraitance dans la fratrie ;
    • des ecchymoses
      • certaines ecchymoses sont évocatrices d’une maltraitance, soit parce qu’elles sont importantes (multiples et d’âge différent ; de grande taille), soit parce qu’elles se distinguent des ecchymoses accidentelles (chez un enfant qui ne se déplace pas tout seul ; sur des parties concaves du corps ou des zones habituellement non exposées ; en forme d’objet ou de main). Les contusions (ecchymoses et hématomes) sont suspectes en l’absence de traumatisme retrouvé, quelle que soit leur localisation ;
    • des brûlures : certaines sont suspectes (à bord net pouvant résulter d’une immersion ; en forme de cigarette, d’appareil ménager ; abrasions dues à une contention par liens…) ;
    • des fractures multiples d’âge différent ;
    • des morsures ;
    • une lésion d'organe plein (foie et pancréas notamment) ou de viscère creux dont les circonstances de survenue ne sont pas claires, ou avec un mécanisme de survenue allégué incompatible avec la gravité de la lésion. Nausées, vomissements, abdomen chirurgical (douleur abdominale sévère), signes d’hémorragie interne (notamment pâleur),...

Durant l’examen clinique, le comportement* de l’enfant et de son entourage apporte aussi des informations.

*Les signes comportementaux sont évoqués plus bas dans l'article.

Comment mener l’entretien avec l’entourage de l’enfant ?

Il est recommandé de s’entretenir avec la famille ou l’entourage, en posant des questions ouvertes, sans porter de jugement. L’objectif est de recueillir des informations concernant les antécédents médicaux, les évènements de vie qui ont pu affecter l’enfant, le comportement habituel de l’enfant, l’environnement dans lequel il vit, la relation parent-enfant.

Lors de l’entretien, il faut garder à l’esprit que l’accompagnateur (parent ou adulte de l’entourage) peut être l’auteur présumé ou un témoin passif.

Comment échanger avec l’enfant ?

Un entretien seul avec l’enfant, dès que son âge le permet et avec son accord, est préférable. Vous pouvez débuter l’entretien par des questions d’ordre général (relatives à l’école, à ses conditions de vie à la maison, ses loisirs, ses relations avec sa famille, ses copains). L’important est de laisser l’enfant s'exprimer spontanément, en évitant de reformuler ou d’interpréter ses propos, en respectant ses silences, en privilégiant les questions ouvertes et en lui montrant qu’on croit sa parole.

Si vous avez repéré des lésions, votre objectif est d’en préciser l’origine et de rechercher d’éventuelles discordances entre ces lésions et les explications données.

Que faut-il inscrire dans le dossier patient ?

Vous consignez dans le dossier patient toutes les données recueillies au cours de l’examen clinique. Les propos de l’enfant et de la famille doivent être retranscrits mot pour mot, entre guillemets, tels qu’ils ont été entendus ou observés, en évitant tout commentaire, interprétation ou appréciation personnelle. Les diverses lésions peuvent être retranscrites sur un schéma. Dans la mesure du possible, des photographies de ces lésions peuvent compléter le dossier.

Quelles informations noter dans le carnet de santé ?

Dans le carnet de santé, vous ne reportez que les données objectives relatives au développement de l’enfant et à la pathologie observée.

 

Identifier les situations à risques

Existe-t-il des situations plus à risque de maltraitance ?

La prématurité, des troubles du développement et/ou du comportement, un handicap de l’enfant sont des facteurs de risque de maltraitance. Du côté des parents, une situation qui rend l’attachement précoce difficile (séparation néonatale, dépression post-partum, etc.), des antécédents personnels de violences subies dans l’enfance, des violences conjugales, des addictions, un isolement social et surtout moral, des troubles psychopathologiques sont susceptibles d’augmenter le risque de maltraitance.

Lors de l’entretien prénatal précoce, vous pouvez repérer certains facteurs de vulnérabilité et orienter les familles vers des structures de soutien (PMI, CAMSP, CMPP, CMP, services sociaux) pour prévenir le danger.

 

Repérer les maltraitances en dehors des signes physiques

En dehors des signes physiques, que doit-on chercher ?

Des signes de négligences lourdes (portant sur l’alimentation, le rythme du sommeil, l’hygiène, etc.) peuvent être à l’origine de dommages physiques, voire entrainer le décès de l’enfant.

La maltraitance psychologique est également à rechercher. Chez le nourrisson, elle peut se traduire par des troubles des interactions précoces, des troubles du comportement liés à un défaut de l’attachement. Quel que soit l’âge de l’enfant : des humiliations répétées, des exigences excessives, une emprise, des injonctions paradoxales, etc. peuvent constituer un danger à prendre en charge. Enfin, le comportement de l’enfant et/ou celui de l’entourage peuvent alerter.

Quels sont les signes comportementaux évocateurs d’une maltraitance ?

Chez l’enfant, cela peut se traduire par une modification du comportement habituel, enfant craintif, replié sur lui-même, évitant le regard, un enfant présentant des troubles du sommeil, des cauchemars, des troubles du comportement alimentaire, un enfant agressif ou, au contraire, en recherche de contact, d’affection sans discernement, un enfant dont le comportement et/ou l’état émotionnel sont imprévisibles, etc.

Le comportement de l’entourage vis-à-vis de l’enfant et vis-à-vis de vous, professionnels de santé, peut aussi devenir un signal d’alarme.

Les signes comportementaux de l’entourage, évocateurs de maltraitance

  • vis-à-vis de l’enfant :
    • parent ou adulte intrusif s'imposant à la consultation médicale, parlant à la place de l’enfant ;
    • indifférence notoire de l'adulte vis-à-vis de l’enfant (absence de regard, de geste, de parole) ;
    • parent ou adulte ayant une proximité corporelle exagérée ou inadaptée avec l’enfant ;
    • parents ou adultes qui refusent les vaccinations obligatoires ou appliquent des régimes alimentaires source de carences, malgré des avis médicaux répétés…
  • vis-à-vis des professionnels de santé ou des assistants sociaux :
    • minimisation, banalisation ou contestation des symptômes ou des dire de l’enfant ;
    • dénigrement ou accusation de l’enfant ;
    • refus des investigations médicales ainsi que de tout suivi social sans raison valable ;
    • attitude d’hyper recours aux soins ;
    • attitude agressive ou sur la défensive envers les professionnels de santé.

 

Focus sur les maltraitances sexuelles intrafamiliales et le syndrome du bébé secoué

Repérer les maltraitances sexuelles intrafamiliales

Les professionnels de santé et plus particulièrement les médecins, qu’ils exercent en libéral, à l’hôpital, dans les services de santé ou à l’école font partie des acteurs de proximité les plus à même de reconnaître les signes évocateurs d’une maltraitance sexuelle ainsi que les situations à risque. 

Lire les recommandations sur le repérage et le signalement de l’inceste par les médecins.

 

Syndrome du bébé secoué : le détecter le plus tôt possible

Le syndrome du bébé secoué (SBS) survient la plupart du temps chez un nourrisson de moins de 1 an, souvent de moins de 6 mois. Le taux de récidive du secouement est élevé. Les premiers signes de violence doivent être détectés le plus tôt possible pour éviter des séquelles sévères, voire un décès.

  • Le secouement du bébé entraîne des symptômes immédiats, mais il peut y avoir un délai entre le secouement et la consultation.
  • L’examen complet du bébé dévêtu comporte la palpation de la fontanelle, la mesure du périmètre crânien qu’il faut reporter sur la courbe en cherchant un changement de couloir, la recherche d’ecchymoses sur tout le corps, y compris sur le cuir chevelu, la face, sur et derrière les oreilles, l’intérieur de la bouche, le cou et les creux axillaires.
  • En cas de diagnostic de syndrome du bébé secoué, l’hospitalisation est une urgence. Il est conseillé de prendre contact avec l’équipe hospitalière avant d’y adresser l’enfant et de s’assurer que le bébé est bien conduit à l’hôpital par ses parents.
  • À l’issue des investigations cliniques et paracliniques, le signalement doit être fait à la justice avec copie à la CRIP (Cellule départementale de recueil d’évaluation et de traitement des informations préoccupantes).

Lire la recommandation sur le syndrome du bébé secoué ou traumatisme crânien non accidentel par secouement.


Lire les recommandations, la synthèse et l'argumentaire  sur la mort inattendue du nourrisson (moins de 2 ans)

Lire la fiche mémo maltraitance chez l'enfant, le rapport d’élaboration sur la maltraitance chez l’enfant et trouver des modèles de signalement et certificat.