Avis n° 2021.0044/AC/SEESP du 17 juin 2021 du collège de la Haute Autorité de santé relatif à la vaccination en anneau et la vaccination réactive devant l’émergence de variants du SARS-CoV-2
Considérant la menace liée à l’apparition et à la diffusion de certains variants, la Direction générale de la santé a saisi la Haute Autorité de santé (HAS) sur l’opportunité, les indications et les modalités éventuelles d’une vaccination autour des cas de Covid-19 pour lesquels la présence d’un variant préoccupant (VOC) ou d’un variant d’intérêt (VOI) émergent est détectée. Elle souhaitait notamment que soient précisés le périmètre des personnes éventuellement éligibles à ce type d’opération de vaccination lorsqu’il s’agit d’un cas sporadique et lorsqu’il s’agit d’un regroupement de cas (cluster), les délais dans lesquels ce type de stratégie peut être déployée, les types de vaccins à employer, les modalités de réalisation de ceux-ci notamment lorsque deux doses sont nécessaires. Enfin, l’opportunité d’étendre cette stratégie à l’ensemble des clusters identifiés ou de l’ensemble des cas quelle que soit la souche dès lors que l’incidence serait suffisamment faible et dans l’hypothèse d’une disponibilité suffisante des doses de vaccins nécessaires devait être évaluée.
A qui s’adressent ces recommandations ?
Elles s’adressent à :
- Aux pouvoirs publics
Quels sont les objectifs de cette recommandation ?
Évaluer l’opportunité, les indications et les modalités éventuelles d’une vaccination autour des cas de Covid-19 pour lesquels la présence d’un variant préoccupant (VOC) ou d’un variant d’intérêt (VOI) émergent est détectée en réponse à la saisine du DGS du 21 avril 2021.
Principales conclusions de la recommandation
La HAS a pris en considération les éléments suivants :
- La situation épidémiologique actuelle et l’évolution de la diffusion des variants du SARS-CoV-2 en France ;
- Les mesures de freinage de la diffusion des variants du SARS-CoV-2 ;
- Les données d’efficacité vaccinale concernant les variants du SARS-CoV-2 ;
- L’intérêt et l’efficacité de la vaccination en anneau dans le contrôle de certaines épidémies ;
- Les conditions requises pour espérer une efficacité théorique de la vaccination en anneau ;
- L’absence de données d’efficacité d’une stratégie de vaccination en anneau contre la Covid-19 ;
- L’absence de recommandations internationales en faveur de la vaccination en anneau contre la Covid-19 ;
- Les résultats de travaux de modélisation menés par l’Institut Pierre Louis d’Épidémiologie et de Santé Publique et l’EHESP ;
- L’avis rendu par Santé publique France considérant non pertinente une vaccination en anneau des contacts de première et seconde générations, mais relevant l’intérêt d’une stratégie de vaccination des personnes fréquentant une collectivité où aurait été détecté un cluster ;
- L’avis rendu par le Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale le 7 mai 2021 en faveur d’une vaccination des contacts secondaires ou de collectivité lors de survenue de cluster.
La HAS considère qu’une stratégie de vaccination en anneau (vaccination des contacts de 1ère génération et de 2ème génération) paraît peu pertinente au regard des délais d’incubation et d’obtention d’une protection vaccinale. En revanche, une vaccination réactive contre la Covid-19 visant, non pas les contacts du cas index comme la vaccination en anneau, mais l’ensemble de l’entourage des cas chez qui un variant émergent aurait été détecté (c’est-à-dire l’ensemble des individus du foyer du cas détecté, des personnes à son lieu de travail et/ou à l’école/université), pourrait apparaître comme une intervention intéressante en complément du renforcement de la stratégie « tester alerter protéger » dans le cadre d’une stratégie de freinage de la propagation de variants émergents. Une telle stratégie pourrait être envisagée devant la survenue de cas d’infection par certains variants préoccupants et variants d’intérêt du SARS-CoV-2 encore peu présents sur le territoire ciblé et à la suite d’une investigation de l’ARS et de la cellule régionale de Santé publique France.
Toutefois, pour permettre de ralentir le risque de diffusion de tels variants émergents et de réduire de façon notable le taux d’infections secondaires, elle nécessite d’être mise en œuvre dès la survenue d’un premier cas de variant détecté, ainsi qu’une acceptabilité forte de la vaccination par la population concernée par la circulation de ces variants. La HAS souligne également que la mise en place des mesures renforcées de contrôle (dépistage, traçage des contacts, isolement) constitue la réponse la plus efficace dans une telle situation.
Le choix du vaccin à administrer dépendra du variant détecté et des connaissances sur l’efficacité des différents vaccins vis-à-vis de ce variant. L’efficacité des vaccins ARNm apparaît globalement conservée contre les variants beta (B.1.351), gamma (P.1) et delta (B.1.617.2). L’utilisation du vaccin Vaxzevria® n’est pas préconisée en cas de circulation du variant beta (B.1.351).
Les données disponibles sur le délai d’obtention d’une réponse vaccinale semblent indiquer que les vaccins à ARNm offrent un début de protection plus précoce que Vaxzevria® même si les différences observées dans les études observationnelles sont plus faibles que celles observées antérieurement dans les essais.
Dans la situation actuelle, l’utilisation des vaccins ARNm devrait donc être privilégiée dans le cadre d’une telle intervention.
La stratégie de vaccination réactive s’applique à toutes les personnes éligibles à la vaccination (plus de 18 ans ou plus de 12 ans pour le vaccin Comirnaty®), non encore vaccinées ou incomplètement vaccinées (une seule dose) et chez qui une vaccination complète (deux doses) sera requise. Dans ce cadre la vaccination devra privilégier les vaccins à ARNm (quel que soit le vaccin reçu antérieurement) et respecter le schéma vaccinal recommandé. La HAS souligne l’intérêt de respecter un délai de 3 à 4 semaines entre les deux doses de vaccin à ARNm.
La HAS souligne les éventuelles difficultés opérationnelles de la mise en œuvre d’une telle stratégie qui nécessite la mobilisation rapide de l’ensemble des acteurs pour l’administration du vaccin dans les lieux fréquentés par l’entourage des cas, par exemple par l’intermédiaire d’une équipe mobile ou de centres de vaccination éphémères, mais aussi de l’ensemble des professionnels de santé en ville et en médecine du travail. Une communication adaptée sera également nécessaire à l’échelle de la population concernée afin de garantir une adhésion forte des personnes concernées à la vaccination. A ce titre le retour d’expérience des opérations de vaccination ciblée mises en œuvre à Bordeaux, Brest et Strasbourg pourra permettre d’approcher les contraintes opérationnelles.
La HAS recommande ainsi que la mise en œuvre de cette stratégie fasse l’objet d’une évaluation systématique.
En dehors de l’objectif de ralentissement de la propagation de variants émergents, la stratégie de vaccination réactive pourrait apporter un bénéfice supplémentaire limité, mais non négligeable, pour contenir une épidémie dès lors que la circulation virale est plus limitée sur un territoire donné. Il est cependant essentiel, pour que cette stratégie soit intéressante, qu'elle soit mise en œuvre précocement dès le premier cas détecté et qu’elle s’accompagne d’une acceptation vaccinale optimale par la population.
Sans ces conditions fortes de réalisation et au regard des capacités de vaccination (nombre de premières doses injectées par jour) observées en France actuellement, l’intérêt de coupler une stratégie de vaccination réactive localisée au programme national de vaccination apparaît plus discutable.
La HAS rappelle l’importance du respect des gestes barrières, tout particulièrement dans ce contexte spécifique d’émergence de variants du SARS-CoV-2.