Qualité de vie au travail – Zoom sur trois retours d’expériences
Depuis fin 2015, 189 établissements de santé se sont lancés dans l’expérimentation de démarches de qualité de vie au travail, en partenariat avec la HAS, l’Anact et la DGOS. Lors de la Paris Healthcare Week 2018, deux chercheurs ont présenté les enseignements anonymisés des démarches menées par trois de ces établissements.
La qualité de vie au travail des professionnels de santé contribue à favoriser la qualité et la sécurité des soins délivrés au patient. Depuis fin 2015, des expérimentations (ou « clusters ») sont conduites dans le cadre de la collaboration entre la HAS, l‘Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) et la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) sur l’amélioration de la qualité de vie au travail (QVT). Christophe Massot, docteur en sciences de gestion et chercheur associé au Centre de recherche sur le travail et le développement (CNAM-CRTD), et Cathel Kornig, sociologue du travail – membre associé du Laboratoire d'économie et de sociologie du travail (LEST-CNRS-Aix-Marseille-Université) se sont rendus dans une dizaine d’établissements afin de réaliser une première évaluation de ces travaux.
Faire émerger des propositions
Premier exemple, celui d’un centre de gérontologie doté de plus de 300 lits. Il emploie plus de 400 personnes en équivalent temps plein. De nombreux changements organisationnels sont intervenus dans cet établissement depuis 5 ans, avec comme corollaire, des suppressions de postes. Ces évolutions ont conduit à des tensions et les relations se sont dégradées dans certains services. Pour faire face à cette situation, la direction des ressources humaines et les délégués du personnel ont souhaité travailler ensemble sur la qualité de vie au travail. Un groupe de travail a été constitué avec les représentants de différentes professions de santé (médecins, soignants, administratifs…). Son parti pris : ne traiter que des aspects qui concernent le travail quotidien en partant des questions posées par les professionnels de l’équipe, et ne pas aborder de front les conflits.
Parmi les problèmes soulevés : la question du « timing » des interventions des différents professionnels d’une équipe de soins auprès des patients. Des interventions mal planifiées ou en retard impactent considérablement l’emploi du temps au sein d’une équipe.
Illustrer concrètement les dysfonctionnements
Deuxième exemple, celui d’un hôpital situé dans une ville de 30 000 habitants. Il dispose de 1 000 lits, emploie 1 600 salariés, et propose des services de médecine, de chirurgie et d’obstétrique. L’établissement souffre d’une mauvaise réputation et peine à recruter des professionnels de santé. La directrice des soins et la DRH ont donc souhaité travailler sur la qualité de vie au travail pour améliorer l’attractivité du centre hospitalier. Leur démarche s’est concentrée autour du service ambulatoire que l’hôpital souhaite développer, mais qui connaît d’importants dysfonctionnements. Le groupe de travail était constitué du cadre de santé du service, des 12 membres de l’équipe de soins et d’un brancardier. Au cours de cette démarche, chacun a été invité à prendre deux photos d’une situation de travail pour illustrer un dysfonctionnement. Les photos ont ensuite été partagées et discutées afin de proposer solutions et aménagements. Le groupe de travail a ainsi pu élaborer et présenter un plan d’action à la direction pour réorganiser le service.
Analyser en détail l’activité
Le troisième exemple est celui d’un établissement de santé mentale qui emploie 130 salariés et dispose de 100 lits de court séjour. La démarche autour de la qualité de vie au travail s’inscrit dans un contexte particulier puisque les services doivent déménager. Ce déménagement offre l’opportunité de repenser l’organisation de l’hôpital. Le groupe de travail, qui réunit les différents professionnels et une qualiticienne, s’est notamment penché sur la question de l’administration des médicaments aux patients. Plusieurs solutions ont émergé mais aucune ne faisait l’unanimité. Le groupe a alors expérimenté deux solutions en parallèle : d’une part, l’administration des médicaments en salle (tous les patients se rendent en même temps dans la salle), et de l’autre, l’administration dans les chambres des patients. Finalement, l’administration en salle fut choisie, l’administration en chambre étant plus complexe à gérer.
Redevenir acteurs et forces de proposition
Christophe Massot et Cathel Kornig tirent plusieurs enseignements de ces exemples. Indéniablement, le fait d’aborder les problèmes du travail quotidien et de rechercher des solutions collectives permet aux groupes de travail de dépasser les conflits interpersonnels. Par ailleurs, l’engagement de la direction est indispensable pour valoriser le travail fait en groupe et y donner suite. Plus généralement, les expérimentations montrent qu’il est nécessaire de faire en sorte que le groupe de travail analyse lui-même l’activité pour explorer d’autres manières de fonctionner et de capitaliser sur les nouveaux rapports sociaux qui peuvent émerger de l’expérimentation.
Propos recueillis par Citizen press