Hypertension artérielle – Des outils pour une prise en charge optimale
Le dépistage précoce et la prise en charge de l’hypertension artérielle (HTA) contribuent à l’allongement de l’espérance de vie. Cependant, en France, des progrès doivent encore être réalisés car environ 20 % des patients hypertendus ne sont pas traités et 50 % de ceux qui le sont, n’atteignent pas les objectifs de contrôle de la pression artérielle (PA). La Société française d’hypertension artérielle (SFHTA) et la HAS ont élaboré conjointement une fiche mémo et un algorithme afin d’aider à prendre en charge de façon optimale le patient adulte hypertendu. Explications de Christine Revel-Delhom, du service des bonnes pratiques professionnelles à la HAS.
À quel stade parle-t-on d’hypertension artérielle ?
L’hypertension artérielle (HTA) est définie de manière consensuelle comme une pression artérielle (PA) ≥ 140/90 mmHg mesurée en consultation et qui persiste dans le temps.
L’HTA est la première maladie chronique dans le monde. Elle est aussi l’un des principaux facteurs de risque vasculaire. Les bénéfices de la baisse de la PA chez un patient hypertendu sont démontrés. Elle réduit le risque d’accidents vasculaires cérébraux, de démence, d’insuffisance cardiaque, d’infarctus du myocarde et de décès d’origine cardiovasculaire. Cette baisse retarde aussi l’insuffisance rénale chronique terminale.
Comment confirmer le diagnostic d’une HTA ?
Pour confirmer le diagnostic, il est recommandé de mesurer la PA en dehors du cabinet médical, au domicile du patient par automesure tensionnelle (AMT) ou par mesure ambulatoire de la PA (Mapa). L’HTA est alors définie par une PA ambulatoire diurne > 135/85 mmHg.
Il est nécessaire de confirmer le diagnostic d’HTA avant de débuter un traitement antihypertenseur médicamenteux, sauf en cas d’urgence hypertensive.
La constatation d’une HTA en consultation associée à une PA normale en dehors du cabinet médical est appelée « HTA blouse blanche ».
Cette dernière ne requiert pas le recours à un traitement antihypertenseur. Cependant, le risque de passage à une HTA permanente est élevé. Elle nécessite donc une surveillance tensionnelle annuelle ainsi que la mise en œuvre de mesures hygiéno-diététiques.
Comment initier la prise en charge d’un patient ayant une HTA non compliquée ?
La prise en charge initiale d’un patient hypertendu nécessite une information et un temps éducatif, au mieux lors d’une consultation dédiée. Celle-ci permet d’informer le patient sur les risques liés à l'HTA et sur les bénéfices démontrés du traitement antihypertenseur. Cette consultation permet aussi de fixer les objectifs du traitement et d’établir un plan de soin. La décision médicale partagée favorise l’adhésion du patient quant à sa prise en charge.
Il est essentiel que des mesures hygiéno-diététiques soient initiées dès cette consultation.
En fonction du profil du patient, de la sévérité de son HTA, de ses préférences et de son adhésion à ces mesures, le délai de mise en route du traitement médicamenteux sera adapté pour atteindre l’objectif d’une PA contrôlée à 6 mois.
En cas d’HTA sévère confirmée (PAS > 180 et/ou PAD > 110), il est recommandé d’instaurer sans délai un traitement pharmacologique.
Au cours des premiers mois, des consultations médicales mensuelles sont recommandées jusqu’à obtention du contrôle tensionnel pour évaluer la tolérance et l’efficacité du traitement, renforcer l’éducation et parfaire l’information du patient.
Quels sont les objectifs à atteindre dans les 6 mois ?
Dans les 6 mois, l’objectif est d’obtenir une PA systolique comprise entre 130 et 139 mmHg et une PA diastolique < 90 mmHg, au cabinet médical, confirmées par des mesures au domicile < 135/85 mmHg.
Chez le sujet âgé de 80 ans ou plus, il est recommandé d’obtenir une PA systolique < 150 mmHg, sans hypotension orthostatique (pas diurne en AMT ou en Mapa < 145mmHg).
Quelle est la place des mesures hygiéno-diététiques dans la prise en charge du patient ?
Les mesures hygiéno-diététiques contribuent à la réduction des chiffres tensionnels et font partie intégrante de la prise en charge du patient.
Elles comprennent :
La pratique d’une activité physique régulière et adaptée aux possibilités du patient (par exemple 30 mn/j au moins 3 fois /semaine en endurance) ;
La réduction du poids en cas de surcharge pondérale ;
La suppression ou la réduction de la consommation d’alcool : une consommation journalière supérieure à 3 verres chez l’homme et 2 verres chez la femme doit entraîner une prise en charge adaptée ;
Une normalisation de l’apport sodé (6-8 g/jour de sel au maximum, soit une natriurèse d’environ 100 à 150 mmol/jour) ;
L’arrêt d’une intoxication tabagique. Cette mesure n’entraîne habituellement pas directement une réduction de la PA, mais est essentielle pour réduire la morbi-mortalité ;
Une alimentation privilégiant la consommation de fruits de légumes et d’aliments peu riches en graisse saturée.
Par quelle classe médicamenteuse débuter ?
Il est recommandé de débuter un traitement pharmacologique : diurétique thiazidique, inhibiteur calcique, inhibiteur de l'enzyme de conversion (IEC) ou antagoniste des récepteurs à l'angiotensine 2 (ARA2), par une monothérapie, au mieux en monoprise.
Les bêtabloquants peuvent être utilisés comme antihypertenseurs mais ils semblent moins protecteurs que les autres classes thérapeutiques vis-à-vis du risque d’accident vasculaire cérébral.
Au sein d'une même classe, il existe des différences pharmacologiques (durée d’action notamment) entre les médicaments pouvant avoir des conséquences sur l'efficacité et la tolérance. Ces éléments doivent être pris en considération dans le choix du médicament.
Comme pour tout traitement, la prescription des antihypertenseurs doit être établie en DCI.
Les antihypertenseurs génériques en France ont une efficacité comparable aux produits princeps. Il est souhaitable de ne pas changer de marque en cours de traitement afin de réduire le risque d’erreur de prise par le patient.
Quid lors de la prise en charge médicamenteuse ?
En cas de comorbidités associées, le choix thérapeutique est à adapter au profil du patient (voir Fiche mémo).
Ainsi, les diurétiques de l’anse (à la place des diurétiques thiazidiques) peuvent être prescrits chez un patient hypertendu, en cas d’insuffisance rénale sévère (DFG estimé < 30 ml/min/1,73 m²), ou de syndrome néphrotique ou chez l’insuffisant cardiaque.
L’utilisation des IEC et des ARA2 nécessite un contrôle du sodium et du potassium plasmatiques et de la créatininémie dans un délai de une à quatre semaines après l’initiation du traitement puis lors des modifications posologiques ou en cas d’évènement intercurrent.
Chez le patient hypertendu, certains médicaments (AINS, corticoïdes, antidépresseurs IMAO et IRSNA, neuroleptiques, antiparkinsoniens, médicaments utilisés pour l’adénome de la prostate) peuvent augmenter les chiffres de PA ou favoriser la survenue d’une hypotension orthostatique, une évaluation de la tolérance du traitement est donc à renouveler régulièrement.
Quid lors de la prise en charge médicamenteuse du patient âgé ?
Chez le sujet âgé de 80 ans ou plus, la lutte contre une iatrogénie est impérative. Dans la plupart des cas, il convient de ne pas dépasser 3 molécules antihypertensives.
La prise de médicaments antihypertenseurs (notamment IEC, ARA2 et diurétiques) peut être arrêtée (le plus souvent de façon temporaire), devant la constatation d’une hypovolémie marquée ou après un évènement intercurrent, notamment chez ces patients (épisode de diarrhée, toute situation de déshydratation et/ou infection, etc.). Un ionogramme sanguin et une créatininémie avec débit de filtration glomérulaire estimé sont alors à réaliser.
Quelle est la prise en charge au cours des 6 premiers mois ?
Une monothérapie peut suffire à contrôler la PA lorsque l’HTA est de découverte récente et les chiffres de la PA peu élevés. Cependant, la plupart des HTA nécessitent sur le long terme une plurithérapie.
En pratique, à 1 mois, si l’objectif tensionnel n’est pas atteint (inefficacité, efficacité insuffisante ou mauvaise tolérance), il est préférable de passer à une bithérapie car elle améliore l’efficacité et réduit le risque d’effet indésirable plutôt que de changer de monothérapie ou d’augmenter la posologie de la monothérapie.
Cette bithérapie comportera, de façon préférentielle l’association de deux des trois classes suivantes : bloqueur du système rénine-angiotensine (IEC ou ARA2), inhibiteur calcique, diurétique thiazidique et en cas d’inefficacité, d’autres bithérapies (doses, principes actifs) peuvent être proposées.
Si l’objectif tensionnel n’est toujours pas atteint, on peut recourir à une trithérapie, qui comportera idéalement l’association d’un bloqueur du système rénine-angiotensine (IEC ou ARA2), d’un inhibiteur calcique et d’un diurétique thiazidique, sauf indication préférentielle d'une autre classe thérapeutique et/ou mauvaise tolérance.
Quelle est la prise en charge au-delà de 6 mois ?
Si la PA est contrôlée à 6 mois, une consultation de suivi est proposée tous les 3 à 6 mois. Cette consultation a pour objectif de rechercher les symptômes, de surveiller le niveau tensionnel, et d’évaluer la tolérance et l’adhésion au traitement médicamenteux et aux mesures hygiéno-diététiques.
La recherche d’une hypotension orthostatique est recommandée chez tous les patients hypertendus, plus fréquemment chez les patients diabétiques, parkinsoniens ou âgés. L’hypotension orthostatique, ressentie ou non par le patient, est associée au déclin cognitif et constitue un facteur de risque de morbi-mortalité cardio-vasculaire et de chute.
À 6 mois, si la PA de consultation n’est pas contrôlée, il est recommandé de réaliser une AMT ou une Mapa. C’est seulement lorsque la PA n’est pas à l’objectif en AMT ou Mapa que l’on peut parler d’HTA non contrôlée.
Lorsqu’une trithérapie est nécessaire, la trithérapie optimale associe le plus souvent un IEC ou un ARA2, un diurétique thiazidique et un inhibiteur calcique, tous à doses optimales.
Une HTA résistante est définie par une PA non contrôlée malgré les mesures hygiéno-diététiques et une trithérapie comportant un diurétique thiazidique à dose optimale.
* Propos recueillis par Arielle Fontaine – HAS