Benzodiazépines : programmer l’arrêt dès la prescription
Les somnifères et les anxiolytiques – essentiellement les benzodiazépines (BZD) et médicaments apparentés – ne sont indiqués que sur une courte période. La HAS a réalisé une fiche mémo sur les modalités d’arrêt de ces médicaments en population générale. Objectif ? Réduire les prescriptions au long cours des BZD et médicaments apparentés. Explications de Sophie Blanchard*, docteur ès sciences, service des bonnes pratiques professionnelles à la HAS.
La HAS a réalisé une fiche mémo sur les modalités d’arrêt des benzodiazépines (BZD) et médicaments apparentés. Quel est l’objectif de ce travail ?
Cette fiche mémo s’adresse principalement au médecin traitant. Elle vise à éviter la surconsommation et le mésusage des BZD dans l’anxiété et l’insomnie. Il est le professionnel le plus à même d’informer ses patients sur les dangers d’une prise au long cours de ces médicaments. Aujourd’hui, il est observé une consommation s’étendant sur plusieurs mois, voire plusieurs années. Or, au-delà de quelques semaines, les risques d’effets délétères augmentent : somnolence diurne, chutes, accidents, troubles de la mémoire, etc. Les risques de dépendances sont également amplifiés.
Si une prescription de BZD est estimée pertinente, quelle stratégie adopter ?
Si la prescription de BZD ou de médicaments apparentés a été jugée nécessaire, il convient, dès l’instauration du traitement, d’expliquer au patient que, compte tenu des risques de dépendance, la prise de ces médicaments doit être de courte durée. Les modalités d’arrêt, envisagées dès la prescription, lui sont explicitées.
De même, lors d’une demande de renouvellement du traitement, le patient doit être incité à s’interroger sur la mise en œuvre d’un arrêt.
Enfin, pour les patients qui prennent ces médicaments quotidiennement depuis plus de 30 jours, il est essentiel de les conduire, eux aussi, à envisager une stratégie d’arrêt.
Comment évaluer la dépendance et préparer l’arrêt ?
Il existe des outils pour évaluer la dépendance du patient et son degré d’attachement aux benzodiazépines. Le médecin peut s’appuyer sur les items du questionnaire Ecab (échelle cognitive d’attachement aux benzodiazépines) pour décider, avec son patient, de la meilleure stratégie d’arrêt. L’implication et la motivation des patients sont essentielles. Ils sont considérés comme capables de stopper leur consommation si :
- Ils ont manifesté leur souhait d’arrêter et sont motivés ;
- Ils ont un support social adéquat (insertion sociale, présence d'un environnement aidant) ;
- Ils n’ont pas d’antécédents de complications à l’arrêt de médicaments ;
- Ils peuvent être régulièrement revus par leur médecin.
L’arrêt peut prendre de 3 mois à un an. Il est toujours progressif, sur une durée allant de quelques semaines (4 à 10 le plus souvent) à plusieurs mois (consommations de longue durée, posologies élevées).
Le patient doit pouvoir être acteur du processus et choisir le rythme qui lui convient. Le cas échéant, la stratégie d’arrêt peut donner lieu – avec son accord – à un protocole pluriprofessionnel de sevrage pouvant associer médecin, pharmacien, infirmier et entourage.
Même si le but poursuivi est l’arrêt de la consommation, une diminution de la posologie est considérée comme très positive.
Si un patient est hostile à toute sollicitation d’arrêt de ces médicaments, la proposition pourra être renouvelée lors de la prochaine consultation.
Comment lutter contre le syndrome de sevrage ?
C’est pour minimiser les effets du sevrage que l’arrêt est progressif.
Si, lors de la phase de décroissance de la prise des médicaments, des signes sans gravité surviennent, il est alors essentiel de revenir au palier posologique antérieur, puis ensuite de recommencer à diminuer la prise de façon plus progressive encore.
Si, après l’arrêt complet, des effets sans gravité apparaissent, il est capital de ne pas replonger dans la prise de ces médicaments. Un soutien psychologique permet le plus souvent d’attendre la disparition des symptômes.
En revanche, si les signes sont plus sévères ou s’ils persistent, une réévaluation s’impose. Et une prise en charge spécifique devra être définie.
Enfin, si le patient présente des signes graves de syndrome de sevrage (confusion, hallucinations, troubles de vigilance, convulsions, coma), il devra être hospitalisé.
Dans quels cas une prise en charge spécialisée conjointe doit-elle être envisagée ?
L’avis d’un spécialiste (psychiatre, addictologue, psychologue, etc.) ou l’orientation vers une prise en charge spécialisée est à considérer dans les cas suivants :
- historique d’alcoolisme ou autre dépendance ;
- pathologies sévères concomitantes, désordres psychiatriques ou troubles de la personnalité ;
- antécédent(s) d’abandon de sevrage médicamenteux.
L’arrêt avec substitution par le diazépam peut être envisagé après vérification de la fonction hépatique dans certains cas : difficultés à l’arrêt en raison d’une forte dépendance, antécédents d’abandon de sevrage médicamenteux, consommation de molécules à action brève, à effet puissant ou ne permettant pas aisément de réaliser une réduction, consommation concomitante de plusieurs BZD.
* Propos recueillis par Arielle Fontaine – HAS
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Article publié à l'origine en octobre 2015, mis à jour en novembre 2017.