Mélanome cutané : la détection précoce est essentielle
Le mélanome cutané est le plus grave des cancers de la peau étant donné sa forte capacité à métastaser. Aucune catégorie d’âge n’est épargnée. Il est observé de l’enfance à un âge avancé. Le pic d’incidence se situe entre 50 et 64 ans chez l’homme et entre 15 et 64 ans chez la femme. Une détection précoce offre de meilleures chances de guérison. Explications du Dr Roselyne Delaveyne*, du service évaluation économique et santé publique à la HAS.
Les acteurs du diagnostic précoce du mélanome cutané
Les acteurs du diagnostic précoce du mélanome cutané sont multiples : le patient, le médecin traitant ou tout autre spécialiste, l’infirmier, le masseur-kinésithérapeute, le pédicure-podologue.
Le professionnel de santé
Les médecins traitants, et les infirmiers et kinésithérapeutes, en raison de leur pratique, sont amenés à examiner la peau de leurs patients et peuvent aisément identifier une lésion mélanocytaire qu'ils suspectent d'être un mélanome cutané. Tous ces intervenants concourent au diagnostic et à la prise en charge précoce des mélanomes cutanés.
Le recours au dermatologue sur conseil de ces professionnels de santé permet d’intervenir avant la phase d’extension métastasique (sur les formes in situ et les mélanomes cutanés de faible épaisseur).
Le patient
Toute lésion mélanocytaire suspecte doit amener à consulter son médecin traitant. Lors de la consultation, ce dernier orientera si besoin vers le dermatologue qui confirmera ou non la suspicion de mélanome cutané et pratiquera l’exérèse complète de la lésion suspecte. Le pathologiste confirmera ou infirmera le diagnostic.
Pour faire le point sur le niveau de risque de votre patient, les 7 questions à se poser :
- A-t-il des antécédents personnels ou familiaux de cancers de la peau ?
- Bronze-t-il difficilement ou est-il sujet aux coups de soleil ?
- Au cours de son enfance ou de son adolescence, a-t-il eu des coups de soleil avec brûlures au second degré (érythème + cloque) ?
- A-t-il beaucoup de nævi (≥ 40) ou des nævi larges (+ de 5 mm) et irréguliers ?
- Est-il régulièrement exposé aux UV artificiels (cabines de bronzage, soudure à l’arc) ?
- Est-il immunodéprimé, que cette immunodépression soit constitutionnelle ou acquise (traitement immunosuppresseur, VIH-sida) ?
- Travaille-t-il ou a-t-il travaillé à un poste qui l'expose à des facteurs de risque de cancer de la peau : UV, arsenic, hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), rayonnements ionisants ?
C’est le cas des personnes exerçant un travail en extérieur ou de celles qui fond de la soudure des métaux, de la sidérurgie, de la radiologie médicale et industrielle, ou qui utilisent des pesticides arsenicaux.
À noter : les éventuels cancers liés à ces expositions peuvent donner lieu à une déclaration en maladie professionnelle.
S'il l'on peut répondre oui à une de ces questions alors le patient à un risque augmenté de cancer de la peau, et il doit faire l’objet d’un suivi spécifique.
Le rôle des différents professionnels dans la détection précoce
Il est primordial d’identifier les populations à risque dont les caractéristiques sont connues. Étant donné que les généralistes sont en première ligne dans le parcours de soins et qu’ils ont une patientèle de tous âges, ils sont bien placés pour identifier les sujets à risque élevé de mélanome cutané. Leur implication dans la coordination avec les dermatologues et dans l’information des populations à risque est essentielle.
Lorsqu’ils identifient un patient à risque, ils l’informent sur les dangers liés à l’exposition solaire, l’incitent à mettre en place une surveillance régulière (une fois par an) par un dermatologue et à pratiquer un autoexamen cutané (tous les 4 mois, voir encadré).
Des fiches d’information à l’attention des médecins, des infirmiers et des masseurs-kinésithérapeutes ont été publiées en 2016 par l’Institut national du cancer (Inca) pour rappeler à ces professionnels de santé les critères d’identification des sujets à risque, les critères de suspicion d’un mélanome cutané, les conseils de prévention.
Les freins au diagnostic précoce
Les freins sont le plus souvent liés au patient qui, ayant une lésion cutanée suspecte (identifiée par lui ou par le médecin traitant), peut être trompé par l’apparente non-évolutivité de cette lésion, ou par l’absence de douleur. La peur du résultat peut aussi retarder une consultation chez le dermatologue.
Les dépassements d’honoraires pratiqués par certains spécialistes et les disparités de répartition territoriale des dermatologues peuvent aussi parfois freiner un certain nombre de patients.
Les actions de formation à développer pour les professionnels de santé
La formation des généralistes à la sémiologie des mélanomes et à l’identification des patients à risque est essentielle. Les données de la littérature ont révélé que la formation des généralistes améliore leur pertinence diagnostique à condition de la renouveler à intervalle régulier.
L’Inca a mis en place un module de formation multimédia de détection précoce des cancers à destination des professionnels de santé.
Les actions d’éducation en santé à entreprendre ?
Les facteurs de risque sont souvent méconnus du grand public. Il ne faut pas hésiter à rappeler régulièrement à votre patientèle :
- que l’exposition chronique ou intense au soleil et l’utilisation de lampes à bronzer augmentent le risque de cancer de la peau ;
- qu’il n’a pas été démontré que les produits de protection solaire diminuaient le risque de mélanome ;
- que les patients à risque élevé de mélanome cutané doivent consulter régulièrement un dermatologue et pratiquer un autoexamen cutané à la recherche de lésions suspectes.
Reconnaître une lésion suspecte
Images suspectes |
Images normales |
infographie : Pascal Marseaud
A comme Asymétrie
Grain de beauté de forme ni ronde ni ovale, dont les couleurs et les reliefs ne sont pas régulièrement répartis autour du centre.
B comme Bords irréguliers
Bords dentelés, mal délimités.
C comme Couleur non homogène
Présence de plusieurs couleurs (noir, bleu, marron, rouge ou blanc).
D comme Diamètre en augmentation
En général supérieur à 6 mm.
E comme Évolution
Toute tache pigmentée qui change d’aspect rapidement (forme, taille, épaisseur, couleur) est un signe d’alerte.
+ Principe du « vilain petit canard »
Il s’agit d’un grain de beauté ou d’une tache qui se démarque des autres.
Autoexamen des personnes à risque
Le patient doit être informé de ce qu’il doit rechercher : une lésion mélanocytaire (tache pigmentée) différente des grains de beauté (nævus) ou taches solaires déjà présents sur le corps (le « vilain petit canard »), une lésion cutanée ulcérée qui ne guérit pas, un nævus qui grossit.
L’autoexamen peut être réalisé une fois par trimestre. Le patient est debout, complètement nu, dans un endroit bien éclairé.
- Il inspecte l’intégralité de son corps, à l’aide d’un miroir en pied, les bras pendant le long du corps, le dos de la main tourné vers le miroir.
- Il examine chaque profil, les bras levés, les paumes de main tournées vers le miroir.
- Il observe les paumes des mains et des pieds, les ongles et les espaces interdigitaux.
- Il vérifie, avec un miroir à main, l’arrière des jambes, du cou, du dos, des fesses et des organes génitaux.
- Pour l’examen du cuir chevelu, une aide est nécessaire.
* Propos recueillis par Arielle Fontaine – HAS
Article mis en ligne en mars 2018, actualisé par rapport au site de l'Inca en février 2020.
Les documents sur la détection précoce du cancer de la peau sont disponibles sur le site de la HAS ainsi que sur celui de l’Institut national du cancer (Inca).